Avec la fin imminente de Sons of Anarchy aux Etats-Unis (l'utime épisode est diffusé le 25 novembre outre-Atlantique) et la sortie dans notre hexagone ce jeudi 29 octobre de la 6ème saison en DVD et Blu-ray (chez Fox Pathé Europa), nous avons rencontré l'équipe du show. Etaient présents Kurt Sutter, le créateur et showrunner, Paris Barclay, réalisateur et producteur délégué, Katey Sagal, l'interprète de Gemma, et enfin Charlie Hunnam, qui a prêté ses traits durant sept ans à l'écorché Jax.
Depuis combien de temps connaissez-vous la fin de Sons of Anarchy ?
Kurt Sutter : J’ai toujours dit que j’avais une idée précise d’où je voulais aller dans la série et je viens à chaque saison avec mon plan, mes arcs narratifs etc. Après sept saisons, je peux à présent prétendre que, plus je casse tout ça, plus les saisons sont bonnes. Alors oui, j’ai travaillé en ayant la fin de la série à l’esprit et ce que je voulais faire pour la conclure. Autrement dit lorsque j’écris, je garde le fil de ma pensée, mais la manière dont je l’exploite subit continuellement quelques modifications par-ci, par-là.
Quelles ont été les difficultés rencontrées cette saison ?
Katey Sagal : Je dirais qu’à chaque saison j’en rencontre de nouvelles. C’est une des raisons pour lesquelles il s’agit toujours d’un exercice très intéressant pour moi. La série a progressé, elle s’est affinée et ajustée depuis ses débuts.
Quelle est votre véritable implication dans la série ?
Paris Barclay : Je connais Kurt depuis The Shield. Je fais partie de l’aventure depuis la première saison, vu que je réalisais un épisode par an. J’ai même été impliqué dans la conception, ainsi que dans l’avancée du show. Autrement dit, je n’ai jamais décroché de Sons of Anarchy, que ce soit en tant que fan ou réalisateur. Ensuite, je suis revenu pour la saison 4 et je n’ai plus bougé. J’ai essayé de rendre le travail plus facile pour Kurt. C’est un poste assez difficile. Chaque semaine, il faut pondre un nouvel épisode à la hauteur. J’espère avoir bien contribué à maintenir la cohérence de l’histoire.
En quoi Paris a-t-il changé votre point de vue sur la série ?
KS : S’il y a bien une chose dont j'ai besoin, c'est de soutien, et mon travail est tellement plus facile depuis que Paris est arrivé à bord ! C’est vraiment super de l’avoir parmi nous dans la mesure où j’ai un producteur et un réalisateur qui est également scénariste, ce qui facilite la communication. Pour moi, c’est une connexion créative importante, et ce n’est pas anodin si j’ai choisi de refaire appel à lui pour la suite…
Vous avez repoussé les limites du supportable au fil des années ? Ne vous a-t-on jamais dit d’arrêter ?
KS : Cela n’a jamais été dans mon intention de faire ça. Je pense que ce qui a fini par se produire, c’est que les saisons sont devenues de plus en plus complexes, et qu’il est difficile de se censurer. Nous avons eu une liberté créative assez agréable à vivre. Je peux écrire les histoires que je veux, c’est plutôt chouette !
On entend souvent les acteurs dire que lorsqu’ils passent par des rôles sombres, c’est difficile pour eux psychologiquement dans la vie de tous les jours. Est-ce quelque chose que vous voudriez pouvoir évacuer après la fin d’une saison ?
Charlie Hunnam : Je pense que l’expérience développée au fil des tournages m’a permis de gérer tout cela. Je ne suis pas en mesure de pouvoir supporter la vie de Jax. Il peut m’arriver d’avoir l’humeur de mon personnage le jour où je le joue, mais en général, si je suis satisfait de mon travail, je suis de bonne humeur. Je n’ai aucune envie de me lancer dans un style de jeu plus léger. J’aime travailler dans une atmosphère extrêmement dramatique.
La fin de la saison 6 a été brutale. Deux des personnages principaux ont été tués. À quel moment sent-on que l’on tombe dans l’extrême ? Dans votre tête, est-ce que vous vous dites parfois "je suis allé trop loin" ?
KS : Non, je ne vois pas les choses de cette manière. Je compte sur John Landgraf pour ça. Comme Paris l’a dit, nous devons nous montrer à la hauteur chaque semaine. La question n’est pas tellement de savoir comment se surpasser, mais plutôt de se demander quel est le moyen le plus intéressant de mettre en scène une rencontre entre deux personnages et ce qui doit apparaître à l’écran. Mon objectif n’est pas de perturber les téléspectateurs, mais je veux que les personnages idolâtrés disparaissent pour générer une réaction. Lorsqu’Opie a été tué, les gens m’ont haï, et pourtant, ils ont continué à regarder la série, justement parce qu’ils avaient le sentiment d’avoir perdu un être cher. Autrement dit, mon travail consiste à rendre attachant et crédible mes personnages, tout en leur apportant du changement chaque semaine. C’est ce que le public veut.
Charlie, êtes-vous surpris de voir la tournure qu’a pris l’histoire ? Saviez-vous que Jax allait évoluer d’une telle manière ?
CH : Je ne me souviens pas avoir été surpris par quelque chose en particulier, probablement parce que je n’avais pas d’attentes par rapport à l’évolution du scénario. La plupart du temps, j’étais occupé à essayer d’être vrai et juste dans mon jeu. C’est le rôle de Kurt, que d’écrire le destin du show. Je ne pense pas que nous aurions obtenu un bon drama si nous n’avions pas choisi d’emprunter ce chemin.
Il y a plein de séries violentes qui reçoivent des nominations aux Emmy, comme récemment Game Of Thrones, American Horror Story et Fargo. Vous avez été snobés par l’Académie dans le passé, pensez-vous que cela est dû au réalisme viscéral des séquences de violence ?
KS: C’est peut-être parce que nous ne portons pas de costumes…
PB : Je pense que Sons of Anarchy n’est tout simplement pas fait pour un jury des Emmy. Ils ne regardent tout simplement pas notre show. Une fois que vous décidez de lui donner sa chance, vous êtes automatiquement aspiré dans son univers comme ça a été le cas pour moi. Je ne suis pas vraiment un motard, mon style penche plus du côté de Glee, mais la série a cette capacité à vous happer, tout comme la folie de Tig. Même ma mère est devenue obsédée par SOA, bien qu’elle ne la regarde que parce que je travaille dessus. Je pense que si les gens prenaient le temps d’y jeter un coup d'œil, le résultat serait totalement différent. Les zombies et les histoires d’horreur ça marche, mais les gangs de motards n’attirent malheureusement pas grand monde.
CH : Et ce n'est pas grave du tout. Nous ne sommes pas en colère pour autant. Personnellement, je fais ça pour les gens qui regardent la série. De toute façon, vous ne pouvez pas toucher tout le monde.
KS: Je veux un Emmy. (Tout le monde rit)
La série touche à sa fin. Comment vous sentez-vous ?
CH : Je ne suis pas mécontent de pouvoir passer à autre chose. Mais d’un autre côté, ce show a été la plus belle aventure de ma vie et m’a tout donné : une carrière, une sécurité financière, et la possibilité de pouvoir choisir ce que je veux faire ensuite. C’est certain que je vais traverser une période bizarre où je vais devoir définitivement abandonner ce personnage. Cette idée de faire partie d’un club de motards, même si c’est virtuel, va me manquer. Car il faut savoir que nous passons énormément de temps ensemble pendant le tournage, mais aussi en dehors. Pendant le week-end, cela nous arrive fréquemment de faire des virées sur deux roues à travers la côte Californienne, notamment avec Tommy Flanagan (Chibs) et Mark Boone (Bobby) avec lesquels je suis devenu ami.
Après toutes ces saisons, les séries télévisées c’est fini pour vous ?
CH : Au contraire ! Je veux trouver une série après avoir tourné un ou deux films de cinéma. Car j’adore le rythme de la télé et le temps que cela prend pour tourner une saison et ainsi d’avoir le temps d’explorer à fond le personnage que vous incarnez. Au cinéma, à moins que ce soit une sorte de trilogie, cela va trop vite, et c’est difficile pour moi de rentrer dans la peau de tel ou tel héros. Sur un plateau de cinéma, on passe beaucoup de temps à attendre, tandis qu’en TV, on peut tourner jusqu’à six ou sept scènes par jour, un épisode en cinq ou six jours. Et j’aime ça, d’usiner et de ne pas perdre mon temps. Si vous voulez un exemple de cinéma : sur Pacific Rim, j’avais une scène de dialogue d’une seule page et cela a pris cinq jours à Guillermo Del Toro pour la tourner et pendant une période de cinq mois ! J’adore le cinéma, mais ce processus de tournage me rend un peu dingue. J’ai besoin d’action et d’une bonne montée d’adrénaline. De tourner un show TV me maintient éveillé et stimulé. Je trouve la télé également plus confortable quelque part, et c’est comme rester en famille pendant quelques années si le show est renouvelé. Restez donc à l’affût, vous risquez de me voir débarquer chez vous très prochainement !
Qu’est-ce qui selon vous a fait le succès de Sons of Anarchy ?
CH : Je pense que nous vivons dans une société de plus en plus à la Big Brother et un rien fasciste. Et je crois que le public adore avoir la fantaisie de pouvoir mener la vie que mène nos personnages. Ils font ce qu’ils veulent et sont en dehors de la société et de ses lois. C’est une sorte de rêve un peu pervers certes, mais je pense que les gens ont besoin de s’échapper de leur réalité quotidienne bien terne et sans trop d’espoir face à la crise et les diverses tensions politiques, sociales et religieuses un peu partout. De plus, le génie de SOA est de pouvoir séduire à la fois les hommes et les femmes en nombres égaux. Ce n’est donc pas une série aussi machiste que l’on pourrait le croire. Et les personnages féminins clés sont forts ; de la dynamite pure !
Propros reccueillis par Emmanuel Itier.
Traduit par Stéphane Villeneuve.