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    Pierre Deladonchamps, de L'inconnu du lac au Fils de Jean : portrait d'un jeune acteur
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Révélé dans L'Inconnu du lac d'Alain Guiraudie, Pierre Deladonchamps est, ce mercredi, la tête d'affiche du nouveau film de Philippe Lioret, le Fils de Jean. L'occasion de revenir sur le joli parcours de Pierre Deladonchamps.

    Sebastien Raymond / Fin Aout Productions

    AlloCiné : Comment tout a commencé ?

    Pierre Deladonchamps, acteur : C’est la combinaison de plein de facteurs qui se sont additionnés au bon moment. J’ai toujours aimé amuser la galerie et faire le pitre en famille. Jusqu’au jour où ma mère m’a dit à 17 ans : "tu devrais faire du théâtre parce que ça te défoulerait. Au moins tu ferais ça pour quelque chose et pas à la maison". Donc ça a commencé comme ça, j’ai fait du théâtre en amateur. Puis, j’ai fait des études traditionnelles, un bac littéraire. J’ai continué les cours de théâtre dans un cours un peu plus sérieux. Un jour, j’ai un copain de ce cours, qui me dit "Pierre, je me suis inscrit à l’audition du cours Florent. Tu veux bien être ma réplique ?" Ca m’a surpris car je ne savais même pas qu’on pouvait s’inscrire comme ça à un concours, surtout celui-là. A l’évocation du Cours Florent, j’avais des étoiles plein les yeux. J’ai dit "oui, avec plaisir", mais ça m’impressionnait un peu. Et puis, ils m’ont proposé de passer l’audition aussi. J’ai dit oui. On a été pris tous les deux. Je finissais pile mon Bac+3, donc j’étais libre. J’allais enquiller sur autre chose en études traditionnelles.

    Comme j’avais un diplôme, mes parents étaient rassurés. Ils m’ont suivi. J’ai commencé le cours Florent comme ça en 2001. Je ne peux pas oublier le premier jour de cours que j’ai eu, c’était le 11 septembre 2001. C’est là que j’ai commencé à prendre la chose au sérieux. Quand je me lance dans quelque chose, après je m’y mets à fond. Puis j’ai eu la chance d’avoir vite un agent. J’ai réussi mon tout premier casting pour une série télé pour France 3, avec Virginie Lemoine. Je m’en souviens encore. Puis, après, petits rôles à droite à gauche, d’abord à la télé. Jusqu’en 2010, où j’ai alors eu beaucoup de mal à trouver du travail, et où j’ai décidé de rentrer à Nancy après 8 ans à Paris. Pour faire autre chose. Pour arrêter d’attendre que le téléphone sonne. C’était une période de vache maigre. Et là, on m’a rappelé un an et demi plus tard pour faire L’Inconnu du lac. Et là, tout est reparti, comme si on était revenu me chercher. J’ai vraiment ressenti ça. Un cadeau. Et depuis, ça a beaucoup changé.

    Bestimage

    Et grâce à ce rôle, vous avez eu un César…

    Comme je l’ai dit le jour où je l’ai reçu, c’est l’apothéose d’une aventure qui a duré presque deux ans, entre le premier casting et le César justement. Ca a changé ma vie dans tous les sens, professionnel mais personnel aussi. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé épanoui, à ma place, heureux que la profession aime mon travail, encouragé, légitimisé. Ca change beaucoup de choses quand on est acteur.

    Est-ce que vous vous souvenez de la première fois que vous vous êtes vu sur grand écran ?

    C’était le court métrage d’un ami qui s’appelle Benoit Masocco. C’était pour un film qu’on a fait ensemble, Idole, en 2003. Le premier long métrage, c’était Skate or Die de Miguel Courtois, où je joue un petit rôle, mais pour moi c’était beaucoup. C’est un film d’action avec Rachida Brakni et Philippe Bas. Je joue un flic en roller qui poursuit des voyous en skate-board.

    Benoit Masocco

    Qu’est-ce que vous avez ressenti en vous voyant ?

    J’étais tétanisé. En cours, on n'apprend pas à gérer le trac. Je n’en menais pas large, mais j’ai tout doucement appris à me faire confiance. Les mots deviennent familiers sur un plateau, on n’a plus peur de tout le monde, on oublie la caméra. Tout se fait de façon progressive. En tout cas pour moi, ça a été comme ça. J’ai encore le trac, mais c’est un bon trac que j’utilise pour être concentré.

    Est-ce que vous avez des amis comédiens de votre génération ?

    J’en ai quelques uns du Cours Florent, avec qui j’ai gardé contact qui sont soit dans le cinéma, soit non. J’ai gardé des liens car on était vraiment très proches pendant ces années-là. Et puis je me lie d’amitié avec certaines personnes avec qui je tourne. Récemment, le film Eternité de Tran Anh Hung, avec Mélanie Laurent, Audrey Tautou, Bérénice Bejo, Jérémie Rénier. Ces quatre personnes sont des gens que j’apprécie énormément. On a vécu une très belle aventure ensemble. On s’est tous beaucoup appréciés. Je suis proche aussi de Julia Piaton avec qui j’ai tourné, une fille que j’aime beaucoup et que je trouve très bonne actrice. L’Inconnu du lac aussi, j’ai gardé des liens importants avec Christophe Paou et Patrick d’Assumçao qui est un peu plus âgé mais avec qui on est resté très proches.

    Les Films du Losange

    Patrick d’Assumçao avec qui vous avez tourné une seconde fois d’ailleurs…

    Oui, dans Une Enfance de Claudel. C’était un grand plaisir ; j’adore cet acteur. Je l’aime vraiment beaucoup en tant qu’acteur et en tant que personne. On est nés le même jour et j’aime bien ce genre de petits signes.

    Y a-t-il des comédiens d’autres générations qui vous inspirent ?

    Il n'est pas d'une autre génération mais je me suis souvenu et on m’a rappelé que à l’époque où j’ai vu La vie est un long fleuve tranquille quand j’étais petit, quand j’ai vu Magimel, j’ai eu un déclic. Même si je ne pensais pas que j’en ferais mon métier, je me suis souvenu que je me suis dit à ce moment-là "la chance qu’il a : il interprète un personnage, il raconte une histoire". Je me suis complètement projeté. Peut être que c’était inconscient et que ça dormait quelque part. J’avais à la fois très envie de devenir acteur depuis toujours, mais jamais en le concrétisant, par peur de ne pas être à la hauteur, et que ce ne soit pas accessible à des gens comme moi.

    2016 NORD-OUEST FILMS

    Premier souvenir marquant de spectateur ?

    Je ne me souviens pas des premiers films que j'ai vu au cinéma. Je sais que ma mère m'a emmené au cinéma assez tôt et que je ne tenais pas en place. J'étais incapable de voir un film en entier.

    Premier souvenir de cinéphile ?

    La Pianiste de Haneke que je suis allé voir tout seul un après-midi dans le XIIIe, avec Isabelle Hupper qui est pour moi l'une des plus grandes actrices françaises, avec Catherine Deneuve et d'autres. J'ai été sous le choc. Benoit Magimel aussi était magistral. Je ne pouvais plus parler en sortant. L'autre film qui m'a provoqué une émotion énorme, c'est La Mauvaise éducation d'Almodovar. J'ai moi-même perdu mon frère. Ca a résonné en moi par rapport à ce personnage qui veut devenir acteur et j'aime beaucoup Almodovar de manière générale.

    Votre dernier souvenir marquant de spectateur ?

    Le dernier qui m'a provoqué une grande émotion, c'est Mia Madre de Nanni Moretti que j'ai vu cette année. Il m'a profondément ému, par le sujet qu'il aborde, par le brio avec lequel il mêle humour et drame. J'ai perdu ma grand mère il y a très peu de temps. Je tenais énormément à elle. Ce film m'a bouleversé. J'ai pleuré comme je pleure rarement au cinéma. 

    Alberto Novelli

    Est-ce qu’une musique peut vous inspirer dans votre travail ?

    Oui, j'ai une playlist de musiques dans mon téléphone que je me mets parfois quand j'ai envie d'être dans un certain état. Soit par souvenir d'un moment précis où j'ai écouté cette musique. Soit c'est une musique qui me provoque une émotion bien particulière qui m'aide à me mettre dans ma bulle et me concentrer. Ce que j'écoute est très éclectique. Mais de manière générale, et je l'assume, je suis très fan de la variété française qui va des grands auteurs comme Gainsbourg, Brassens, Brel, Piaf, à Joe Dassin, Michel Sardou, Polnareff... 

    Passer derrière la caméra pour un long métrage, une tentation ?

    C'est plus que ça, c'est un projet. Mais je ne veux pas faire un film pour faire un film, donc j'attendrais d'être prêt. Et j'ai encore de belles choses à découvrir en tant qu'acteur. Avec chaque metteur en scène que je rencontre, je me nourris de ce qu'il m'apprend. 

    Sebastien Raymond / Fin Aout Productions

    Parlons du Fils de Jean, film dont vous êtes la tête d'affiche ce mercredi. Qu'est ce qui vous a particulièrement touché dans ce scénario ?

    Pour moi la réponse est limpide. J'ai été très touché par le fait que la mère de cet homme de son vivant n'ait jamais dit à son fils qu'elle connaissait son père. Connaissant des gens pour que ce n'était pas possible que quelqu'un leur dise parce que personne ne savait, c'est déjà assez douloureux. Apprendre qu'on aurait pu le savoir si la mère lui avait dit, je trouve que c'est la moindre des choses. Du coup, ça a été mon moteur pour ce que ce personnage avait à l'intérieur. Puis, ce qui m' aplu, c'est le parcours initiatique de cet homme qui va rencontrer ses frères. J'étais très fan de tourner au Québec. J'aime beaucoup le Québec, c'était très dépaysant. Je me suis encore plus imprégné de cette culture que j'adore. Et puis Philippe Lioret est un beau raconteur d'histoire. Il fait des films tout public mais dans le sens noble du terme. Il créé l'émotion du spectateur sans la forcer à l'écran. 

    Vos projets ? Vous avez un autre film à l'affiche le 7 septembre, Eternité. Et vous venez de commencer un tournage...

    Avec Téchiné, oui. Et un casting quatre étoiles : Céline Sallette, ma partenaire principale, que j'adore en tant qu'actrice et en tant que femme, Michel Fau, Grégoire Leprince Ringuet, et Claude Gensac que je ne connais pas encore et que j'ai hâte de rencontrer. Je suis ravi, c'est un peu un rêve éveillé. Je suis complètement tombé en admiration. On travaille vraiment main dans la main. J'adore sa manière de travailler, de parler aux gens, l'amour qu'il a pour les acteurs qui se ressent vraiment et qui décuple le plaisir et l'envie de se dépasser. 

    Y a-t-il un film d'André Téchiné qui vous a particulièrement marqué ?

    Peut être Ma saison préféré. J'aime aussi Les Egarés, Les Temps qui changent... J'en aime beaucoup en tout cas, notamment le dernier (Quand on a 17 ans) qui est magnifique. 

    La bande-annonce du Fils de Jean de Philippe Lioret, à l'affiche ce mercredi

    Propos recueillis par Brigitte Baronnet au Festival du film francophone d'Angoulême 2016 

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