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    Sully avec Tom Hanks : "Clint Eastwood fait confiance à ses acteurs"
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Tom Hanks, Aaron Eckhart et le pilote Sully Sullenberger ont donné une conférence de presse à Paris pour la sortie du film Sully, en salles ce mercredi. AlloCiné était là : morceaux choisis.

    Warner Bros. France

    Sully, nouveau film de Clint Eastwood, raconte l'histoire vraie d'un pilote d’US Airways, Sully, qui sauva ses passagers en amerrissant sur l’Hudson en 2009. Le film explore aussi bien l'incident que ses conséquences. Tom Hanks (Sully) Aaron Eckhart (Jeff, son co-pilote) et le véritable pilote, Sully Sullenberger, étaient de passage à Paris pour évoquer cet événement hors du commun.

    Clint Eastwood est un homme qui est connu pour économiser ses mots. Comment vous a-t-il dirigé, Tom et Aaron, et comment vous a-t-il convaincu, monsieur Sullenberger, d’accepter Sully ? 

    Tom Hanks : C’est intéressant, c’est vrai que c’est quelqu’un qui parle très peu, et ce n’est pas à moi de décrire les choses sur le plateau… Comment nous a-t-il dirigés ? Calmement. Il parle peu, nous n’avons pas répété, et il y a peu de prises. Il est très fan des acteurs, et il veut que nous fassions notre travail au mieux de nos envies. Il veut que l’on arrive prêts comme des musiciens de jazz et sentions le pouls de la scène. Et la réponse que je vous ai faite est sans doute 6 fois plus longue que tout ce qu’il ne nous a jamais dit pendant le film ! (rires)

    Sully Sullenberger : Les producteurs qui avaient acheté les droits du film, Allyn Stewart et Frank Marshall, m’ont appelé. Ils m’ont dit qu’ils avaient montré le scénario à Clint Eastwood qui l’avait adoré et voulait le faire. On m’a annoncé qu’il viendrait chez moi dans 10 jours, il est arrivé et nous l’avions en face de nous, avec ma femme et là : le projet est devenu réel. (…) Il nous a raconté que lorsqu’il était pilote dans l’armée, il a aussi eu un amerrissage forcé, et a dû nager.

    Warner Bros. France

    Aaron Eckhart : Je suis un grand fan de Clint, mais j’ai surmonté cela rapidement car il fallait que je fasse mon travail. J’ai toujours observé Clint, la façon dont il parle aux acteurs, la façon dont il les dirige. Comme l’a dit Tom, Clint fait confiance à ses acteurs. Le seul fait qu’il vous ait choisi pour être sur le plateau, c’est une autorisation à ce que vous fassiez ce que vous voulez, et s’attend à ce que vous en assumiez la responsabilité. (…) Lorsqu’il lui est arrivé de faire des suggestions, c’est d’une voix très douce : "pourquoi ne pas essayer comme ci ou comme ça ?", il n’impose jamais sa volonté, ce qui est très agréable, car vous sentez que vous avez votre mot à dire (…).

    "Clint fait confiance à ses acteurs"

    Quel était la chose la plus difficile et la plus agréable dans le fait d’incarner le pilote Sully ?

    TH : Le moment le plus difficile est toujours d’essayer d’habiter la peau de mon personnage, et physiologiquement occuper le même espace que Sully.  Il a un niveau d’expérience et de connaissance qui est presque biologique, en tant que pilote. La façon dont il a mené sa vie avant ce crash est si éloignée de la manière idiote dont j’ai mené la mienne. La chose la plus intéressante pour un acteur, c’est de pouvoir exprimer ce genre de choses (…) ce qui fait de mon travail le meilleur job du monde, mais aussi le plus effrayant.

    Clint Eastwood fait des films anti-spectaculaires, mais très forts. On voit dans le film que Sully a de terribles cauchemars. Etait-ce pour le film ou étaient-ils réels ? Et si tel était le cas, en avez-vous encore ?

    SS : Ce  vol a été un traumatisme pour tous les passagers, même après 30 ans d’expérience dans les airs où la routine fait son entrée. Quelques secondes après le décollage, ça a été le défi de notre vie. Mon corps a réagi immédiatement, j’ai senti mon pouls, et la pression de mon sang augmenter, pendant des jours on n’a dormi que par segments de 30 ou 45 minutes. Ma tension est restée élevée pendant 20 semaines. Jeff [son co-pilote, NdlR] a subi la même chose, et j’ai bien eu des cauchemars, mais je ne m’en rappelle pas en détails.(…)

    J’ai eu des cauchemars, je ne m’en souviens plus, mais je sais que Jeff, mon co-pilote, en avait également.

    Warner Bros. France

    Tom, pensez-vous que vous avez face à vous un héros, et vous Sully, pensez-vous que vous avez accompli quelque chose d’héroïque ?

    TH : J’ai regardé toutes les interviews que Sully a donné et les journalistes lui posaient cette question : "Mais… Mais vous êtes un héros ?", sauf que je n’ai jamais rencontré  quelqu'un qui ait accompli quelque chose d’héroïque et qui réponde à cette question "Oui. Je suis un héros". Suivre son instinct et son entrainement, tenter quelque chose de surhumain, mettre volontairement sa vie en danger juste pour le bien des autres… C’est la définition d’un héros. Et je crois que le geste héroïque de Sully, de Jeff et de beaucoup de gens tous les jours dans leur travail quotidien, répond à cette définition. Ils pilotent des avions, ils trompent la mort, pour conduire 155 de pères, mères, enfants, grands-parents à leur destination en leur disant : "faites-moi confiance, installez-vous et je vous y emmène". Ça, ce sont des héros.(…) Il ne le dira jamais, mais Sully est un héros. Et pourtant, il vous dira la même chose que ce que je viens de vous dire.

    SS : Exact.

    "Mettre volontairement sa vie en danger juste pour le bien des autres… C’est la définition d’un héros."

    Plusieurs secouristes de l’incident étaient là en tant que figurants, comme le capitaine du bateau… Avez-vous pu échanger avec eux ?

    TH : Le premier jour de tournage était sur la rivière. Il n’y avait pas encore l’avion, mais les ferrys étaient là, et il fallait engager des gens pour ces rôles. Donc ils ont tous posé une journée et sont venus  pour jouer leur propre rôle de policier, de pompier ou de la Croix Rouge. C’était intéressant, car ils savaient à quoi ils avaient pris part, et c’était pour eux une fierté et un honneur de pouvoir participer à cette reconstitution.

    Warner Bros. France

    Vous souvenez-vous des événements de 2009 ? (…)

    AE : Je me souviens, j’étais en Europe, je regardais le journal et j’étais stupéfait de cette image de l’avion avec les passagers sur les ailes en plein milieu de l’Hudson. (…) Evidemment un avion qui vole bas n’est jamais une bonne chose à New York, mais tout s’est bien terminé, et tous ceux qui ont travaillé ensemble à sauver ces gens ont participé à cette victoire de la ville de New York.(…)

    "Au lieu d’être la pire journée pour New York, ça a été la meilleure"

    TH : Je n’ai pas vu la scène en direct, mais je l’ai vu à la télévision, et ma première pensée a été "A quoi ont pu penser les gens en regardant par leur fenêtre et en voyant cet avion volant très bas au-dessus de Manhattan". J’en ai parlé à des gens, et ils m’ont tous dit qu’ils pensaient à une attaque terroriste et qu’il allait y avoir des milliers de victimes.(…) Sauf qu’au lieu d’être la pire journée pour New York, ça a été la meilleure, en 7 minutes tout le monde a été mis en sécurité, et cet homme (il désigne Sully) a accompli l’impossible, car il avait 99% de chance de planter l’avion plutôt que de le poser. Et il l’a fait.

    Le problème c’est que maintenant, dès qu’il y a le moindre bruit, la moindre secousse, tout le monde se tourne vers moi, veut que j’explique ce qui se passe… Je sors quelque chose de technique en disant que c’est une manœuvre de routine et on me répond "Merci Tom" et tout le monde est content !

    United International Pictures

    Après Seul au monde, Terminal, Attrape-moi si tu peux et Sully, on peut avoir peur de se retrouver avec Tom Hanks dans un aéroport ; y a-t-il une raison pour laquelle vous vous retrouvez toujours dans ces histoires d’aviation ?

    TH : Je m’éviterais aussi (rires) ! Tous ces films sont arrivés par des concours de circonstances : J’ai fait Seul au monde car j’avais lu une histoire de ces avions qui traversaient le Pacifique avec uniquement des colis à bord et comment réagiraient les gens à la perte d’un avion rempli de colis. Je n’ai pas de règle, je ne me dis pas "oula, ça fait trois ans, il est temps que je fasse un film sur un crash aérien !" Je ne vais pas aussi loin, mais je crois qu’un de ces jours je vais faire un film sur un homme qui réussit à piloter un avion de Charlotte à La Guardia [le trajet qui devait être effectué par le pilote de Sully, NdlR], le film fera 1h30, sera ennuyeux et inintéressant, puis ils feront un film sur vous en train de voir ce film d’1h30 et ça donnera une expérience complètement surréaliste (rires) !

     Propos recueillis vendredi 18 novembre à Paris par Corentin Palanchini

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