Un rebelle à Hollywood façonné par ...
Je m’appelle Paul Anderson. Je veux être écrivain, producteur, réalisateur, mettre au point des effets spéciaux. Je sais tout faire, je sais tout. S’il vous plait, engagez-moi.¹
A 7 ans, Paul Thomas Anderson savait qu’un jour il deviendrait "grand". 35 ans plus tard, après 20 ans de métier et 8 longs métrages à son actif, il fait résolument partie des réalisateurs les plus originaux et talentueux de son temps, les plus exigeants aussi. A l'époque, à ses côtés, une bande d’anticonformistes composée de David O. Russell (Les Rois du désert), Steven Soderbergh (Sexe, mensonges et vidéo), Quentin Tarantino (Pulp Fiction), Spike Jonze (Dans la peau de John Malkovich) ou encore David Fincher (Seven), avec qui sans l’avoir cherché, il partage une méfiance aiguë envers les studios hollywoodiens, soupçonnés de brimer leur art.
A partir des années 90, cette nouvelle génération nourrie aux jeux vidéo, surprend le public en déjouant ses attentes grâce au remaniement de la pellicule, du montage et des codes narratifs. Elle donne vie à un Nouveau "Nouvel Hollywood" autodidacte, sacrifiant la rentabilité sur l’autel de la créativité.
Né le…
C’est en autodidacte né que Paul Thomas Anderson utilise l’argent de ses études à la New York University Film School pour financer son court métrage, Cigarettes and Coffee. Encouragé par les membres du Festival de Sundance, il en tire un premier long, Sydney, sous l’œil critique d’un de ses producteurs Robert Jones. Anderson se battra corps et âme contre ce financier qui veut transformer sa "méditation sur l’échec" en film noir et ira jusqu’à le déposséder de son œuvre en en proposant une version coupée au Festival de Cannes après l’avoir rebaptisée (sous le titre Hard Eight).
Si grâce à Gilles Jacob, Anderson peut présenter son film dans son intégralité à la section "Un certain Regard", il cultive néanmoins une rancœur farouche pour la production cinématographique en général. Pour Boogie Nights, il sera ferme, ne cédant sur rien malgré des projections tests inquiétantes et imposant à la New Line sa durée (2H33). Tout au plus acceptera-t-il d’alléger le film d’une partie de sa violence afin d’éviter l’interdiction aux moins de 17 ans. Les succès critiques et publics de son film donneront raison à son obstination.
Indépendant de…
Avec ce film, Paul Thomas Anderson acquiert enfin la confiance des chefs de la New Line, qui lui achètent son script suivant sans l’avoir lu. Soutenu au sein de la compagnie par son ange gardien Michael De Luca, le jeune indomptable permet à son film d’être monté plus facilement en offrant un rôle à Tom Cruise (qui lui en a fait la demande), puis parvient à faire échapper Magnolia aux projections tests obligatoires. Dans la foulée, il obtient le fameux "final cut", qui le rend seul maître de ses œuvres.
Plus que jamais sûr de son talent, il résiste aux pressions et reste sourd aux remarques de ses proches en imposant une fois encore une longue fresque (3h), qui décroche un Ours d’or à Berlin, et trois nominations aux Oscars. Par la suite, qu’ils soient d’une durée raisonnable (Punch-drunk love, 1H37) ou plus atypique (There Will Be Blood, 2h38, The Master 2h17, Phantom Thread 2h11 ou Inherent Vice 2h29 très long à financer), ses longs métrages multi récompensés (prix de la mise en scène à Cannes, Oscars, ours d’argent, lion d’argent et Robert Altman Award) s’imposeront dans le monde des studios hollywoodiens qui, en choisissant de les produire, savent qu’ils investissent dans un cinéma d'auteur de qualité, inébranlable.
¹Les Six Samouraïs, Hollywood somnolait, ils l'ont réveillé ! , Sharon Waxman, , éd. Calmann-Lévy
Redécouvrez "Hard Eight" ou "Double mise", le premier film de Paul Thomas Anderson :