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    De Hard Eight à Phantom Thread : le cinéma de Paul Thomas Anderson
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Rédactrice en chef adjointe
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    A l’occasion de la sortie de "Phantom Thread", pleins feux sur le cinéma de Paul Thomas Anderson, auteur insoumis et réalisateur de génie ...

    Un auteur accompli, éclectique...

    Auteur reconnu comme tel, Paul Thomas Anderson se distingue, on l'a dit, par son talent à varier les genres tout en imposant son style et en développant les sujets qui lui tiennent à cœur. En fin explorateur de l’âme humaine, il fait ainsi dans ses films le portrait des comportements individuels, montrant comment l’intégration d’un homme dans une communauté (la pègre dans Hard Eight, le milieu du cinéma pornographique dans Boogie Nights, Los Angeles dans Magnolia, une famille nombreuse dans Punch-Drunk Love, un mouvement dans The Master, le L.A. noir, tortueux et sous acide dans Inherent Vice) ne guérit pas son désœuvrement d’origine et sa solitude.

    Plus généralement la rencontre, dans ce qu’elle a de déterminant, nourrit ses histoires, de Cigarettes and Coffee, où elle se décline dans un café, à The Master, où elle étire tout au long de l'intrigue sa portée. Dans ce dernier film comme dans le précédent (There will be blood), la fascination/répulsion que peut exercer la religion est un thème également abordé. Avec Phantom Thread, c'est la passion amoureuse dans ce qu'elle a d'asphyxiant qui l'intrigue, l'oeuvre faisant se confronter et s'aimer un "terrorriste du perfectionniste" aussi talentueux que rigide et torturé et une jeune éperdue attachante aussi naturelle qu'extrême (fascinante muse Vicky Krieps) dans l'univers impitoyable de la Haute Couture londonnienne d'après-guerre.

    Autre trait distinctif de Paul Thomas Anderson, le recours à l'oeuvre chorale (Magnolia en est l'exemple type) dans laquelle les intrigues et les personnages se multiplient. Enfin, qu’il témoigne (comme dans ce dernier film) de l’existence de coïncidences étonnantes et réelles touchant plusieurs personnes ou qu’il décrive l'oeuvre de la fatalité accablant un seul homme (There will be blood) se croyant plus fort que tous (Phantom Thread) , le destin est un élément déclencheur de ses intrigues, dans un premier temps source d'ascension, dans un second temps cause de déchéance ou de perturbation profonde (Boogie Nights et Phantom Thread notamment se construisent selon ces deux mouvements).

    Personnel`

    Traditionnelle ou moins conventionnelle, réelle ou abstraite, la famille dans son acception la plus large est au centre des préoccupations personnelles et cinématographiques de Paul Thomas Anderson. Plus précisément, le lien filial noue et dénoue son cinéma, qu'il repose sur le conflit (la relation du héros de Boogie Nights avec sa mère, la difficulté à se construire seul par rapport à l’image du père dans Magnolia, l'ambiguité du sentiment entre amour, indifférence et haine dans There Will Be Blood) ou la fascination (dans Hard Eight/Sydney ou d'une autre façon dans The Master puis dans Phantom Thread où le fantôme maternel hante son idéal féminin). 

    Mes films s’inspirent de quantité de petits détails intimes de ma vie personnelle. Je n’ai pas envie d’être plus explicite. Mais mon père est indiscutablement hyper présent dans mes films"¹,

    confiera le cinéaste. En effet, dès la discussion autour d'un café de Cigarettes and Coffee, Anderson s'inspire de ce qu'il avait l'habitude de vivre avec son père. A l’origine de son obsession pour les films pornos et donc du sujet de Boogie Nights (Anderson "s’instruit" à partir de la collection personnelle de son père découverte dans la cave de la maison), ce dernier inspire également la trame de Magnolia dans lequel chaque héros doit résoudre un problème lié à la figure paternel (le sien est en outre mort d’un cancer comme l’un des personnages).

    Découvrez la bande-annonce de "Magnolia":

    Mélomane

    Je prends toujours une dose de musique avant d'écrire ou pendant que j'écris.

    Omniprésente dans ses films, la musique est enfin à elle seule un thème chez Paul Thomas Anderson, qui s'en sert pour donner un rythme à ses scènes et à ses acteurs. Sur le plateau, il fait ainsi régulièrement jouer certains morceaux pour aider ces derniers dans leur travail, avant de récupérer une partie des sons enregistrés pour les intégrer au film. La musique tapisse ainsi l’univers du casino de Hard Eight de ses sonorités jazz, définit le milieu de la pornographie de Boogie Nights de ses accords pops, ou envahit les intrigues de Magnolia. Dans ce dernier film, ce sont les compositions d’Aimee Mann qui mènent la danse, la chanteuse (qui a signé des titres sur ses deux premières films également) étant une source d’inspiration pour le réalisateur qui va jusqu’à intercaler ses chansons dans les dialogues, coupant la parole aux personnages : "J'ai sa musique dans le sang, depuis toujours"², a affirmé Paul Thomas Anderson.

    Plus expérimentales et dépaysantes sont les bandes-son de Punch Drunk Love et de There will be blood. Dans le premier, la musique omniprésente accompagne la vision subjective du héros et relève plus de l'ambiance sonore que de l'accompagnement musical traditionnel. Dans le second, elle est tout aussi lancinante, presque dissonante, soulignant l'aridité de l'environnement. Loin d'être redondante, la bande-son des films d'Anderson a la particularité d'enrichir l'image, lui apportant un surplus de sens. Portées par  les accords de Jonny Greenwood, également compositeur de There will be blood , The Master et Phantom Thread, la musique de Inherent Vice mêle une bande-originale et des artistes des années 70 plus ou moins connus, comme le groupe expérimental Can, ou encore Minnie Riperton et Neil Young.

    ¹ DVD Hard Eight : commentaire audio du réalisateur et de l'équipe du film

    ²Dossier de presse de Magnolia

    Revivez la bande-annonce de "Punch-Drunk Love"

     

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