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    La Porte du Paradis et sept autres films mutilés ou tués par les studios
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Il arrive régulièrement qu'Hollywood torpille, mutile voire tue les films, aidé en cela par des producteurs pas franchement respectueux des oeuvres. Démonstration avec "La Porte du Paradis" du regretté Michael Cimino, et 7 autres films.

    Pat Garrett & Billy the Kid (1973)

    Durant toute sa carrière, Sam Peckinpah a souffert des coups de ciseaux de la censure et / ou de ceux de ses producteurs. Sa filmographie est en ce sens aussi tristement célèbre pour ça : Major Dundee, Chien de paille, La Horde sauvage...

    En 1973, le cinéaste s'apprête à entamer ce qui doit être son projet le plus personnel : l'histoire de Billy the Kid, tué par son ancien ami devenu shérif, Pat Garrett. Une mort qui signe aussi la fin d'une certaine idée de l'Amérique et de la liberté individuelle dans l'esprit de Peckinpah. Descendant de fameux pionniers, Peckinpah est né trop tard, au moment où ses ancêtres entraient dans la légende californienne. Il est aussi venu trop tard au cinéma, lui qui vénérait les westerns et les mythes fordiens de l'Ouest américain. Outre le fait qu'il détestait amèrement son époque, il avait aussi une réputation d'être ingérable sur les tournages.

    Comme le rapporta dans un entretien Gordon T. Dawson, l'homme à tout faire de Peckinpah entre 1965 et 1974, le réalisateur était auto-destructeur. "Le pire, c'était les repérages, car il buvait tout le temps. A l'arrière [de la voiture], il y avait plein de glaçons et des bouteilles de bière. Tu entendais les bouteilles en permanence. Tu devais t'arrêter à tous les bars. Il était complètement saoûl après huit heures du soir. Et à 6h du matin, il prenait de la cocaïne. Il n'a jamais essayé de s'arrêter".

    C'est James Aubrey, le ponte à la tête de la MGM qui produisait Pat Garrett & Billy the Kid, qui engagea les hostilités. Lorsqu'il a découvert dans le scénario des séquences comme celle où Garrett se repose au bord d'une rivière et échange des tirs avec une famille qui avance en bateau, il est devenu hystérique. "C'est un moment de violence existentielle" lui a-t-on répondu. "Existential Fucking violence ?! Je ne veux plus jamais entendre parler de ça !"  lança le PDG de la Major...

    Peckinpah parvint à imposer le chanteur Kris Kristofferson pour le rôle du Kid, là où le studio voulait Jon Voight ou Peter Fonda. Mais ce tournage fut sans doute le plus difficile de la carrière du réalisateur. "La faute à tous ces espèces d'attardés de la MGM" balança Peckinpah. Cabochard et jusqu'au-boutiste, Peckinpah multiplia alors le tournage de séquences inutiles juste pour faire perdre de l'argent aux producteurs. Il envoya même une photo à Variety où l'on voit son assistante (et amante), Katy Haber, déguisée en infirmière en train de lui inoculer de l'alcool par intraveineuse. Le genre de chose qui faisait difficilement sourire James Aubrey...

    Il finit par proposer deux montages différents, renvoyés dans les cordes par la MGM, notamment le prologue, qui voyait Pat Garrett assassiné par ceux-là même qui lui demandèrent de tuer son vieil ami. "Rudy Wurlitzer est un poète. Il écrit très bien. Son scénario aurait fait un film de cinq heures. Un affrontement épique, avec des grandes qualités lyriques. Je l'ai résumé dans mon film, en essayant d'en préserver la poésie, et j'étais content" déclara Peckinpah. Et d'ajouter, amer : "ces eunuques émotionnels de la MGM ont enlevé dans leur montage toute la personnalité en essayant de ne garder que les tirs. Ca ne marchait pas".

    Le film fut un cuisant échec commercial, et Peckinpah en fut logiquement meurtri. Il réclama même deux millions de dollars à la MGM pour son sabordage du film. Ce n'est qu'en 1988 que la version fidèle aux voeux du cinéaste fut diffusée par la chaîne Turner Classic Movie, et éditée en laserdisc sur le territoire américain.

    Ci-dessous, la (courte) bande-annonce du film, pour sa ressortie en copie restaurée...

    ...à laquelle on préfèrera pourtant "l'ancienne" bande-annonce :

     

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