Fais pas ci, fais pas ça fait son grand retour sur France 2 ce mercredi 10 février, après plus d’un an d’absence. Alors que, de l’aveu même de la production, cette huitième saison a été conçue comme une saison de "reconstruction" pour les Bouley et les Lepic, nous avons pu discuter des thèmes majeurs de ces six nouveaux épisodes, de l’évolution des personnages, et de l’avenir de la série avec une partie de l'équipe : les comédiens Isabelle Gelinas et Guillaume de Tonquédec, le producteur Guillaume Renouil, Samantha Mazéras, la directrice de collection, et Fanny Rondeau, conseillère des programmes fiction de France 2.
Comment définiriez-vous cette nouvelle saison de Fais pas ci, fais pas ça ?
Guillaume Renouil : Cette saison est l’une des plus évolutives de la série. Elle dit des choses très utiles sur ce que c’est d’être parent, sur ce que c’est de vivre en France aujourd’hui. On voulait tenir compte de l’époque. La qualité de Fais pas ci, fais pas ça c’est que les téléspectateurs ont la sensation que les Lepic et les Bouley vivent dans la même époque qu’eux. Dans cette année 2015 particulière il a donc fallu trouver un certain équilibre pour rester dans la comédie, dans les problématiques quotidiennes des parents, tout en tenant compte de ce qui se passait en France. Mais les attentats [de janvier 2015] sont évoqués, ils sont nommés, on ne les occulte pas.
Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans cette salve d’épisodes ?
Guillaume de Tonquédec : Ce que traverse Renaud, mon personnage, cette année m’a beaucoup touché. Il se retrouve obligé de faire le point, à l’orée de la cinquantaine, et de revenir aux fondamentaux que sont la famille. Il a perdu son emploi et il se lance dans cette idée de gîte en Sologne pour aider son fils. Car Renaud est amoureux de sa femme et de ses enfants avant tout. C’est ce qui lui permet de tout traverser.
Isabelle Gelinas : Cette année, j’ai trouvé très intéressant de parler de ce stade complexe pour la femme qu’est le début de la ménopause. Egalement rebaptisée "biopause" par Denis Bouley (Bruno Salomone) pour ménager le mental de sa femme. Je trouvais amusant que mon personnage, qu’on attendrait insupportable, chiante, voire hystérique à cette période de sa vie, se révèle beaucoup plus calme. Elle prend finalement assez bien le tournant.
Guillaume de Tonquédec : Et puis pour les deux femmes de la série, Valérie et Fabienne, l’un des points importants de la saison c’est le départ des enfants. Qu’est-ce qu’on devient une fois que les enfants ont quitté le nid ? Fabienne (Valérie Bonneton) ne travaille plus à la mairie et commence à désespérer car sa maison se vide de plus en plus.
On a l’impression que c’est une saison plus nostalgique que les autres, qu’il y a un tournant pour tous les personnages…
Guillaume Renouil : Cette saison 8, on l’a vraiment appréhendée comme une saison de "reconstruction". On a beaucoup chahuté les personnages durant 7 saisons, et là on se retrouve à un moment où ils se demandent "Et après ?".
Fanny Rondeau : Le sixième épisode de cette saison est notre 50ème épisode en prime. C’est un vrai parcours. On a construit des personnages, et c’est normal de les faire évoluer, tout en restant évidemment drôle et bienveillant.
Isabelle Gelinas : La série reflète la vraie vie. On vieillit, et les enfants grandissent, puis quittent le nid. Mais je n’ai pas l’impression que ces épisodes soient nostalgiques. Les quatre personnages principaux [Renaud, Fabienne, Denis, et Valérie] ne vont d’ailleurs pas mettre bien longtemps pour rebondir, dans la seconde partie de la saison.
La saison débute avec les Lepic désormais installés en Sologne, pour aider Christophe et Tiphaine à ouvrir leur gîte. Vous ne vous êtes pas dit, au moment de l’écriture, qu’avec une famille à Sèvres et l’autre en Sologne, vous alliez perdre l’alchimie qui fait tout le sel de la série ?
Samantha Mazéras : Si, bien sûr. C’est pour ça qu’on a assez rapidement modifié la construction de la saison et les différentes arches narratives. Déjà pour nous, en tant qu’auteurs, c’était beaucoup moins drôle de ne pas pouvoir les confronter. On a donc accéléré le retour des Lepic à Sèvres. Ça dure un épisode et ce n’était pas prévu comme ça au départ.
Guillaume Renouil : Au bout de 8 saisons, on a envie de tenter des choses. On s’est dit que ce serait marrant de les séparer pendant une demi-saison. Et puis finalement, en écrivant, on s’est aperçu que ce n'était peut-être pas une bonne idée, que ce n’était pas source d’inspiration. Et du coup on a accéléré l’intrigue prévue au départ pour retrouver l’équilibre de la série. Et cette décision a permis, à l’écriture, de rouvrir des portes qu’on s’était un peu fermées. On a vraiment pu faire évoluer l’écriture de bout en bout de la saison. Et au final, on a écrit les trois derniers épisodes, tournés cet automne, en réaction à ce que les 3 premiers dégageaient. C’est vraiment idéal d’écrire de cette manière.
Est-ce qu’avec le temps, si la série continue encore longtemps, il serait envisageable que les enfants prennent le pas sur les parents et deviennent des héros à part entière ? Peut-être en installant Tiphaine et Christophe, les Boulpic, dans une 3ème maison, de manière pérenne ?
Fanny Rondeau : Ce qui est certain c’est qu’on est actuellement à une période charnière de la série. Mais heureusement, on a encore des petits, avec Salomé et Lucas.
Guillaume Renouil : Je ne crois pas qu’une telle évolution soit dans l’équilibre de la série. On a déjà essayé de tester une 3ème famille [le couple incarné par Anthony Kavanagh et Frédérique Bel en saison 4]… Mais avec le principe de la série chorale, on centre parfois un peu plus l’intrigue sur l’un des enfants durant un épisode, car c’est compliqué de servir tout le monde. C’est sûrement ce qui va continuer à se passer, car certains enfants ont quitté le nid, et ça devient artificiel qu’ils aient encore tous des problèmes communs.
L’avenir est donc à continuer la série ?
Guillaume Renouil : On pense à arrêter tous les ans. Ça fait 2-3 saisons qu’au moment de commencer à écrire on se dit "c’est peut-être la dernière, profitons". Et puis finalement il y a une espèce d’énergie qui se redéploye au fur et à mesure de la saison, et on fait le choix commun de se dire "allez, encore une".
C’est un choix qui se fait à l’écriture, pour avoir le temps de prévoir une vraie fin à la série ?
Guillaume Renouil : Oui, mais Fais pas ci, fais pas ça ce n’est pas Lost, il n’y a pas un énorme secret à révéler à la fin. Et comme on écrit au fur et à mesure, si en cours de saison on se disait "allez, c’est la fin", on aurait encore le temps de modifier les choses et de conclure la série comme il se doit. Là, cette saison, on s’est projeté dans quelque chose de nouveau et on verra bien ce qu’on fera en saison 9. Mais ce qui est certain c’est qu’on ne fait pas de plans sur la comète.
Quel calendrier de tournage et de diffusion envisagez-vous pour la saison 9, après le léger retard pris avec la saison 8 ?
Guillaume Renouil : On aimerait rattraper le retard et revenir avant Noël. C’est le calendrier qu’on s’est fixé. Et pour l’instant on avance bien.
Isabelle, Guillaume, la série reste donc, aujourd’hui encore, une vraie priorité dans vos carrières respectives ?
Isabelle Gelinas : Je préfère largement faire Fais pas ci, fais pas ça plutôt qu’un mauvais film. Les épisodes sont souvent beaucoup mieux écrits que beaucoup de projets qu’on reçoit. Et puis on a toujours le plaisir de se retrouver. C’est un rendez-vous qu’on adore. On sait qu’il n’y a pas de prise de tête, on n’a pas de pression. Personnellement, je ne pense qu’au plaisir et à l’échange.
Guillaume de Tonquédec : Lorsque Anne Giafferi [la créatrice de la série] a proposé l’idée d’une série sur la famille à France 2, après un appel d’offre, ils lui ont répondu "allez-y, faites ce que vous voulez". Ils ont laissé un auteur s’exprimer complètement, ce qui est malheureusement rarissime en France. Pour nous, en tant qu’acteurs, c’est du pain béni. C’est une chance incroyable d’avoir une telle écriture à défendre années après années.
Si vous deviez retenir une scène marquante de la saison, particulièrement marrante à tourner, ce serait laquelle ?
Isabelle Gelinas : J’ai adoré tourner la séquence où j’apprends que je suis ménopausée, dans l'épisode 4. Avec Lionel Abelanski en gynécologue. Et aussi les séquences avec ma mère, incarnée par Eva Darlan, avec qui j'ai toujours énormément de plaisir à jouer.
Guillaume de Tonquédec : J’ai beaucoup aimé la confrontation avec Daniel Cohn-Bendit [qui apparaît dans l’épisode 5, dans son propre rôle]. C’était marrant de tourner avec ce "personnage", qui arrive, qui est lui-même, avec un texte écrit pour lui, même s'il a aussi rajouté quelques trucs assez drôles. Il ne faut pas oublier qu'il n’est pas comédien. Alors on se dit "est-ce qu’il va jouer le jeu à fond ?", et puis finalement ça fonctionne. Ces instants sont toujours un peu magiques.
Un teaser de la saison 8 de Fais pas ci, fais pas ça :
Propos recueillis chez France Télévisions, à Paris, le 14 janvier 2016.