"Une histoire d’amour ni romantique, ni classique"
2 nuits jusqu'au matin met en scène une histoire d'amour qui n'est pas romantique parce que ces amoureux ne sont pas du tout dans cette démarche-là. Mon héroïne est en fin d’histoire avec la personne qu’elle aime mais n’en est pas encore convaincue. Depuis des années, elle a un comportement étrange. La rencontre qu’elle fait n’aurait pas eu lieu sans ces circonstances particulières.
Cette histoire d'amour n'est pas du tout classique et en cela, le film est malin car il nous balade bien ! Ce doit être le côté finlandais et l’humour grinçant avec des personnages hauts en couleur comme chez Aki Kaurismaki. Cela dit, comme toute rencontre amoureuse, celle-ci repose sur une base de mensonges (elle laisse entendre sans le dire qu'elle ne sait pas parler anglais), à savoir qu'on ne se montre jamais tel que l'on est de prime abord. On en veut à l’autre de nous avoir menti mais on s’en veut aussi de ne pas avoir pressenti qu’il y avait mensonge ! L’amour comme jeu de dupes, c'est bien cela.
Mon héroïne a un comportement dangereux. Elle a besoin de photographier l'Autre, par narcissisme, pour assumer son désir spoiler: d’enchainer les histoires d’un soir mais aussi pour garder le souvenir de ses conquêtes, tel un tableau de chasse. Elle est une amoureuse qui s’est perdue et a besoin de se retrouver. Cet homme aura un impact sur son futur parce qu’il la révèle à elle-même et inversement, l’un jouant le miroir de l’autre.
"Une grande liberté de jeu notamment lors de scènes d'amour"
Pour mon partenaire Mikko Nousiainen et moi-même, ce tournage était merveilleux car on avait une grande liberté de ton et d’expression. Le rythme, on l’a d’ailleurs trouvé ensemble avec le metteur en scène, Mikko Kuparinen. Il s’agit quasiment d’un huis clos puisque tout repose sur ces personnages-là. En tant qu’interprètes, on a pu apporter beaucoup de choses à nos personnages respectifs. Je voulais que mon héroïne soit le métier qu’elle fait, architecte, c’est-à-dire brillante et carrée dans un premier temps, avant de se fissurer. Chacun a des préjugés sur l’autre, liés à son métier. Mais tout ce à quoi on s’attend n’arrive pas.
Le fait qu'on se connaisse peu a permis une grande liberté dans les scènes d'amour qui ont été très réussies. Personne n’aime tourner les scènes d’amour. En revanche, pour que ce soit crédible, il faut absolument se lancer. Il faut être d’accord avec son partenaire sur l’idée d’oser des choses et de ne pas s’en tenir rigueur. C’est un dur moment à passer mais il faut y aller ! Avec Mikko, toutes les scènes au lit et notamment les scènes d'émotion, se sont très bien passées et pourtant on n’avait pas de lien particulier avant le tournage.
C’est d’ailleurs plus dur lorsqu’on est très amis. Sur Un balcon sur la mer, Nicole Garcia nous avait fait tourner notre scène d’amour avec Jean Dujardin le premier jour de tournage. Paradoxalement on a besoin d’être en confiance mais le fait de ne pas se connaître encore, aide à être insouciant. Le fait de n’avoir rien à détruire ou construire permet de ne pas se protéger et c’est l’idéal.
"Jouer ce n'est pas simuler"
Quand je fais un film je suis vraie, je ne simule pas le sentiment alors que dans les scènes d’amour, il faut simuler forcément. C’est très technique, on sait tout, on calcule tout, il y a beaucoup de consignes pour cacher certains angles. Au cinéma, je suis d'ailleurs très mal à l’aise lorsque je vois que les acteurs font trop semblant et ne sont pas allés au bout.
Toutes les amoureuses que j’ai jouées avaient quelque chose de moi. Si je devais choisir je dirais me sentir plus proche de l’héroïne de Je l’aimais. Cette femme qui a tout donné et qui accepte d’un coup de prendre de la distance et de voir l’amour comme un jeu pour se protéger. Cela me ressemble beaucoup. Je n’ai en revanche rien à voir avec l’amoureuse d’un Balcon sur la mer qui se fait passer pour une autre. Je suis pour finir assez éloignée de Caroline, l’héroïne de Deux nuits jusqu’au matin même si j’aime jouer aussi en amour, j’aime m’amuser et suis davantage le chat que la souris."
Propos recueillis par Laetitia Ratane lors du Festival du film de Cabourg.