William Desmond Taylor : décès naturel ou assassinat ?
Qui était-il ?
Homme au passé trouble d'origine irlandaise, ex acteur reconverti avec succès en réalisateur / producteur / scénariste, Taylor arriva aux Etats-Unis en 1890 à l'âge de 18 ans. En 1908, il abandonna carrément sa femme et sa fille. En 1912, on le retrouve à Los Angeles. Il a changé de nom, passant de William Cunningham Deane-Tanner (le vrai) en William Desmond Taylor. Il entame alors avec succès une carrière d'acteur, et réalise son premier film en 1914, The Awakening. Dans les années qui suivent, il signe ainsi plus de 50 films. Après la première guerre mondiale, il dirigera plusieurs célébrités dans ses oeuvres, dont Mary Pickford ou Wallace Reid.
L'affaire
Au petit matin du 2 février 1922, le corps de William Desmond Taylor fut retrouvé par son majordome Henry Peavey dans son bungalow, situé dans le quartier de Westlake de Los Angeles, une zone résidentielle alors fréquentée et chic. Un premier -mauvais- examen par un médecin présent sur place laissa entendre que Taylor semblait être mort d'une hémorragie à l'estomac. Avant que le corps de la victime ne soit retourné, pour qu'on y découvre deux balles de calibre .38 près du coeur...
Après rapide enquête, l'heure du décès fut fixée la veille au soir, aux alentours de 19h50 - 20h. A cette heure là justement, Taylor venait de se séparer de Mabel Normand, avec qui il eut une dispute ce soir là. L'actrice fut la dernière personne à voir vivant Taylor...avec le ou la tueur / tueuse.
L'ennui, c'est qu'au lieu de prévenir en premier la police, le majordome appela des Executives de la Major Paramount, qui s'emparèrent de toutes les lettres qu'ils pouvaient trouver dans la maison, firent nettoyer la scène de crime, et raflèrent toutes les bouteilles d'alcool (on est en pleine période de la Prohibition) qu'ils purent trouver. A cette époque, les studios étaient particulièrement nerveux, dans le viseur des ligues de vertues. C'est que le pays était aussi déjà plongé dans un autre scandale : celui de la mort d'une jeune starlette, Viriginia Rappe, dans laquelle Roscoe "Fatty" Arbuckle était impliqué.
Une fois -enfin- la brigade criminelle sur place, elle mit notamment la main sur des clichés pornographiques cachés au fond d'un tiroir derrière une pile de scénarios : c'était Taylor en pleine action, en compagnie de nombreuses stars parfaitement connues. Elle découvrit aussi dans le placard de la chambre à coucher du défunt une hallucinante collection de lingeries : des dessous luxueux en dentelle, marqués d'initiales et datés. Petits souvenirs deTaylor le fétichiste et collectionneur de trophées.
Quoi qu'il en soit, avec une foule pressante qui se massait aux abords de la scène de crime pour mieux la souiller, et ce nettoyage en règle effectué à la demande des Executives de la Paramount, qui étaient littéralement en train de faire partir dans la cheminée d'éventuelles preuves, la recherche d'indices devint impossible...
Le meurtre de William Desmond Taylor choqua le petit monde d'Hollywood; Taylor fut en effet président de la puissante Screen Director's Guild.
Les théories
Pendant les semaines qui suivirent, les Tabloïds et la presse à scandales s'en donnèrent à coeur joie et se déchaînèrent. Furent accusés un ancien valet de Taylor, Edwards Sands, individu louche, déjà inculpé de détournement de fonds et désertion de l'armée américaine, en plus de revendiquer plusieurs fausses identités. Les soupçons se portèrent naturellement sur lui compte-tenu de son passif, dans la mesure où il avait même contrefait par le passé la signature de Taylor sur des chèques, profitant d'un déplacement en Europe de ce dernier.
Certains accusèrent Mabel Normand, affirmant qu'elle fut informée de l'assassinat de Taylor le soir même du crime, et passa chez lui pour effacer les traces du meurtre. On affirma aussi que c'était une vengeance des dealers de drogue de Mabel Normand : Taylor aurait aidé l'actrice à lutter contre son addiction à la cocaïne en travaillant avec la police pour arrêter les trafiquants.
En fait, la veille au soir, 10 min seulement après que Mabel Normand eut quitté le domicile de Taylor, la voisine de ce dernier, une certaine Mme Faith Cole MacLean, entendit un grand bruit et courut à la fenêtre donnant sur le bungalow de Taylor. "A ce moment précis, je n'étais pas certaine que de fût un coup de feu, mais j'en avais bien entendu la déflagration" déclara-t-elle aux policiers venus l'interroger. "J'ai jeté un coup d'oeil par la fenêtre et vu un homme quitter la maison et descendre l'allée. Je suppose que c'était un homme. Ses vêtements étaient ceux d'un homme, mais en même temps - drôle d'allure. La personne portait un lourd manteau avec un cache-col autour du menton et une casquette baissée sur les yeux. Mais elle avait la démarche d'une femme : des petits pas rapides, des hanches larges et de petites jambes". Un témoignage important et assez précis, qui ne fut pourtant pas pris en compte dans les conclusions rendues sur l'affaire...
On accusa aussi Mary Miles Minter, une jeune star de 19 ans (Taylor en avait 49...), folle amoureuse de la victime, qui écrivait d'ailleurs des lettres enflammées -et codées- à son idole. La propre mère de la starlette fut accusée, Charlotte Shelby, mère de scène et matronne, manipulatrice avide de la notoriété de sa fille. On supposa aussi qu'une ancienne liaison homosexuelle de Taylor avait pu l'assassiner.
Bref, de nombreuses hypothèses, parfois totalement fantaisistes et largement alimentées par la presse à scandale. Aucune de bonnes.
Où en est-on de l'affaire ?
Ce n'est que 42 ans plus tard que l'évocation du meurtre de William Desmond Taylor refit surface. En 1964, une ancienne actrice ayant travaillé avec Taylor, Margaret Gibson, déclara être la meurtrière. Mais aucun élément ne vint corroborer sa version.
Le crime reste à ce jour non résolu.