De Milos Forman avec Colin Firth, Annette Bening, Meg Tilly
Rien ne résiste aux entreprises de séduction de la Marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont. Ni la jeune vertu de Cécile de Volanges, ni la pruderie de la présidente de Tourvel, ni les purs sentiments du Chevalier Danceny. Sous les lustres de l’Opéra et sous les frondaisons des parcs, dans le secret des alcôves et dans les lettres remises en cachette, la comédie de l’amour déploie ses jeux, ses masques et ses pièges. Mais au-delà de l’échiquier des stratégies libertines se tisse un réseau de tendresses et de désirs plus profonds. Unis par leurs complots et leurs secrets, Merteuil et Valmont règnent sur les salons et les boudoirs de cette aristocratie qui ignore que sa fin approche. Tels deux seigneurs sur le même territoire, ces virtuoses de l’intrigue amoureuse finiront par s’affronter. Et dans ce duel sans merci, un sentiment sincère est une faille mortelle.
1. Une adaption qui s'impose
Milos Forman a découvert Les Liaisons Dangereuses de Laclos alors qu'il n'était encore qu'étudiant. Ce n'est que bien plus tard que l'adaptation de ce roman épistolaire s'est imposée à lui : "Pendant cette période de vacances après Amadeus, mon agent m’a demandé d’aller voir la pièce de Christopher Hampton, dont il voulait acheter les droits pour une adaptation cinématographique. J’ai été sidéré de constater à quel point la pièce était différente de mes souvenirs", se remémore-t-il. "J’ai relu le livre et je me suis rendu compte que la pièce était très fidèle. Ma mémoire avait éliminé des passages, en avait ajouté ou privilégié d’autres, cela m’intriguait. En particulier, je me suis aperçu que les personnages étaient beaucoup plus méchants dans le livre que ce dont je me souvenais. Fasciné par ces glissements de ma mémoire, j’ai décidé d’adapter Les Liaisons dangereuses".
2. "Sans Claude Berri, je serais en prison"
Valmont était pour Milos Forman l'occasion de travailler avec Claude Berri, un ami très cher au réalisateur qui l'a sorti d'une bien mauvaise passe. "C’est l’un des aspects les plus plaisants de toute l’entreprise : à l’origine il n’y a pas une relation d’affaires, mais une amitié. Sans Claude Berri, je ne serais pas cinéaste, je serais en prison", expliquait alors le cinéaste. L’affaire remonte à plus de vingt ans, à Au feu les pompiers ! qui était produit par l’État tchécoslovaque avec une petite coproduction de Carlo Ponti. "Quand Ponti a vu le film, il ne l’a pas aimé, et j’ai été assez stupide pour lui donner la possibilité de sortir du contrat : le film durait quelques minutes de moins que prévu. Ponti a réclamé aux autorités tchèques les 85 000 $ qu’il avait investi - somme ridicule pour un producteur occidental, mais qui représente un pactole là-bas. Les studios m’ont attaqué en justice pour « sabotage de l’économie socialiste », accusation qui était à l’époque passible de dix ans de prison". Claude Berri et François Truffaut ont acheté les droits du film pour la somme manquante. "Ensuite, en août 68, Claude et Jean-Pierre Rassam, le frère de Paul, sont allés à Prague récupérer ma famille à la barbe des chars russes, dans la voiture de Truffaut. Depuis nous avons toujours voulu faire un film ensemble".
3. Le choix de Colin Firth
Le rôle de Valmont a été particulièrement difficile à attribuer selon Milos Forman. "Il possède une personnalité énigmatique, à la fois celle d’un galopin et celle d’un décadent, avec du charme et de l’arrogance". À un moment, nous avons envisagé de repousser le tournage, parce qu’après avoir cherché partout en Amérique je n’avais pas de Valmont", explique le réalisateur. "Je suis retourné à Londres, mais je ne voulais pas que Valmont ait un accent anglais trop prononcé. Et puis Colin Firth est venu, et son comportement était celui d’un aristocrate français - ou du moins est-ce l’idée que je m’en fais. Nous avons fait des lectures et des essais, et tout s’est bien passé. Au fond, c’est toujours la même question lorsque je teste un comédien : est-ce que j’y crois ? J’ai cru à Colin Firth".
4. Quelques changements
Valmont est sorti sur les écrans français un an après Les Liaisons Dangereuses de Stephen Frears, avec Glenn Close et John Malkovich dans les rôles principaux. Le choix de ce titre était une manière de se différencier de son "concurrent". La fin de Valmont est également très différente de la fin du roman de Laclos, comme l'explique le scénariste Jean-Claude Carrière : "On a su très vite qu’on changerait la fin, qui nous semblait une « hécatombe morale », une concession à la censure de l’époque. Mais nous l’avons modifiée encore plus que prévu, pour rester cohérent avec le reste du scénario. Par exemple, nous avions l’intention de tuer Madame de Tourvel, mais aucun procédé ne fonctionnait. Quand nous jouions ces scènes, Milos et moi, il y avait toujours quelque chose qui sonnait faux. C’est l’épreuve du jeu qui l’a sauvée".
5. Le dilemme de Michelle Pfeiffer
Michelle Pfeiffer s'est vu proposer le rôle de Madame de Merteuil dans Valmont au même moment que le rôle de Madame de Tourvel dans Les Liaisons Dangereuses de Stephen Frears. L'actrice a finalement préféré rejoindre la production du Britannique aux côtés de John Malkovich et Glenn Close.