Au travers toutes les critiques de fans, j’ai retenu ceci : "Il ne faut pas s’attendre à y retrouver la trame du livre. Under the Dome n’est pas une série adaptée du livre de Stephen King, mais plutôt une série inspirée de son livre. Il faut la percevoir comme une nouvelle aventure et faire abstraction de tout ce que l’on pouvait connaître du roman." Des réactions ?
Neal Baer: Tout à fait. Ce qui intéressant, c’est que dans la saison 2, Stephen King a écrit le premier épisode pour lancer la saison. Donc les spectateurs ont forcément des attentes… J’ai dû me confronter également à certaines critiques qui voulaient retrouver fidèlement du Stephen King. Lorsque je me suis tourné vers lui, il a chaleureusement accepté de collaborer à l’écriture du premier épisode de la saison 2. Il est conscient que ce n’est pas une docile adaptation, ça ne l’aurait d’ailleurs pas intéressé. Ce n’est pas drôle de regarder passivement quelque chose que l’on connaît d'avance. Ah quoi bon ? Il n’y a rien de plus stimulant que d’être surpris. Les fans ne peuvent donc pas se plaindre, puisque King lui-même a un regard à présent sur la série. … Je ne pense pas que l’on puisse retranscrire fidèlement un roman à l’écran. Comment mettre en scène les monologues intérieurs ? Tout est histoire de choix au final, et donc de modulations.
Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Stephen King ? Son regard et son influence sur la série ?
C’est un homme qui a beaucoup d’humour. Il lit tous les scénarios et regarde toutes les prises. On parle toujours ensemble des épisodes à venir. Il n’oublie aucun détail, il est extrêmement intelligent. Lorsque l’on regarde le premier épisode qu’il a écrit, c’est tellement lui. J’adore par exemple, vous pensez que vous êtes en sécurité chez vous, dans votre cuisine et qu’elle commence à prendre vie. Vous ne pensez jamais être attaqué par votre frigo et pourtant… Stephen King vous fait avoir peur de votre tondeuse, de votre voiture, de votre chien. Parce que l’ordinaire est toujours extraordinaire. Ici, Stephen pense toujours en ces termes. Sur quoi peut-on finalement compter ? Il nous a beaucoup soutenu sur toute la saison.
C’est plus difficile de passer du cinéma au petit écran que l’inverse.
D'ailleurs cette saison amorce un virage. Quel était le but recherché ?
On voulait explorer le personnage de Barbie, en connaître plus sur son histoire, son passé, quelles sont ses composants et comment va-t-il réagir face à tout cela. Nous avions pensé qu’il était intéressant d’apprendre qu’il n’est pas ce que l’on croit être, l’épicentre de ce microcosme. Dans la première saison, vous pensez qu’il vient d’une classe moyenne inférieure, qu’il a trimé pour en arriver là, c’est un ancien soldat. Et j’adore déconstruire les perspectives, retourner complètement les attentes premières. spoiler: Sa famille n’est rien de tout cela. Son père vit dans une immense résidence… C’était une façon d’approfondir ce personnage. Et puis la saison 2 ouvre aussi sur le conflit entre Julia et Big Jim, donc j’avais besoin d’approfondir le personnage de Barbie pour mieux rendre compte de cette tension. Sans oublier le personnage de Pauline, la mère de Junior. C’est assez drôle, car j’ai pu faire venir une amie proche que je connais depuis Urgences. Eriq La Salle (Dr Peter Benton) réalise l’épisode 10, donc c’était un peu l’épisode retrouvailles d’Urgences. Il manquait plus que George, mais il allait se marier. Je voulais donc Sherry Stringfield pour le premier épisode. Vous la voyez dessiner des étoiles, puis vous la retrouvez dans l’épisode 3 sur une vidéo, elle est peut-être encore vivante. Il faut attendre l’épisode 6 avant de la revoir, mais je ne vous en dis pas plus ! Grace Victoria Cox qui joue Mélanie est un peu mon personnage lynchien. Elle erre dans la ville, comme un fantôme. On apprend par la suite qu'elle est spoiler: l’ancienne copine de Sam. Elle a quoi… toujours 15 ans. Tout le monde a vieilli sauf elle, c’est assez dingue. C’était son premier rôle, tout comme Alex Koch qui joue Junior. Vous savez, la télé est parfaite pour commencer sa carrière et devenir célèbre. C’est plus difficile de passer du cinéma au petit écran que l’inverse. Britt Robertson (Angie), par exemple, jouera aux côtés de George Clooney dans son prochain film Tomorrowland. La télévision d’abord !
C’est la première série CBS à avoir cette approche transmédia.
La saison 2 sera diffusée sur nos écrans le 27 octobre prochain. Quels seront les enjeux de la 3ème saison ?
Pour ceux qui ont vu la fin de la saison 2, vous vous demandez probablement, mais où vont-ils ? Mais il faut suivre la série pour le savoir ! Nous avons trouvé important d’intégrer internet au récit. Dans l’épisode 3, Joe et James reçoivent des mails de l’extérieur et des textos, mais la connexion disparaît et réapparaît. Ils ne savent pas de qui ils viennent. Ils peuvent seulement lire Houndsofdiana sur leurs écrans d’ordinateur. Ils en recevront d’autres par la suite. Ce ne sera que dans l’épisode 8 que nous retrouvons ceux qui ont envoyé les textos. Un nouveau personnage nous est présenté, Hunter May, joué par Max Ehrich qui est à l’origine des mails. C’est un personnage très axé sur le numérique. Vous pouvez aller sur le site Houndsofdiana.com et voir tout ce qu’il a fait. Par exemple, dans le deuxième épisode, les papillons deviennent fous et mangent tout sur leur passage, à cause du magnétisme du dôme... En continuant la lecture sur le site, on apprend ce qui est véritablement arrivé aux papillons Monarques aux Etats-Unis. C’est donc une manière pour nous d’étendre l’univers de la série à internet. Vous êtes à l’extérieur du dôme et pouvez restés connectés à Chester’s Mill. C’est la première série CBS à avoir cette approche transmédia.
Pensez-vous que la série a matière à se poursuivre ? Et sur combien de saisons ? Pendant combien de temps peut-on les retenir sous le dôme ?
(rires) Vous savez Urgences a tenu sur 15 saisons, New York Unité Spécial avec sa 16ème saison est toujours diffusée, pour ne parler que des séries sur lesquelles j’ai travaillé. Donc je ne sais pas… Je ne peux pas dire. Je serai enchanté d’avoir une 4ème saison et d’explorer de nouvelles possibilités, de creuser encore plus loin dans la psychologie. Si seulement ça ne dépendait que de moi.
La chaîne a-t-elle posé des limites ou demandé des changements ? Notamment par rapport à la part de fantastique ?
Aucune. C’est une collaboration rappelons-le. On parle beaucoup, avec Steven Spielberg également, avant de prendre la moindre décision. Si vous voulez, on présente les scénarios, qu’on a commencé à écrire en décembre, à Steven en janvier, puis à la chaîne à la fin du même mois pour avoir leurs réactions et éventuellement remodeler. Et on tourne en mars.
Vous travaillez pour la télévision depuis plus de 20 ans, notamment sur Urgences, sur laquelle vous êtes passé de simple co-scénariste à producteur exécutif. C'est d'ailleurs durant la production que vous avez terminé vos études de médecine. Vous êtes pédiatre à présent également, scénariste et producteur. Comment expliquez-vous ce parallèle entre deux secteurs professionnels différents ?
Il y a un énorme point commun entre le fait d’être médecin ou scénariste, tous deux doivent extraire du corps humain, de sa complexité, une certaine forme de vérité. Ils doivent tout deux vous mettre à l’aise et vous révéler vos secrets les plus noirs et les faire sortir. Être médecin m’a permis de franchir la frontière du privé des gens que je consulte, ce qu’ils sont, ce qu’ils désirent…. Je ne sais pas tout ce que vous avez pu lire sur moi sur internet, mais vous avez dû apprendre que j’ai fait mon coming out sur le tard. Cela a dû me permettre de raconter des histoires, car je suis fasciné par les secrets. J’ai pu intégrer cette thématique dans Urgences, New York Unité Spéciale… Ou encore la thématique du Sida qui m’est sensible, Gloria Reuben (alias Jeanie Boulet) joue la première femme atteinte du virus dans une série dramatique diffusée en prime time aux USA. Les choses ont beaucoup changé. Ma connaissance de la médecine ne cesse d’influencer ma plume de scénariste. Par exemple, le personnage d’Alice dans Under The Dome, qui meurt du diabète dans la première saison. Je savais parfaitement de quoi retournait la maladie, et que le manque d’insuline peut être fatal pour un diabétique au bout d’un très court laps de temps. Je suis également à l’origine du premier couple de mères inter-ethniques dans un show en première partie de soirée. Il y a une scène assez drôle dans l’épisode 11 de la saison 2 où ils doivent faire une perfusion à Mélanie, mais ils ne savent pas comment s’y prendre, quel est le type de sang de Mélanie et utiliser une aiguille. Il y a tellement de choses sur lesquelles j’aimerais écrire. Actuellement, j’ai écrit le pilote d’une nouvelle série, Windward Clinic sur CBS qui parle du virus Ebola et de la paranoïa autour de la maladie au sein d’un centre de travailleurs de la santé publique à Los Angeles. Je pense être donc à même de traiter ce genre de question. Tout comme la thématique gay. Quand j’étais encore dans le placard, j’écrivais beaucoup sur la question. Maintenant que je ne me cache plus, j’écris toujours, c’est un peu mon rayon, mais mes personnages s’assument. Je ne sais pas si c’est lié, mais c’est intéressant de voir à quel point on donne de soi dans les histoires que l’on écrit. N’importe quel parcours vu d’un point de vue médical ou scénaristique sera toujours intéressant à étudier.
Je suis la seule personne présente au jour le jour sur le plateau, qui prend toutes les décisions.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre implication ? Sam Verdreaux joué par Eddie Cahill, devenant principal dans la saison 2, est urgentiste. Les mères homosexuelles ont été créées spécifiquement pour la série... Cela vient-il directement de vous ?
Oui ! Sam est alcoolique et je suis assez sensible sur ce sujet également. Stephen King l’est aussi. Comment y faire face ? Je pense qu’il faudrait toujours avoir un médecin dans chaque histoire pour rendre crédible les crises, car il y a toujours une raison scientifique et/ou médicale à chaque chose. Concernant les mères homosexuelles qui ont adopté Norrie, j’ai trouvé ça plus intéressant de faire disparaître la mère blanche. Jouer sur les stéréotypes et tourner autour ou les déconstruire, c’est en général l’enfant adopté qui n’a pas la même couleur de peau que les parents. J’avais déjà ouvert sur les idées préconçues dans NYUS au travers la vaccination, toujours en tant que pédiatre. La question commune à tout le monde est "quelle responsabilité face à son propre enfant ?" J'ai préféré l'ouvrir à "quelle responsabilité face à l'ensemble des enfants ?" Si l'on se rappelle l'épisode dans lequel Hilary Duff perd son enfant de 4 ans qui n'a pas été vacciné, à cause d'un autre enfant atteint de la rougeole. J'ai beaucoup lu Foucault durant mes études et je dois tenir de lui tout ce qui est encodé, crypté, les doubles niveaux de lecture.
En tant que producteur exécutif, participez-vous à l’écriture, aux choix de casting.. ?
Depuis que je suis showrunner, il y a eu quelques changements. Brian est parti, puis il y a Stephen King qui est arrivé, sans compter la présence de Steven Spielberg avec Amblin Television, mais ce n'est pas au jour le jour. Je suis la seule personne présente tous les jours sur le plateau, qui prend toutes les décisions. C'est moi qui engage les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs... Je dois d'ailleurs appeler CBS ce soir pour prendre des décisions sur la saison à venir. Je choisis les producteurs exécutifs, les concepteurs graphiques, les acteurs. Je m'occupe du final cut. Je suis un peu comme le chef d'orchestre. Je ne peux pas jouer de tous les instruments, mais je dirige les musiciens. Lorsqu'un violon par exemple ne joue pas assez fort, je lui demande d'accorder sa mélodie aux autres instruments. Heureusement que le showrunner n'est pas dans la lumière, c'est aux acteurs d'être sur le devant de la scène. Et ça me plaît de rester dans l'ombre. Être showrunner, c'est beaucoup de bricolage !
N’avez-vous pas envisagé de travailler pour le cinéma ?
Je travaille actuellement sur le développement d'un film adapté du documentaire The Education of Shelby Knox qui est passé en 2005 à Sundance. C'est l'histoire d'une fille à Lubbock dans le Texas qui se bat pour l'éducation sexuelle. Elle était conservatrice et devient une chrétienne libérale, ardente féministe.
En exclusivité, pouvez-vous nous toucher deux mots sur votre prochain projet avec Marc Cherry, Cheerleader Death Squad sur CW ?
La série commence par le choix décisif d’un agent dissident de la CIA, un peu non-conforme à la James Bond. Il a été calomnié et à cause de ce choix, il se retrouve renvoyé, et le seul métier qu'il peut exercer est celui d'enseignant, car il ne possède qu'un doctorat en Histoire. Il trouve un poste dans le centre-ville de Washington et se lie d'amitié avec trois pom-pom girls. Il ne leur enseignera pas que de l'Histoire... La question que l’ex-agent se pose : Comment peut-il revenir sur le devant de la scène après ce qui s'est passé ? Car il n'a pas digéré son renvoi de la CIA... C’est agréable de travailler avec les mêmes personnes. Dan Truly et moi avons écrit par ailleurs, le pilote d’un drame pour CBS sur trois docteurs qui ne se connaissent pas, engagés ensemble dans un éminent hôpital à New York et découvrent qu'ils sont frères, The Three Behrs. Leur père, récemment décédé, était le légendaire chef de l'hôpital et veut à titre posthume que ses enfants prennent la relève et continuent son héritage. Si Amblin soutient derrière, c’est encore mieux !
Des conseils pour les scénaristes ou producteurs en herbe qui nous lisent ?
Je dis toujours que c'est dur de percer, mais si tu es vraiment talentueux, tu auras un job à Hollywood. En tant qu'américain en tout cas, en France je ne sais pas. Si tu as une voix, si tu sais écrire les dialogues et décrire une histoire de manière intéressante, il y aura des opportunités !
En France, il faut avant avoir un très très bon répertoire !
Il y a beaucoup de pistons, c'est évident. Les gens me demandent souvent comment j'ai commencé ma carrière : j'ai rencontré Marg Helgenberger et Dana Delany sur China Beach. J'ai revu Marg l'autre jour au restaurant et je lui ai dit "hey, tu te souviens on a bossé ensemble", c'était il y a 25 ans, en 1989. J'ai eu ce job parce que j'ai grandi avec John Wells dans le Colorado. Il m'a embauché sur China Beach et Urgences, et là il a réalisé dernièrement Un été à Osage county avec Meryl Streep, Julia Roberts et Ewan Mcgregor. Donc, soit tu écris un script brillant, ou soit tu grandis avec John Wells. Ce qui est la même chose.
Extrait du making off sur le tournage d'Under The Dome avec Stephen King :
Propos recueillis par Antoine Mournès le 16 octobre 2014.