Il y a une semaine, Pierre Lescure faisait un bilan du Festival de Cannes 2015, son premier en tant que président, et en profitait pour régler ses comptes avec une partie de la critique. Un son de cloche que l'on retrouve aujourd'hui du côté de Thierry Frémaux, dans un entretien exclusif accordé au Film Français.
L’attitude de certains journaux est étonnante
"Dire des choses calmement devient compliqué, oui, surtout en France", explique le délégué général lorsque le magazine l'interroge sur les réactions de plus en plus marquées de la presse et l'importance d'outils tels que Twitter, qui incitent à donner des avis tranchés pour mieux se faire remarquer. "L’attitude de certains journaux autrefois supporters du Festival est étonnante. Pierre Lescure, qui vient du journalisme, était sidéré. Le degré de fantasme que Cannes suscite n’autorise pas à écrire n’importe quoi."
Mettant en avant l'importance acquise par le clic dans le jugement que l'on fait d'un article, Thierry Frémaux parle de cette édition comme du "premier vrai festival Twitter où chacun décide de dire ce qui lui passe par la tête." Une évolution qui "crée une course contre la montre permanente entre les journalistes et ces néocritiques amateurs. Faire de la critique, c’est exercer et poser une pensée, ça ne se résume pas à 140 signes écrits à la fin du générique."
Le jury a consacré avant tout un cinéma de mise en scène
Regrettant l'influence négative des réseaux sociaux sur "l'esprit général", il est également revenu sur le palmarès et a contredit l'idée selon laquelle il avait sacré un "cinéma “social”, comme cela est souvent dit avec une pointe de mépris" : "Ce jury extrêmement cinéphile a consacré avant tout un cinéma de mise en scène", explique-t-il en citant aussi bien Todd Haynes et Hou Hsiao-Hsien que Stéphane Brizé et Jacques Audiard, chefs de file d'une délégation tricolore qui ne comptait "qu’un film français en plus par rapport à l’habitude."
Malgré les critiques émises, Thierry Frémaux tire un bilan positif de cette 68ème édition : "Il y a plusieurs manières d’analyser une édition cannoise : l’économique, l’organisationnel, le politique, l’artistique. De ces points de vue, nous sommes satisfaits, tout en connaissant la nature des améliorations", explique-t-il.
"Un Festival est toujours plein de dangers mais celui-là était particulièrement exposé – on l’a vu à certaines attaques médiatiques destinées à faire mal et qui contrastaient avec l’excellente atmosphère générale, la bonne santé du marché, une couverture presse plus forte que d’habitude, en particulier en Asie et aux États-Unis (...) Les salles étaient pleines, parfois trop, et le record de diversité a été battu avec 120 pays accueillis."
Le changement de gouvernance est réussi
Thierry Frémaux dresse ensuite un bilan, très positif de sa collaboration avec le nouveau président Pierre Lescure : "Le changement de gouvernance est réussi", déclare-t-il. "Par sa sa personnalité, ses relations et son désir de servir, il s’est installé tout de suite en apportant beaucoup. Sa générosité et sa franchise sont appréciées en interne."
S'il leur reste du chemin à parcourir, car il juge que "sa présidence débute vraiment maintenant", Thierry Frémaux est néanmoins persuadé que lui et son président feront "du bon travail ensemble", n'en déplaise aux esprits chagrins : "Le Monde, qui parie visiblement sur un déclin de Cannes, sera déçu." Suite l'année prochaine, lors de la 69ème édition qui se déroulera du 11 au 22 mai 2016.
Et la sélection commence très bientôt :