Vous êtes un jeune metteur en scène, Wolf est votre 1ère réalisation en solo. Pouvez-vous brièvement vous présenter ?
Jim Taihuttu : J’ai toujours été fasciné par le cinéma, au départ je souhaitais devenir acteur, j’ai donc fait du théâtre mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas pour moi. J’étais mal à l’aise dès que je montais sur scène. J’ai donc commencé à m’intéresser à ce qui se déroulait derrière la scène et derrière la caméra et j’ai trouvé ça beaucoup plus attrayant.
Mais le métier de réalisateur est terrifiant et je ne conseillerai à personne de le faire (rires). Il vaut mieux devenir avocat ou médecin, vous êtes moins stressé et vous gagnez plus d’argent. En tant que cinéaste vous travaillez durant 2 années complètes sur un film, vous n’avez plus de vie, quand il sort vous n’êtes pas sûr qu’il soit bien reçu et puis ensuite il faut recommencer. C'est un travail frustrant, il faut énormément de gens pour travailler sur un film, encore plus d’argent, c’est un combat quotidien.
Mais d'un autre côté quand vous avez terminé un film vous savez que vous avez laissé une trace indélébile derrière vous. Je n’ai fait 2 films pour le moment mais j’espère en faire plus pour laisser une trace derrière moi, pour que mes enfants voient ce que j’ai pu faire.
"Wolf" fait d’ailleurs un peu penser à La Haine. Le sujet, le fait que le film ait été tourné en noir et blanc. Le film a-t-il été une source d’inspiration ?
Je suis un grand fan de cinéma français, La Haine de Matthieu Kassovitz est un de mes films préférés. J’aime aussi beaucoup De battre mon cœur s’est arrêté, ce genre de film très réaliste. Je me suis donc inspiré de ces œuvres. Mais ce qui m'a poussé à faire ce film est surtout l'envie de montrer aux hollandais ce qui se passe dans les endroits où ils ne vont pas. J’ai vu ces types dans les banlieues hollandaises tenter de survivre, de se sortir de leur milieu, j’ai lu de nombreux articles dessus et sur ce qui arrive à ces jeunes.
La Hollande commence à peine à parler de ces jeunes qui ont du mal à survivre de nos jours. On parle beaucoup de ce qui se passe dans les banlieues américaines, de la guerre des gangs, mais on en parle peu en Europe, pourtant ça existe aussi. Il suffit de traverser les périphériques des grandes villes européennes pour s’en rendre compte. Les gens savent ce qui s’y passe, mais ils ne veulent pas le voir, un peu comme s’ils avaient des œillères. C’est pour ça que j’ai fait ce film, pour montrer aux gens ce qui se passe de l’autre côté du périphérique, ce que vivent ces jeunes.
C’est un film très social au final. C’est important pour vous d'être porteur d'un message ?
En effet, d’ailleurs après avoir vu mon film le Roi d’Hollande et le maire d’Amsterdam ont demandé à me voir. On a déjeuné ensemble et ils m’ont dit avoir été choqués et touchés par mon film. Le roi n’a jamais rencontré de gens qui viennent de ce milieu et il était bouleversé de se dire que ça faisait aussi partie de son pays.
J’aime faire des films, c’est fun, en plus le comédien principal est mon meilleur ami donc c’était une super expérience, mais ce qui m’intéresse surtout c’est que le sujet de mon film puisse faire avancer les choses. En tant que réalisateur j’ai l’impression que c’est de mon devoir de faire des films sur ces choses que personne ne voit. C’est plus important selon moi que faire des films de robots qui se battent dans l’espace…
Pourquoi avoir choisi de tourner votre film en noir et blanc ?
Je l’ai imaginé en noir et blanc dès le départ. Ce qui est bien avec le noir et blanc c’est que tout semble différent. Rien n’est enjolivé, je trouve que le noir et blanc est plus honnête que la couleur. Mon précédent film - Rabat, que j’avais coréalisé avec Victor Ponten - était très coloré. Pour Wolf je voulais faire l’inverse.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le titre du film, pourquoi l’avoir intitulé « Wolf »?
Il y a beaucoup d’enfants dans les rues des banlieues et ils se donnent souvent des surnoms, des noms d’animaux. L’un d’entre eux était surnommé "Wolf". Ce surnom m’a fasciné. J’ai commencé à y réfléchir.
Les loups vivent en meute, ils sont organisés, il y a le loup Alpha et le Beta qui est le numéro 2 et qui attend que le premier fasse un faux pas pour lui prendre sa place. Ils peuvent être ensemble depuis des années, au moindre signe de faiblesse du leader, le second le tuera. Et c’est ce qui se passe dans la rue, il y a cette même hiérarchie. J’ai donc pensé que c’était un bon titre.