AlloCiné : Connaissiez-vous bien l’univers de Jim Mickle et Nick Damici, les showrunners de Hap and Leonard ?
James Purefoy : Non, je dois avouer que pas du tout. Mais dès que j’ai su qu’on allait tourner ensemble, j’ai commencé à regarder leur travail, particulièrement Cold in July, qui est adapté de Joe R. Lansdale tout comme la série, et j’ai été très impressionné de voir ce qu’ils avaient réussi à faire avec un si petit budget, ils s’en sont vraiment bien sortis. Et puis j’ai eu de longues conversations avec Jim avant le tournage pour m’assurer qu’il n’avait pas de problème avec le fait qu’un Anglais issu de la classe moyenne interprète un Texan de la classe ouvrière.
Aviez-vous déjà eu l’occasion de lire le roman de Joe R. Lansdale Savage Season (Les Mécanos de Vénus en VF) dont est adaptée la saison 1 et les autres aventures de Hap Collins et Leonard Pine ?
J’en ai honte, mais non, je ne connaissais pas du tout Joe Lansdale. Maintenant, oui ! J’ai lu toutes les aventures de Hap et Leonard avant de commencer à tourner la première saison, et beaucoup d’autres choses qu’il a écrites. Je l’ai même rencontré et j’ai appris à le connaître, ainsi que son travail, et nous avons une développé une relation très authentique.
Hap et Leonard sont très complices, leur relation est très forte. Aviez-vous déjà croisé votre partenaire Michael K. Williams (The Wire) auparavant ?
J’avais travaillé avec Michael, on se connaissait bien. A vrai dire, c’est grâce à lui que j’ai eu le rôle ! On avait joué ensemble dans une série américaine qui s’appelait The Philanthropist, diffusée sur la chaîne NBC. On s'entendait à merveille sur le tournage et on est restés très amis. J’avais juste terminé de tourner Following, avec Kevin Bacon, à New York, je m’apprêtais à repartir. Pendant ma dernière semaine là-bas, je suis allé à une soirée, Michael était là. Je lui demande donc ce qu’il fait, quels sont ses projets, et là il me dit qu’il part en Louisiane pour jouer ce personnage, Leonard. Tout à coup, il s’est mis à hurler : « Oh mon Dieu, il faut absolument que ce soit toi qui joue Hap ! » Le lendemain, j’ai reçu le script, que j’ai adoré. C’était vraiment très bien écrit, très bien adapté, j’ai eu l’impression de lire le scénario d'un très long film.
Vous êtes-vous senti proche de Hap, votre personnage ?
Oui, je me suis vraiment senti en empathie avec Hap. J’avais l’impression de le connaître. Il vient d’un monde très dur, il se tue au travail dans les champs de roses. Je viens aussi d’une communauté très dure, je passais beaucoup de temps avec des gens comme Hap, des idéalistes, qui étaient prêts à essayer de devenir riches par le chemin le plus rapide pour essayer de s’en sortir. Je me sentais à la fois proche du personnage et proche de Michael. On n’a eu aucun problème à recréer l’alchimie entre Hap et Leonard, puisqu’elle existait déjà entre nous. C’était facile.
Dans Rome, vous jouiez le général Marc Antoine, dans Following, vous incarniez Joe Carroll, un serial killer psychopathe très charismatique. A l'opposé, Hap est un homme vulnérable, un peu perdu, sensible et même fragile. Ca a dû être très intéressant, en tant qu’acteur, d’expérimenter quelque chose de nouveau ?
Oh oui, particulièrement après Following. Le personnage de Joe Carroll n’avait absolument aucune empathie envers les autres. C’était quelqu’un de totalement égocentrique, rien ni personne autour n’existait. C’était difficile pour moi, je me sentais un peu désespéré car j'étais tellement centré sur le personnage que j’avais l’impression d’être dans un long tunnel très sombre. Jouer Hap, c’est retrouver la lumière, le plaisir d’interpréter un homme bon. C’est un homme désenchanté, qui vit dans l'est du Texas, un environnement hostile. L’amour de sa vie, Trudy, l’a trahi… Je me suis tout de suite dit que ce serait un plaisir de l'interpréter.
Vous parliez de Trudy (Christina Hendricks)… Dans la série, les femmes sont plus fortes que les hommes, notamment Trudy, la femme fatale, qui s’avère avoir plus de couilles que n’importe quel homme. Les beaux personnages de femmes semblent plus fréquents à la télévision qu’au cinéma, quel est votre point de vue à ce sujet ?
C'est un sujet qui me tient beaucoup à coeur. Aux Etats-Unis, on voit bien que la représentation des femmes est problématique, dans les blockbusters surtout. Les réalisatrices ne sont pas représentées. L’année dernière, seulement 8% des films ont été réalisés par des femmes ! Vous vous rendez compte ? C’est incroyable, au sein d’une industrie qui est supposée être neutre, paritaire. Peut-être que les gens qui sont à la tête de tout ça sont tellement aveugles qu’ils ne voient pas combien c’est inéquitable et inégalitaire. Tant que nous n’aurons pas plus de réalisatrices, de productrices, de directrices de studios, je crains que les actrices et les rôles de femmes continuent à souffrir de cette iniquité totale. Je pense que ça ne s’arrangera qu’à partir du moment où les décisionnaires, les gens au sommet de la pyramide hiérarchique, seront paritaires à 50/50.
Peut-être que la télévision a une approche moins misogyne ?
Oui, peut-être. Il y a plus de femmes. J’ai travaillé avec beaucoup de réalisatrices à la télévision. Mais une fois encore, ça ne suffit pas. Il faut aussi des femmes qui soient showrunners, c’est le poste le plus important. J’en ai parlé avec l’équipe de Hap and Leonard. Et j'ai le sentiment que les réalisatrices sont souvent plus honnêtes dans leur manière de représenter les hommes, objectivement et subjectivement.
La série s'inscrit dans le genre pulp, c’est une série noire, qui traite également de sujets très sérieux comme l’homosexualité, le racisme, qui aborde des problématiques sociales et politiques. Pensez-vous que le genre permette de mieux traiter ces sujets ?
Je pense que ça permet d’aborder ces sujets forts sans pour autant avoir la main lourde. Si vous liez vos personnages à une narration de pulp fiction, vous pouvez toucher du doigt ces choses de façon plus délicate. Ca vous permet d’être beaucoup plus subtil lorsque vous abordez des thèmes difficiles. La série traite le racisme ou l'homosexualité de manière très concrète, substantielle. Cela participe de son identité, mais c’est n’est jamais écrasant. Peu de séries racontent des histoires sur des personnages tels qu’ils sont vraiment et pas tels que l’on voudrait qu’ils soient. C’est ce que j’aime dans notre show.
Vous avez un rôle dans le reboot de la série Roots, qui parle d’esclavage. Le problème du racisme est aussi très présent dans Hap and Leonard. Ces derniers temps, on a l’impression que c’est quelque chose de très présent dans la fiction, cinéma ou télé, comme si l’Amérique était enfin prête à revenir sur cette partie de son histoire. En tant que Britannique, qu'en pensez-vous ?
Je trouve cela très bien. Selon moi, les deux plus gros problèmes du monde actuel sont le racisme et le sexisme, ce sont les choses contre lesquelles ils faut absolument se battre. C’est très important et je trouve cela indispensable qu’on en parle. Qu’il s’agisse de l’esclavage et du racisme dans Roots ou Hap and Leonard, du sexisme et de la misogynie ailleurs, tout ce qui peut faire réfléchir, avancer les débats, est bon à prendre. C’est toujours bien de faire partie de cette démarche, chacun à son niveau. Ce n’est qu’en en faisant de vrais sujets de discussion dans le domaine public, que l’on pourra parvenir à une égalité totale. Et le chemin est encore long, c’est pour ça qu’il est nécessaire de faire vivre le débat, afin que chacun change sa manière d’agir, et lorsque chacun aura fait évoluer son comportement, on n’aura plus besoin d’en parler autant.
Vous étiez le héros du film Solomon Kane. Ne pensez-vous pas que Solomon ferait un très bon personnage de série ? Aimeriez-vous faire partie d’un tel projet ?
Je pense que ça ferait une super série télé. D’ailleurs, je crois que le producteur français du film, Samuel Hadida, avait en projet de faire une adaptation en série, avec moi peut-être, ou probablement un acteur plus jeune que moi, car ouh, ça m’a l’air épuisant… Mais évidemment, si le scénario est de qualité, si les gens engagés sur le projet arrivent à me convaincre qu’ils vont en faire quelque chose de génial, pourquoi pas, je suis ouvert à tout.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la saison 2 de Hap and Leonard ?
Oui ! Je sais que ce sera inspiré du deuxième roman de la série sur Hap Collins et Leonard Pine, Mucho Mojo (publié en France sous le titre L’arbre à bouteilles, ndlr). Ca débordera aussi peut-être sur le livre suivant. Je ne sais pas exactement quand on va commencer à tourner, mais probablement en août et en septembre. Pour le moment, nous cherchons un showrunner, car je pense que Jim Mickle a été un peu submergé sur la saison 1 : il a réalisé, produit, écrit la majorité des épisodes, donc ils cherchent quelqu’un pour lui donner un coup de main. Pour le moment, je n’ai aucune information sur le casting. Les épisodes ne sont pas encore écrits, mais dès qu’ils auront trouvé un showrunner, ils pourront mettre en place la writers room. Bien sûr, Michael et moi serons de la partie, et il y aura certainement pas mal de nouveaux personnages.
Propos recueillis par Léa Bodin le 6 juin 2016.
Découvrez la bande-annonce de la saison 1 de Hap and Leonard :