Adoubée par la critique la saison passée, récompensée de deux Golden Globes dans la foulée (Meilleure comédie et Meilleur Acteur pour Andy Samberg), l’équipe du 9-9 n’a jamais généré les audiences qu’elle méritait. Mais, avec son changement de case horaire – elle est passée du mardi soir au dimanche soir – la série pourrait enfin atteindre un plus large public. Lancée aux Etats-Unis le 28 septembre dernier, la saison 2 de Brooklyn Nine-Nine démarre chez nous ce 03 octobre sur Canal + Séries. Une belle occasion de s’y mettre sérieusement pour le rire et pas "pour de rire"…
La "révélation" Samberg
En France, Andy Samberg – à ne pas confondre avec Adam Sandler - est peu connu du grand public. Il faut dire qu’il fait typiquement partie de ce genre de talents 100% US, qui ont éclos via des émissions américaines et qui n’ont donc jamais vraiment franchi les frontières avant de passer au cinéma ou aux séries. Révélé grâce à ses sketchs avec la troupe des Lonely Island puis repéré par le Saturday Night Live, le talent comique de Samberg a bel et bien émergé à l’international grâce à Brooklyn Nine-Nine.
Dans le rôle de Jake Peralta, Andy Samberg vaut vraiment le coup d’œil. Aussi ridicule que charmant quand il joue au super flic, Peralta est toujours à l’instigation de challenges pourris ou de gamineries hilarantes mais porte également en lui un sens très profond de la camaraderie. Dans son travail, il navigue entre extravagances et fantasmes impossibles à réaliser (vouloir arrêter un avion qui vient de décoller) et des qualités indéniables de détective. En somme, il mélange folie et compétence, un mix qui arrive à créer énormément de comédie.
Le meilleur groupe du moment ?
Mais, Andy Samberg ne parviendrait pas à faire rire s’il n’était pas accompagné d’un casting tout bonnement parfait. Il est rare qu’une comédie parvienne en quelques épisodes à nous faire aimer l’intégralité de ses membres. Et pourtant, Brooklyn Nine-Nine le fait dès ses premiers épisodes grâce à ses acteurs plus différents les uns que les autres mais aussi grâce au fin travail d'écriture effectué par ses créateurs Dan Goor et Mike Schur, anciennes plumes d'un autre très bon ensemble, Parks and Recreation.
Jake, Amy, Holt, Terry, Boyle, Gina, Rosa… Tous les membres du 9-9 sont extrêmement bien balancés, que ce soient en termes de personnalité, d’origine, d’âge, de sexe, de sexualité ou de goûts. Chacun de nous peut donc y trouver son "chouchou"… quand tous ne le sont pas déjà. A eux sept, ils parviennent à insuffler de la comédie intelligente qui ne s’essouffle pas, tout en ne jouant pas sur les clichés. Ainsi, leurs interactions fonctionnent à merveille, tant et si bien qu’on sent très bien, dès le pilote qui introduit le nouveau Capitaine Holt interprété par Andre Braugher, qu'ils ont un passé commun et une dynamique déjà en place. Le tout, sans que cela sonne faux.
Sauf votre respect, Monsieur, Gina n'a pas de sentiments. Pour elle, la meilleure comédie de tous les temps, c'est Millenium"
Entre Amy qui se rend malade à force de vouloir plaire au Capitaine, le Capitaine qui est l’impassibilité même, Rosa qui a de gros problèmes de colère et de sociabilité, Boyle qui est la gentillesse et la maladresse incarnées, Terry le sergent musclé au cœur de bisounours ou Gina qui est la secrétaire la plus bizarre et la plus franche du petit écran, il est rare de ne pas se retrouver à sourire quand tout ça, et plus, se mélange. D’autant plus que chacun de ces personnages ne se résume pas à une seule et unique caractéristique et révèle des nuances très intéressantes au fil du temps. Ainsi, le Captaine Holt n’est pas simplement un Capitaine impassible et fermé, il a de l’humour, très sec oui, mais il en a. Il suffit de bien le regarder...
Brooklyn Nine Nine - Saison 1 - Extrait de l'épisode 14
Les scénaristes ont, en plus, ajouté à cet ensemble le duo Hitchcock et Scully, les deux pires bras cassés qu’aucun commissariat n’ait jamais connus. L’exemple en chair et en os de l’incompétence, de la bêtise et de la paresse…Dans un moment de bonheur, Scully jette tout de même des punaises de bureau sur ses collègues parce qu'il s'est dit que ça ferait de bons confettis ! Tous deux sont si pathétiques qu'ils auraient été virés de n'importe quel autre commissariat (ou entreprise) mais qu'ils sont, au 9-9, des membres de la famille à part entière.
De cette ensemble 4 étoiles nait quelque chose d’assez magique : des amitiés exceptionnelles et bizarres, une ambiance familiale vraiment agréable et familière et qui créé, par la conséquence, la détente et le rire. Brooklyn Nine-Nine a du cœur et c’est peut-être le personnage de de Terry (interprété par l’hilarant Terry Crews) qui cristallise le plus cette atmosphère chaleureuse. Géant parmi les nains, musclé parmi les gringalets, Terry possède aussi un vrai coeur de chamalow. Il ferait peur à n'importe quel homme et, pourtant, depuis la naissance de ses filles, Terry a peur de mourir et de les laisser sans père. Depuis un accident ridicule (avec un mannequin en plastique), il est donc incapable de retourner sur le terrain. A côté de ça, le Sergent du 9-9 est aussi un homme capable de voir le meilleur en chacun de ses équipiers, une qualité qui fait de lui un pilier pour tous les autres personnages.
Brooklyn Nine Nine - Saison 1 - Extrait de l'épisode 5
Une comédie policière... et de bureau
L'un des autres points forts de Brooklyn Nine-Nine est d'être parvenue à être une véritable comédie policière dans un paysage télévisuel où le crime s’insère essentiellement dans le genre dramatique. Ici pas de tueurs en séries glauques ou de viols sordides, Nine-Nine dédramatise le crime et les délits sans pour autant ne pas les prendre au sérieux. Nine-Nine sait comment rire des codes de la série policière, des interrogatoires aux planques en passant par les arrestations, tout en se moquant d'elle-même. Elle ramène également un quotidien bienvenu au sein du commissariat puisque les cas les plus excitants (que recherche Jake) ne sont pas les plus fréquents. Une bonne partie du temps, Jake et les autres doivent se contenter de recevoir les plaintes des habitants du quartier qui se présentent à leurs bureaux.
"Babylone is the best thing in my life, and I have a very full life."
Si cela faisait un moment que l'on n’avait pas vu une vraie comédie policière, Brooklyn Nine-Nine est aussi et surtout une comédie de bureau, à la The Office. Grâce à elle, on entre en plein dans le quotidien des détectives et de leurs supérieurs. On les voit manger, on voit au jour le jour le bordel s'accumuler sur leurs bureaux, on voit qui est maniaque et qui ne l'est pas. On découvre les manies de l'un, les moqueries habituelles de l'autre, on découvre que Boyle radote énormément au point que ses collègues ont créé une sorte de bingo autour de ses expressions les plus prévisibles. Et bien évidemment, on les voit se confronter à d'autres services et, parfois, se débattre pour se créer des espaces personnels dans l'atmosphère bondée de tout open space. Pendant un temps, Gina et Rosa ont ainsi eu une salle de bain secrète, nommée Babylone, un havre de paix où elles se ressourçaient (entre autres activités).
Brooklyn Nine Nine - Saison 1 - Le Bingo de Boyle
Des petites surprises qui font du bien
Mais, Nine-Nine, c’est aussi des surprises cachées ici et là. Pas des grosses surprises mais de petites révélations qui créent de la réalité au sein de la comédie. C’est ainsi qu’on apprend à la fin de la première saison que Gina et Jake se connaissent en fait depuis l’enfance. Ce point n'avait jamais été mis en avant mais s'avère particulièrement juste : Gina et Jake amis, cela semble plus que logique. A cette occasion, Gina révèle aussi des pans de sa personnalité que l'on n'avait pas vraiment vus auparavant, même si le Captaine Holt souligne fréquemment que Gina n'est pas celle que tout le monde pense. Gina est très généreuse et, pour un ami, elle est capable de faire les choses en grand tout en faisant en sorte que son geste passe pour un acte de pur égoïsme.
Ces petites surprises sur les personnages nous parviennent aussi via les flashbacks. Comment ne pas rire et être ému à la vision du jeune Holt des années 70 - coupe afro, moustache et ouvertement gay - débarquant pour la première fois dans l'unité des détectives ? Comment ne pas exploser devant Terry en rasta au coeur brisé ? Ces flashbacks nous en apprennent plus sur les personnages mais offrent surtout de nouvelles raisons de les aimer et de les comprendre.
" - Est-ce que Taylor Swift est ton artiste préférée ? - Pfff, non. - Tu mens. - Ok. Très bien. Elle me fait ressentir des choses. - Elle nous fait tous ressentir des choses !"
Belle comédie de notre époque, Brooklyn Nine-Nine a tout pour devenir une grande. Capable de cerner l'air du temps et de nous faire rire sur des niveaux très différents, elle est aussi une comédie progressiste qui ne passe pas son temps à dire que Terry est noir, que Diaz et Amy sont latinas, que Peralta est juif ou que Holt est gay, tout simplement parce qu'elle ne le fait pas pour Boyle et Gina. Pour montrer l'individualité de chacun, Nine-Nine choisit de s'appuyer sur toute une masse de détails différents. Sa fraîcheur et sa modernité, on les retrouve aussi dans les références qu'elle s'amuse à égrener ici et là (dans la saison 1, Holt et Gina tentent de se débarrasser de leur addiction au jeu Kwazy Cupcackes) mais elle est également capable de prodiguer une belle nostalgie (le mari de Holt s'appelle Kevin Cozner).
Pour devenir une grande, Brooklyn Nine-Nine n'a qu'à continuer sur sa belle lancée. Ce début de saison 2 annonce déjà une belle prise de relais et de très bonnes idées, alliant comme toujours humour et coeur. "That's How They do it in the Nine-Nine !" Et vous, vous sentez-vous de la jouer à la Nine-Nine ?