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    Party Girl : rencontre avec une équipe "sauvage, généreuse et mal élevée"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Echange à trois voix avec la Caméra d'or 2014, l'équipe de réalisateurs de "Party Girl", Marie Amachoukeli, Samuel Theis et Claire Burger. L'occasion de parler mise en scène, improvisation, projets et ... foot !

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    "Sauvage, généreuse et mal élévée"... C'est en ces termes que Nicole Garcia avait qualifié la Caméra d'or, en mai dernier : Party Girl ! AlloCiné s'est entretenu avec le trio de réalisateurs (Marie Amachoukeli, Samuel Theis et Claire Burger), qui multiplie les prix depuis son sacre cannois (Paris Cinéma, Cabourg...). L'occasion de parler d'impro, de mise en scène, de casting, de décors, et un peu de foot aussi !

    AlloCiné : Le casting est composé uniquement d’acteurs non-professionnels, exception faite de vous, Samuel Theis. Avez-vous fait appel uniquement à des gens de votre entourage ? Comment avez-vous procédé pour le casting ?

    Samuel Theis : D’abord, il y a ma famille. Angélique [Litzenburger], c’est ma mère. Il y a mes frères et sœurs. Autour d’eux, nous avons pris des non-professionnels, parmi des gens qu’on connaissait. Certaines des filles du cabaret sont des anciennes collègues d’Angélique par exemple.

    Claire Burger : Plein de figurants sont des copains, de la famille…

    S.T. : Après nous avons cherché à compléter avec des acteurs non pro, juste par cohérence aussi. Il fallait que ça soit des gens de là-bas, pour la langue. 

    C.B. : Pour le registre de jeu aussi, ça n’avait pas de sens de faire débarquer des acteurs pro alors qu’on essayait justement de préserver une authenticité.

    Ca n’avait pas de sens de faire débarquer des acteurs pro alors qu’on essayait justement de préserver une authenticité.

    Marie Amachoukeli : Et ce qui est « politique » aussi, c’est de dire que les gens peuvent porter eux mêmes leur propre histoire. On ne va pas faire interpréter ça par des gens du 18e, 19e, 20e arrondissement. Ils sont tout aussi capables de jouer et de raconter avec ce qu’ils sont, avec leur nature, avec leur tête, avec leur mélodie. 

    C.B. : Ils prennent la parole pour se raconter. 

    Mais est-ce que paradoxalement, ce n’est pas plus difficile de diriger des gens dans leur propre rôle?

    C.B. : Pour tout dire, il y a des gens qui ne jouent pas leur propre rôle. Par exemple, le mari d’Angélique [Joseph Bour] ne joue pas son propre rôle. Et nous les dirigions tous un peu de la même façon, tout en nous adaptant à leur personnalité. Par exemple, nous dirigions Angélique comme nous dirigions Michel ou les filles du cabaret, en s’adaptant à leur nature. 

    S.T. : Les gens interprétant leur propre rôle n’ont pas à jouer les rapports entre eux. La famille par exemple vit le rapport avec Angélique de façon naturelle. C’est aussi ce qui fait la particularité de leur rapport.

    C.B. : La complicité préexiste... Ou les tensions.

    S.T. : Elle n’est pas inventée. Et dans un certain hors-champs, elle travaille la question de cette famille. 

    Parlons de la direction d’acteur. Votre méthode consiste à commencer par une discussion…

    C.B. : L’idée, c’est de leur raconter la scène avant de la jouer, de leur dire quels sont les enjeux, mais de leur dire de façon légère, sans trop leur rentrer dans le crâne des choses précises. Mais en leur disant voilà la situation, voilà ce que tu dois défendre, voilà ce que tu essayes de faire entendre.

    Puis, nous formulons quelques dialogues qu’ils pourraient dire, mais un peu à la va-vite ; l’idée n’étant pas de les répéter tel quel. Mais surtout qu’ils comprennent ce qui se joue entre eux, quel est leur objectif dans la scène. Ensuite, ils se lancent, proposent des choses avec leurs propres mots, les idées qui leur viennent par rapport à la situation. Et au fur à mesure, à chacune des prises, on recadre en disant « ça, tu continues, ça c’était super, ça par contre c’était une mauvaise piste ».

    S.T. : Parfois, on intervient pendant. 

    C.B. : Parfois, dans les silences, on les recadre. Finalement, c’est comme une sorte d’entonnoir. C’est à dire qu’au départ, on essaye de faire très large pour qu’il y ait des propositions, une authenticité, etc. Et à partir de là, on recadre, on recadre pour finir d’être au plus proche de la scène dans ce qu’elle veut raconter. 

    S.T. : Nous, nous avons des dialogues écrits. On sait ce qu’elle doit contenir et la durée approximative de la scène. Eux n’ont rien lu, ils arrivent sur le plateau vierges de ce qu’on va leur faire faire, et donc tout le processus, c’est de les amener petit à petit vers ce que nous on a pensé en amont. 

    C.B. : Et en conservant, à la fin, dans les dernières prises, les propositions qu’ils ont faites, qui nous paraissent intéressantes pour nourrir la scène. Mais pour qu’ils puissent le faire, il ne faut pas trop les contraindre au départ. 

    Garder la fraicheur des premières prises

    Et du coup, il y a énormément de montage après ?

    S.T. : On a l’impression que c’est prolifique et qu’on les fait improviser énormément et qu’on ne sait pas nous même ce qu’on recherche. Mais on sait vraiment ce qu’on cherche. Au final, on a quand même des scènes qui ressemblent à ce qu’on voulait au départ. 

    C.B. : On tourne tout. Ca pourrait être des répétitions. Mais on tourne tout car on veut aussi garder la fraicheur qu’il peut y avoir dans des premières prises, dans des premières propositions. Donc on reconstitue la scène avec cette fraicheur, ces moments d’authenticité, ces propositions, ces choses beaucoup plus écrites et indispensables à la scène, et tout ça se reconstitue au montage dans une forme de 2e écriture. 

    Cette méthode n’est pas très répandue. Elle se rapproche me semble-t-il un peu de celle de Laurent Cantet par exemple ?

    M.A. : Il faudrait lui poser la question. 

    S.T. : Abdellatif Kechiche travaille peut être un peu comme ça.

    M.A. : Il y a des films naturalistes mais ça ne veut pas dire que la méthode pour y arriver est la même. Kechiche travaille parfois avec des non-professionnels, mais aussi avec des gens qui sont comédiens. Il essaye de trouver une spontanéité dans le jeu des comédiens, mais il part de gens qui ont des techniques d’acteur malgré tout. 

    Utiliser l’improvisation comme un outil qui nourrit le réalisme du film

    C.B. : Ce qu’il peut y avoir de commun entre Kechiche, Cantet, parfois Céline Sciamma et nous, ce sont les non-professionnels et le fait d’utiliser l’improvisation comme un outil qui nourrit le réalisme du film. Après, les méthodes, la façon dont chacun monte, écrit ou met en scène, je pense, sont très différentes. Et d’ailleurs les films n’ont pas la même esthétique, ou ne dégagent pas tout à fait les mêmes choses.

    S.T. : Même si c’est très improvisé, ou si le langage est assez réaliste, en terme d’images aussi, il y a de la fiction partout. Il est pensé partout comme une fiction avec du romanesque, des lignes dramaturgiques fortes. 

    C.B. : Et c’est rarement de la captation. Il y a des systèmes assez classiques de champs – contre champs. On a une seule caméra. Si on voulait être dans le documentaire ou la captation pure, il y aurait 3-4 caméras. Là ce n’est pas du tout le cas, c’est très construit. 

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    Vous avez tourné à Forbach, en Lorraine. Pendant longtemps cette ville était connue pour être la ville de Patricia Kaas ! A présent, la ville sera donc également connue pour ce film, et votre court métrage « Forbach »…

    S.T. : Ca reste toujours la ville de Patricia Kaas ! Quand on dit Forbach, on nous parle toujours de Patricia Kaas ! Lorsque nous étions jeunes, c’était des blagues qu’on faisait même nous mêmes. D’ailleurs, on connaît très bien le frère de Patricia Kaas, c’est un ami ! (rires)

    Il y a du foot aussi…

    C.B. : Oui, il y a plein de trucs à Forbach. Au sujet de la ville ressort souvent le coup de grisou qui a fait beaucoup de morts.

    ST : Il y a le FN…

    M.A. : … Et le nuage de Tchernobyl s’est arrêté juste avant Forbach ! C’était une vraie nouvelle à l’époque. (sourire)

    C.B. : On dit même que Jean Moulin est mort dans le train à Forbach. 

    S.T. : J’ai des copains qui me font des blagues, qui m’appellent la « fille de l’Est » ! (rires)

    C’est vrai que ce n’est pas un endroit que l’on voit souvent au cinéma

    Mis à part le court métrage que vous aviez tourné là-bas, savez-vous si Forbach a inspiré d’autres cinéastes ?

    C.B. : Oui, il y en a eu d’autres. Par exemple un film sur la mine. Il y a aussi eu des documentaires. Il y a plein de sujets là bas. C’est vrai que ce n’est pas un endroit que l’on voit souvent au cinéma, ça c’est certain. Peut être qu’il faudrait qu’on aille tourner ailleurs.

    Pour vous, était-ce une évidence de tourner là bas, ne serait ce que pour vos personnages ?

    S.T. : A vrai dire, la question s’est posée de délocaliser nos personnages, puisqu’à un moment donné, pour des questions de financement, nous devions nous retrouver au Luxembourg. 

    M.A. : Oui, il était question qu’on tourne la moitié du film au Luxembourg.

    S.T. : Mais finalement la commission du Luxembourg ne nous a pas suivi. Nous avons donc tout rebasculé en Lorraine. Mais ça nous arrangeait au final car on aime bien rester assez proche de la réalité. 

    C.B. : Oui, car c’est un film portait avec des gens qui, d’une certaine façon, racontent des événements qui ont eu lieu dans leur vie, qui sont ancrés dans une situation géographique, économique locale assez forte etc. Avec des décors qui doivent raconter l’histoire de cette région.

    M.A. : Et une langue…

    C.B. : … Oui un accent, une mélodie. C’était quand même compliqué d’imaginer de tourner ailleurs. Ca n’avait pas vraiment de sens.

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    Quels sont vos projets ?

    S.T. : En ce moment, je joue dans le spectacle Cabaret. C’est la comédie musicale de Broadway, qui a ensuite inspiré le film. Je vais tourner dans le film de Rémi Bezançon [Nos Futurs]. Il y a d’autres projets, mais pour l’instant, il faut que ça reste encore secret. 

    M.A. : Il se trouve que je suis scénariste par ailleurs. J’ai travaillé avec Cyprien Vial [Bébé Tigre] et je travaille actuellement avec Guillaume Gouix. Je reviens justement d’une semaine à Marseille avec lui car le film se passera là-bas. Le projet ne s’appelle plus "Réparer les vivants" : ce n’est pas l’adaptation du livre. Il y a un autre titre provisoire que je ne peux pas communiquer. 

    C.B. : Je commence mes premiers rendez-vous de travail pour un long métrage que j’espère pouvoir faire bientôt. Mais c’est très difficile quand on se lance dans un long métrage, on ne sait jamais trop combien de temps, ça va prendre. 

    En tant que réalisatrice en solo ?

    C.B. : Oui.

    Et j’ai entendu que vous rêviez de réaliser une série sur le foot féminin…

    M.A. : Oui, ça fait longtemps. Je travaille par ailleurs à l’écriture d’une série. On verra si elle voit le jour. Mais c’est vrai qu’on avait déliré sur une série de football féminin car il se trouve qu’on fait du foot. Mais ce n’est pas sur celle-là que je travaille. 

    Et qui compose cette équipe de foot ? 

    M.A. : Ah non ! (sourire). C’est secret !

    C.B. : On peut juste dire qu’on s’appelle Baston et courtoisie !

    Propos recueillis par Brigitte Baronnet, à Paris, le 9 juillet 2014

     

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