Mektoub my love
Dans une époque où chaque minute passée est dite déjà perdue et où l'on ne peut se résoudre sans culpabiliser à passer plus d'une heure trois quart assis dans le noir, Kechiche ose une fois encore et mieux que jamais la parenthèse enchantée de longue durée. Pendant deux heures et cinquante quatre minutes (soyons précis), il nous plonge dans le quotidien brûlant -au sens estival et sensuel du terme- de jeunes gens hors du temps qui découvrent, éprouvent et/ ou contemplent avec fascination les premières ivresses du corps et les premiers emportements de l'âme. En osmose avec le monde qui les entoure, ces adolescents emblématiques de la douceur de vivre des années 90, se livrent chacun à leur manière aux jeux de l'amour, sous l'oeil averti du cinéaste passé maître dans l'art de capter les petits détails de la vie telle qu'elle naît (à l'image de cette hypnotisante scène d'accouchement animal).
Derrière Kechiche cartographe du désir, il y a son héros alter-ego (Shaïn Boumedine), un romantique au regard intense, un amoureux des belles histoires en images, avec qui on se plait à passer beaucoup de temps et à observer tout simplement. Car il y a de quoi voir et on ne s'en lasse pas : Sara et Hafsia (que l'on retrouve là) étaient naturelles et sauvages, Adèle et Léa sensuelles et réservées. Ici Lou, Ophélie et les autres sont tout cela à la fois et bien plus encore : une réponse charnelle, libre et effrontée à la "sensation d'étouffement" d'un monde moderne que le cinéaste refuse encore une fois de brimer, de chronométrer. Avec Mektoub my love, le temps passe et rien, absolument rien, ne nous lasse.
Laetitia Ratane
Découvrez la bande-annonce de l'envoûtant "Mektoub my love" d'Abdellatif Kechiche