Quentin Dolmaire et Lou Roy Lecollinet, les deux révélations de Trois souvenirs de ma jeunesse, ont eux aussi évoqué son cinéma avec fraîcheur et perspicacité...
Réponse d'Arnaud Desplechin : "C'est ce que j'essaie de faire. Cela remonte à très longtemps. C'est lié à la façon dont j'ai essayé de me fonder ou de me réinventer. Je vais vous prendre un exemple simple, lié au 2ème film des frères Dardenne, qui s'intitulait La Promesse. On y voyait Olivier Gourmet, qui venait de perdre ses lunettes, attaché à une table et essayant d'attraper le jeune garçon tournant autour de lui. Le film était vibrant de douleur sociale, de vérité de représentation de la douleur dans une société et en même temps réussissait à produire une "image". Je pensais à Ulysse confronté à cet ogre dans la grotte. Ce film avait réussi à créer une image d'une puissance mythologique par la force de la mise en scène. Je songe aussi à cette scène de la poursuite en mobylette dans L'Enfant, une des choses les plus virtuoses que j'ai vues en puissance de mise en scène. Quand les gens se mettent à croire au réalisme plus qu'à la vérité, cela me blesse parce qu'on ampute le cinéma de la dimension dont je suis tombé amoureux justement. Je fais du cinéma contre le réalisme en tant qu'idéologie."
Propos recueillis par Thomas Destouches à Paris le 23 avril 2015