Explosive, excessive, irraisonnable, poussive, badass, irrévérencieuse, impitoyable, indécente… Au cours des sept années où Sons of Anarchy est passée à l’antenne, on a utilisé tout un tas d'adjectifs pour décrire le show de Kurt Sutter. Des adjectifs jamais froids, jamais tièdes, jamais insipides, toujours pimentés, totalement dans la veine de sa série. Une série qui a toujours donné dans le chaud jusqu’à parfois aller vers le trop, qui nous a offert du très bon et parfois du très mauvais. Et bizarrement, maintenant que les Sons ont définitivement quitté l’asphalte de la télévision, on comprend mieux que jamais que ce sont justement ses imperfections autant que ses qualités qui nous ont fait l’aimer.

La série la plus hors-la-loi

Ce qu’a réussi à créer Kurt Sutter, c’est bien une série en roue libre qui n’a jamais pu rouler sur l’asphalte balisée et goudronnée de la télévision, qui a toujours viré de trajectoire pour aller faire du hors-piste et du tout-terrain quitte à parfois bien se casser la binette. C’est peut-être aussi pour cette raison que le show n’a jamais été récompensé d’un seul Emmy, d’un seul Golden Globe, à l’exception de Katey Sagal sacrée Meilleure Actrice en 2011. Les Sons et leur créateur étaient-ils trop rebelles, trop tatoués, trop crades, "trop tout" ? Etaient-ils trop en dehors du système ? Du leur mais aussi du nôtre ? Dieu sait pourtant qu’une grande partie de ses acteurs auraient mérité leur statuette. Cette saison 7 l’a prouvé à bien des égards.

A son lancement, on avait pourtant un peu peur de ce qu’on allait découvrir. Moins inégale que la précédente, la saison 7 a pourtant réussi son pari. Elle a certainement mis un peu trop de temps à remplir son contrat mais est parvenue à livrer un final émouvant, saisissant, imparfait mais totalement satisfaisant qui a réuni 6.4 millions de téléspectateurs. Un record historique pour ce final 100% Sutter, écrit et réalisé par ce véritable hors-la-loi de la télévision américaine.

Capture d'écran

Good Bye Papa

Intitulé "Papa's Goods", ce final est une histoire de boucles qui se referment. Durant presque 1h30, Jax va mettre des points finals à ses sept années de réflexion concernant le Club, sa famille et l'homme qu'il est. L'épisode démarre sur une longue séquence musicale portée par la chanson très personnelle de Bruce Springsteen, "Adam Raised a Cain", qui a une résonnance biblique mais évoque surtout la relation complexe d’un fils à son père.

Un choix pas vraiment anodin puisque Jax commence sa journée en mettant les bagues de son père et en jetant à la poubelle les baskets blanches tâchées du sang de sa mère. Il s'empare ensuite des carnets qu'il a écrits et du manuscrit de son père, celui-là même qui le poussa six saisons durant à vouloir ramener son club dans le droit chemin. Tous ces souvenirs, Jax va les brûler puis se rendre au garage, autre vestige de ce passé brûlé.

Cela faisait longtemps qu’on attendait que Jax retrouve ce qui le portait à ses débuts. Cette introspection, ce calme pesé, qu’on attendait depuis si longtemps après les effusions de sang de cette saison 7, arrive enfin. Jax va rendre visite à ses morts. Au cimetière, il visite la tombe d’Opie, son meilleur ami et lui confie ses bagues. Il visite enfin celle de Tara, son amour de toujours et lui confie son alliance dans la clarté émouvante et romantique du matin.

Visiter ses morts, c’est en fait ce que Jax va faire jusqu’à la fin de l'épisode. Là où il va enfin s’adresser à John, comme Hamlet s’adressait au fantôme de son père. Ce n'est que récemment que l'on a découvert l'endroit où John était mort, tout comme on a appris il y a peu, de la bouche de Jury même, que ce dernier s’était peut-être suicidé. Suicide ou accident arrangé par Gemma et Clay ? Pour Jax, la question n'a plus vraiment d’importance. Car s’il fait ses adieux à ses morts, Jax a aussi un plan pour les vivants. On vous l’accorde, ils ne sont plus très nombreux, mais ils sont de même là…

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Good Bye Sons

Ce plan, Jax veut que ses deux plus fidèles amis le comprennent, donnant lieu à deux magnifiques scènes parfaitement réalisées. Sur le toit, devant le Port, il explique d'abord à Chibs qu'il va devoir faire quelque chose de très difficile, mais qu'il va falloir le faire. Plus tard dans l'épisode, il va à la rencontre de son autre frère, son vrai père de substitution : Nero. Comme dans toutes les scènes qu'ils partagent, on en vient à regretter que Nero ne soit pas entré plus tôt dans sa vie. Ensemble, Jimmy Smits et Charlie Hunnam livrent un nouveau moment très émouvant qui arrive à son sommet lorsque Nero demande à Jax pourquoi il doit partir. Et Jax lui répond, des larmes dans les yeux : "Tu sais pourquoi". Jax a tué sa mère et il sait qu'on n'en revient pas.

“I’m not a good man”

Jax confie alors ses enfants à Nero et lui spécifie bien qu'il souhaite qu'Abel et Thomas le haïssent. C'est à ce moment de l'épisode que Jax va au bout de ce qui se passe dans sa tête et l'exprime avec des mots. Il a réalisé qu'il n'était pas un homme bien. Il a fait son choix et accepté l’idée d’être un criminel et un tueur, rien d'autre. S'enchaîne ensuite la scène courte mais presque insoutenable des adieux de Jax à ses fils. Un beau moment de pure tragédie...

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Indiana Jax et la dernière croisade

Confier le club à Chibs et sa famille à Nero ne sont pas les seules étapes du plan de Jax. La dernière consiste - non pas à comprendre et faire comprendre - mais à agir. Ce dernier épisode ne pouvait d'ailleurs pas se passer d’une traditionnelle petite visite chez Red Woody Productions, où une décision importante va être prise en même temps qu’un film porno de la catégorie des "Fat Asses" se tourne. Le décalage des Sons jusqu’au bout ! Comme le dit si bien Jax : Ils sont de vrais poètes dans l’âme…

“Change is good my friend”

Cette décision importante n'est pas des moindres, puisqu'il s'agit de faire voter l’entrée de T.O., le leader des Bastard interprété par Michael Beach, chez les Sons. Cela fait tout de même sept saisons que l’on voit T.O. dans les parages et ce vote représente dans le même temps une symbolique très forte car il brise la barrière raciale instaurée depuis toujours chez les Sons of Anarchy. Cette même barrière qui avait poussé Juice à mentir sur ses origines et qui l'avait entraîné dans un engrenage autodestructeur. A l'unanimité, T.O. est accepté, créant une scène à la fois émouvante et drôle. La dernière...

Capture d'écran

Après ce vote, Jax va continuer sa croisade. L'une des parties de son plan consiste à régler une bonne fois pour toute le bordel irlandais. Cette partie permet d'ailleurs d'offrir la dernière scène d'action de Sons of Anarchy qui ne pouvait pas tirer sa révérence sans une course poursuite dans les rues à coups de flingues et de motos qui tombent ! Menée par Connor, le traître de l’IRA, cette scène joussive de plus de deux minutes se déroule sur la reprise punk et barrée de "I Can’t Help Falling In Love with You” par Leatherface et nous entraîne même à l'intérieur d'une usine qui fabrique des poupées qui disent... "Maman" !

'It's Time"

Mais, Jax a d'autres ennemis à éliminer. En plein jour, le voilà qui débarque dans la boutique de Barosky et l'élimine devant ses clients. Mais, juste avant de briser le dernier maillon de la chaîne, il croise la route d'un personnage qu'il n'a cessé de croiser sa vie entière : la fameuse SDF. Cette fois, Jax est serein et dans un sourire, lui demande qui elle est. Elle ne donnera pas la réponse à cette question mais lui donnera simplement une couverture en disant : "C'est l'heure". Paré de sa couverture - telle la mort encapuchonnée, Jax attend devant le tribunal. En plein jour, il ouvre le feu et abats Marks...

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"Jax Teller Meets Mr Mayhem"

Jax a mis son plan à exécution. Il lui reste à retrouver les membres de son club. Ces derniers viennent d'exaucer son voeu, à savoir voter l'ultime sanction contre lui. La mort dans l'âme, ils ont voté pour que Jax rencontre Mr. Mayhem, aka la mort. Un vote terrible qui s'est conclu sur le plus petit coup de marteau de l'histoire de la série. Jax retrouve ses frères et fait le passage de flambeau. Chibs devient le nouveau Président, Tig son vice-président.

Au lieu d'être assassiné, Jax est laissé libre. Pour la toute dernière fois, les Sons sont réunis. Les adieux sont tristes et muets, comme s'il n'y avait rien à dire. En partant, serein comme il l'a été durant tout l'épisode, Jax dit une toute dernière chose : "I Got This". La même phrase qu'Opie avait prononcée avant de se sacrifier pour ses frères et mourir sous les coups de ses assaillants. Pour son grand final, Jax aussi refuse que ses frères aient sa mort sur sa conscience. Il sera son propre sacrifice...

Cowboy solitaire

Alors qu'au début de l'épisode, Jax brûlait les derniers vestiges de son père, l'épisode se boucle lorsqu'il lui rend visite, lui son dernier fantôme. "Un bon père et un bon hors-la-loi ne peuvent pas vivre dans le même homme", lui dit-il, dans son dernier moment d'introspection. Comme son père, Jax va partir, selon ses propres conditions, sur sa moto, en toute liberté, dans l'esprit des valeurs premières des Sons of Anarchy.

"The crow no longer sings to me"

Commence alors une séquence musicale de sept minutes au son d'une chanson du groupe officiel de la série, White Buffalo & the Forest Rangers, "Come Join the Murder", écrite tout spécialement par Kurt Sutter. Sur la moto de son père, Jax retrouve sa liberté, toute une armée de flics à ses trousses. Et lorsqu'il aperçoit un camion à l'horizon conduit par Milo/Michael Chiklis/Vic Mackey, le "Papa's Good" du titre, il sourit et lâche le guidon, tel le Christ, et se fait faucher, embrassant le même destin que son père. Le dernier plan montre des corbeaux en train de triturer le pain tâché de vin qu'avait laissé la SDF lors de sa rencontre avec Jax, prêt à se faire tâcher cette fois du sang de Jax. Des corbeaux qui étaient là à rôder sur le bitume dès le pilote de la série, bouclant définitivement la boucle.

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Bienvenue dans la phase de deuil

Série imparfaite, faite d'excès et de démesure, de morts et de tortures qui auraient pu être évitées, Sons of Anarchy nous manquera vraiment. Il reste certes des questions. Comme les nombreuses allusions bibliques de ce dernier épisode. Comme le plan où Abel joue avec les bagues des Sons que Gemma lui a données. Reviendra-t-il un jour à Charming sur les traces de son père ? La SDF était-elle l'ange de la mort ? Gemma a-t-elle manipulé Jax juste avant de mourir alors qu'il hésitait à tirer la balle décisive ? Mais, finalement, ces questions ne sont plus si importantes. Le sort de Jax est clair. Et notre phase de deuil s'annonce douloureuse.

En sept saisons, Sons of Anarchy nous a en effet exposé un monde qu'on n'avait jamais exploré à la télévision, une véritable sous-culture faite de codes, de règles, de danger et d’illégalité. Partie en carnage, cette saison a rempli sa mission de revenir à l'émotion, offrant de purs moments intenses et profonds comme la scène entre Tig et Venus offerte par l'épisode 10. Alors que le personnage de Venus avait été introduit comme une blague, Kurt Sutter a réussi à la transformer en un personnage de chair et de sang, crédible et magnifique. Une transformation du ridicule au sublime dont seule Sons of Anarchy est capable. Pour longtemps, elle restera la série la plus hors-la-loi et la plus rock de l'histoire de la télévision.

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Souvenez-vous, au mois de septembre dernier, alors que la dernière saison de Sons Of Anarchy s’apprêtait à démarrer sur FX, nous avions détaillées nos attentes ici. Et on peut dire qu'elles ont été assouvies ! Et les vôtres ?