AlloCiné : Gemma Bovery est une adaptation de Posy Simmonds. Avez-vous pris beaucoup de libertés avec l'oeuvre originale?
Anne Fontaine, réalisatrice : J’ai réinterprété pour le cinéma. Je dirais que le personnage de Martin, interprété par Fabrice Luchini, est celui qui a le plus évolué. J’en ai fait davantage un amoureux. Dans le livre, il est plus comme un écrivain, plus un diagnostiqueur si on peut dire. Le personnage de Gemma est humainement plus sensible, plus fragile, plus sympathique.
Il y a des scènes complètement inventées. Toute la fin est inventée. Les scènes où, par exemple, il lui apprend à pétrir le pain -qui sont des scènes quasi érotiques, de manière oblique- sont des scènes que nous avons créé avec Pascal Bonitzer, le scénariste du film. C’est un mélange. Mais je crois que c’est très fidèle au ton, à la drôlerie, au type d’humour assez anglais en fait. C’est un humour assez décapant.
J'ai lu que vous aviez hésité avant de vous tourner vers Gemma Arterton pour ce rôle...
Ce n’est pas que je ne voulais pas. Je l’avais vu dans Tamara Drewe il y a quelques années. Je l’avais trouvée formidable. Mais c’était le même auteur Posy Simmonds. Au départ, je l’ai un peu écartée. Je me suis dit : je ne vais pas reprendre une actrice qui a déjà joué le même auteur. Et puis, j’ai commencé un casting en Angleterre, j’ai vu des filles. Un jour j’ai déjeuné avec Isabelle Huppert à Paris. Je lui parle de mon projet et elle me demande si j’ai vu Gemma Arterton. Je lui dis : c’est drôle que tu dises ça car je résiste à l’idée de la voir. Elle me dit qu’elle l’a vu à Marrakech et que c’est une bombe incroyable. Quand une actrice du talent d’Isabelle parle d’une autre actrice… En l’écoutant, je me disais : tu es idiote, tu dois la voir. Et là, c’était en une seconde. Elle est arrivée dans le bureau en Angleterre. Elle m’a dit : Bonjour Anne. Elle avait un petit discours en français. Je voulais voir si le français restait sexy et mélodique. Et là, je n’ai pas résisté, pas une seconde. En fait, j’ai différé la rencontre.
Comment s’est passé la première rencontre entre Gemma Arterton et Fabrice Luchini ?
La première fois, c’était chez Fabrice. Je lui ai présenté Gemma. Très vite, au bout de dix minutes, ils se sont parlés dans un franco-anglais un peu instable, étant donné que Fabrice ne parle pas très bien anglais, et que Gemma commençait à apprendre le français. Et Fabrice a un chien, un peu comme dans le film, Martin Joubert a un chien. Très vite, ils se sont allongés quasiment sur le sol, ils caressaient le chien, ils se regardaient, quelque chose de très organique, et qui préfigure la sensualité qu’il y a ensuite dans leur relation dans le film, même si c’est évidemment une relation platonique.
Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême
Rencontre avec l'héroine de Gemma Bovery, Gemma Arterton, dans un français impeccable :