Alien, la résurrection
De quoi ça parle ?
Deux cents ans après la mort de l'officier Ripley, une équipe de généticiens la ressuscite par clonage, afin de récupérer la Reine Alien qui grandit dans son corps et de faire des xénomorphes des armes biologiques. L’opération, qui croise par accident les deux ADN, fait de Ripley un être hybride… Prisonnière, elle s'efforce de renouer avec son lointain passé humain. Bientôt un vaisseau, dont l'équipage est composé de mercenaires, aborde la station. Alors que les Aliens se libèrent de leur prison et envahissent la station Auriga, Ripley découvre une jeune femme, Call, qu’elle prend sous son aile…
Dans l'espace, personne ne vous entendra re-re-re-crier...
Comment faire revenir Ripley ? C’est la question à laquelle se heurte le scénariste Joss Whedon au milieu des années 90, au moment d’entamer l’écriture de Alien, la résurrection. Et c’est la question qui intrigue forcément les spectateurs au moment de la sortie du film deux ans plus tard. Des spectateurs qui ont encore en tête l’image quasi-christique d’une Ripley se sacrifiant pour éliminer le monstre qu’elle porte en son sein. Alors comment faire revenir Ripley ? En explorant la thématique du clonage, le scénariste ancre ce quatrième volet de la saga dans la crise que traverse alors notre société : Jurassic Park et ses dinos clonés viennent d’envahir les écrans, Dolly fait la Une, et l’Homme s’interroge sur les évolutions récentes de la science… et ses dérives morales.
Le clonage (et notamment la scène qui confronte la huitième Ripley à ses sept "sœurs"), c’est LE thème qui convaincra Sigourney Weaver de reprendre du service et qui permet à Alien, la résurrection de s’inscrire dans la continuité d’une saga marquée par les dérives militaro-scientifico-industrielles. C’est donc une "autre" Ripley, mi-humaine mi-alien, qui évolue désormais devant la caméra de Jean-Pierre Jeunet : plus sensuelle, plus dangereuse, plus ambigüe. Cette ambivalence est au cœur même du film, et voit l’héroïne frayer avec la Bête lors de scènes contre-nature (la Fox demandera -sans succès- à Jeunet de couper la scène quasi-romantique où un Alien porte tendrement Ripley, provoquant la colère de Sigourney Weaver), jusqu’à ce final terrible où un hybride aussi inquiétant que touchant voit en elle sa mère, sa sœur, sa semblable.
Au-delà de cette approche, Alien, la résurrection s’impose presque comme un film-somme : l’atmosphère renoue avec le Alien de Ridley Scott, l’action avec le Aliens de James Cameron et l’approche visuelle avec le Alien 3 de David Fincher. Visuellement, la patte Jeunet fait des merveilles, grâce aux effets de Duboi et à la lumière de Darius Khondji qui magnifie des Aliens profilés. L’humour noir qu’instille le cinéaste fait également mouche (Ron Perlman face à l’araignée, les détecteurs d’haleine pour ouvrir les portes, le chestbuster utilisé comme arme par Leland Orser…). Quant aux références de Joss Whedon (L'Aventure du Poséidon, Evil Dead et La Horde sauvage), elles portent le récit et les personnages de bout en bout. Jusqu’au retour sur Terre. 257 ans après Alien, Ripley retrouve enfin la planète bleue. Fin de l’histoire ?
Le réalisateur
Un Frenchie dans l’espace. En 1996, après le départ d’un Danny Boyle peu enclin à se frotter à un blockbuster (et les pressions que cela suppose), les studios Fox voient en Jean-Pierre Jeunet le réalisateur providentiel pour relancer (ou du moins boucler) la franchise. Il faut dire que ses Delicatessen et La Cité des Enfants Perdus ont su -par leurs qualités artistiques, narratives et visuelles- emballer acteurs, techniciens et décideurs hollywoodiens. Pour son troisième long métrage (et son premier en solo, sans son complice Marc Caro), le réalisateur français accepte donc de relever le défi, à la condition d’apporter sa patte et son univers à la mythologie élaborée par ses glorieux prédécesseurs. Volontairement diplomate et positif avec le studio (il assumera totalement le montage final qu’il considère comme son director’s cut), Jeunet défend néanmoins ses choix et impose même son french crew, emmenant dans ses valises son superviseur des effets visuels Pitof et son directeur-photo Darius Khondji (qui décline pour l’occasion Batman & Robin). Malgré son semi-échec au box-office américain (47 millions de dollars pour un budget de 80 millions), Alien, la résurrection ouvre définitivement les portes d’Hollywood au cinéaste… qui préfère les refermer (il refuse ainsi un Total Recall 2 proposé par Miramax !) pour retrouver sa liberté en France. Une liberté qui l’emmènera à Montmartre aux côtés d’Amélie Poulain (dont il avait achevé le scénario avant le tournage de Alien, la résurrection), sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale avec Un Long Dimanche De Fiancailles au pays des ferrailleurs et des marchands d’armes avec Micmacs à tire-larigot et dans un road-movie touchant et inventif en 3D avec L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet.
A savoir
- Avant Jean-Pierre Jeunet, David Cronenberg, Peter Jackson, Bryan Singer et Danny Boyle avaient été approchés pour réaliser le film.
- La première version du scénario était centrée sur un clone de Newt, la petite fille de Aliens le retour. C’est pourquoi Winona Ryder avait été approchée avant même que le personnage de Ripley ne soit réintégré à l’intrigue. Grande fan de la franchise, elle ne put s’empêcher de voler de nombreux souvenirs sur le plateau (dont du slime alien qu’elle garde chez elle) et de faire apparaître son frère dans le film (il campe un "corps").
- Ce quatrième opus devait initialement prendre la forme d’un Alien vs. Predator… Une idée que Sigourney Weaver trouvait stupide et horrible. Ce crossover verra le jour sept ans plus tard sous la houlette de Paul W.S. Anderson.
- Sigourney Weaver a touché 11 millions de dollars pour reprendre son rôle… Soit le budget total du premier Alien.
- Le scénariste Joss Whedon écrivit le personnage de Christie en pensant à Chow Yun-Fat : mais l'agent de ce dernier déclina le rôle qui fut finalement confié à Gary Dourdan. Le rôle de Call (Winona Ryder) fut quant à lui d'abord proposé à Angelina Jolie qui le refusa (les deux actrices se croiseront trois ans plus tard sur Une vie volée). Le rôle du Dr. Wren, enfin, devait d'abord être attribué à Bill Murray qui aurait pu retrouver Sigourney Weaver, sa partenaire de S.O.S. Fantômes. C'est finalement J.E. Freeman qui hérita du rôle.
- Pour camper une Ripley hybride, Sigourney Weaver apprit à bouger comme un Alien avec Tom Woodruff, concepteur et interprète des créatures depuis Aliens le retour.
- Après avoir obtenu l’accord de Jean-Pierre Jeunet, la Fox et Sigourney Weaver insistèrent auprès du réalisateur pour engager Dominique Pinon sur le film.
- Entraînée durant plusieurs semaines par Nigel Miguel de l’université UCLA, Sigourney Weaver mit un point d’honneur à mettre elle-même son panier "de dos", écartant la solution CGI proposée par Pitof. Elle réussit son shoot à la première / quatrième / sixième prise (les sources officielles peinent à se mettre d’accord).
- Les places sont chères à Hollywood ! Malheureusement pour la production d'Alien, la résurrection, tous les plus grands studios de tournage de Californie étaient déjà occupés par d'autres futurs blockbusters. A cette époque, le Starship Troopers de Paul Verhoeven, Le Monde perdu de Steven Spielberg et le Titanic de James Cameron prennaient toute la place, ne laissant à l'équipe de Jean-Pierre Jeunet que des plateaux de moindre ampleur pour tourner le quatrième volet de la saga.
- Le premier jour de tournage, Sigourney Weaver (qui avait pourtant opté pour un autre costume), flasha sur celui du personnage de Kim Flowers… qui se retrouva alors sans garde-robe. Le temps qu’un nouveau costume soit conçu, la comédienne ne put tourner, d’où son retard dans la scène de poursuite aquatique. Elle plonge après le groupe et est toujours seule à l‘écran.
- L’ordinateur de bord est appelé "Father", en hommage à l’ordinateur du premier Alien, "Mother".
- Une scène "explicite" entre Ripley et les Aliens fut tournée par Jean-Pierre Jeunet, mais coupée au montage par le réalisateur, car trop borderline.
- Confiés aux studios Blue Sky (L'Âge de glace), les aliens numériques (les premiers de l’histoire de la franchise) s’inspirent notamment des iguanes marins pour leurs mouvements aquatiques.
- L’hybride humain-alien dévoilé à la fin du film (le "New Born") devait initialement être créé en images de synthèse. Par manque de budget, il sera élaboré en animatronique. C’est la première créature de la saga arborant des yeux… Pour l’anecdote, ses organes génitaux mi-masculin mi-féminin, incorporés à l’animatronique, durent être effacés numériquement à la demande de la Fox.
- La Reine Alien est la même que celle de Aliens le retour. Ne disposant pas du budget nécessaire pour développer une nouvelle créature, l’équipe dut retrouver la trace de l’animatronique de Stan Winston et James Cameron, en partie offerte à un collectionneur qui prêta gracieusement la Bête.
- Jean-Pierre Jeunet a tourné le film sans parler un seul mot d’anglais. Il était constamment accompagné d’une interprète, Aruna Villiers, qui l’avait aidé durant la promotion américaine de La Cité des Enfants Perdus. Pour parvenir à mieux communiquer avec l’équipe, Jean-Pierre Jeunet élabora un story-board complet de son film. Un fait plutôt rare sur un tournage, où seules les séquences complexes sont story-boardées.
- Une version longue du film, proposant 7 minutes d’images supplémentaires, est disponible sur le DVD et le Blu-Ray du film. Elle incorpore notamment le générique de début initialement imaginé par Jean-Pierre Jeunet mais écraté par la Fox pour raisons budgétaires (un alien en gros plan s’avère être un minuscule insecte écrasé par un officier dans un cockpit), ainsi qu’un final se déroulant sur Terre, au pied d’un Paris en ruines.
- Le design du vaisseau principal, l’Auriga, dut être retouché en catastrophe : conçu comme un vaisseau vertical peu adapté au format Scope, l’imposante station spatiale fut repensée à l’horizontal.
- Les miniatures du film (vaisseaux et décors) ont été tournées dans le complexe industriel Hughes qui accueillit auparavant les miniatures de Independence Day.
- Le chef-décorateur du film, Nigel Phelps, avait auparavant œuvré sur Batman et Judge Dredd. malgré la profusion de couloirs dans le film, il n’en construisit que deux, modifiant leur aspect au fil des prises avec l’aide de son équipe et du directeur de la photographie Darius Khondji.
- La scène de poursuite sous-marine dans les cuisines inondées de l’Auriga a été tournée dès le début du tournage, durant trois semaines, dans un gigantesque réservoir ( 45 mètres de long, 36 mètres de large, 5 mètres de profondeur). Sans visibilité et sans air (des plongeurs étaient disposés un peu partout pour assurer leur sécurité), les comédiens ont vécu cette séquence comme un véritable défi physique et mental, Sigourney Weaver détestant l’eau et Winona Ryder devant lutter contre sa phobie survenue après une quasi-noyade dans sa jeunesse. Quant à Gary Dourdan, harnaché à Dominique Pinon, il devait nager pour deux, tant et si bien qu’il finit par ramper entre les prises pour se ménager… Une idée que Jean-Pierre Jeunet adopta pour le film.
- Avant la version retenue par Jean-Pierre Jeunet, quatre versions du final furent envisagées au fil du tournage par le scénariste Joss Whedon, toutes se déroulant sur Terre. Une cinquième fin fut finalement écrite et tournée… mais fut écartée car insatisfaisante. Après le tournage, l’équipe dut donc se reformer temporairement (130 personnes !) et se rendre à New York (Sigourney Weaver étant bloquée sur place) pour tourner une nouvelle fin… Un final encore insatisfaisant qui fut finalement re-re-tourné à Los Angeles.
- Si Marc Caro n’a pas souhaité accompagner son compère Jean-Pierre Jeunet dans cette aventure hollywoodienne, il a cependant travaillé sur quelques concepts de costumes et de coiffures. Les chaussettes rayées de Winona Ryder, c’est lui !
- Le personnage de Dominique Pinon n’avait pas de jambes dans le scénario original.
- Le plan du cirage chauffé à la flamme avait déjà été utilisé par Jean-Pierre Jeunet dans Delicatessen.
- Peu convaincus par le choix de Ron Perlman, les exécutifs de la Fox validèrent le choix de Jean-Pierre Jeunet dès le visionnage des premiers rushes.
- Faute de budget, Jean-Pierre Jeunet dut sacrifier une scène décalée chère à son cœur : un moustique (numérique) devait venir piquer Ripley et s’enflammer suite au contact avec le sang acide.
- Deux films de SF made in France ont vu le jour en 1997 : Alien, la résurrection et Le Cinquième élément.
- Superviseur des effets visuels, Pitof fut propulsé réalisateur de seconde équipe : on lui doit la plupart des plans avec les aliens, dont l’accouchement de la reine.
- Le plan d’ouverture, qui dévoile un clone de Ripley en pleine maturation, fut tourné avec un mannequin en silicone s’inspirant de photos de la comédienne enfant.
- H.R. Giger, le créateur des aliens, fut oublié dans le générique final de la version cinéma et se plaint auprès de la Fox. Un oubli fâcheux qui fut corrigé lors de la sortie vidéo du film.
- Joss Whedon s’est dit à plusieurs reprise très déçu par le film, qui ne respectait par le ton de son scénario original. Un ton qu’il reprendra dans sa série SF, Firefly, et son prolongement cinéma Serenity : l'ultime rébellion.
- Le personnage campé par Dan Hedaya devait initialement mourir aspiré par le vide intersidéral. Préférant conserver cette mort pour un personnage plus important (l’hybride), Jean-Pierre Jeunet offrira une fin plus humoristique au Général Perez, dont le cerveau sera perforé par un alien. Peu convaincus par la scène, les producteurs décidèrent de la garder, après des projections-tests très positives.
- Les générations d’androïdes semblent être qualifiées selon un ordre alphabétique : Ash dans Alien (la lettre "A"), Bishop dans Aliens et Alien 3 (la lettre "B") et Call dans Alien, la résurrection (la lettre "C").
- La scène qui voit la caméra rentrer dans l’œsophage de Leland Orser jusqu’à l’alien a été tournée à l’envers : une caméra fut poussée au fond de sa gorge et ressortie. Il ne restait plus qu’à jouer la séquence à l’envers pour parfaire l’illusion.
- La compagnie Weyland-Yutani laisse ici sa place à… Wal-Mart.
- Confrontée à l’hybride, Sigourney Weaver détourne le regard… Ne jamais regarder une bête sauvage dans les yeux : un souvenir de Gorilles dans la brume ?