« Sid, nous serons bientôt millionnaires...»
L'immense Charlie Chaplin, pierre angulaire du cinéma, achève avec son incarnation du très attachant Charlot, la jonction entre le film muet et le cinéma parlant. Sa personnalité très singulière le mena avec succès vers une renommée qu'il recherchait avec avidité, comme en témoigne cette lettre à son frère. Le réalisateur y livre un état des lieux de son encore très jeune carrière et affiche clairement son ambition : devenir millionnaire.
Los Angeles Athletic Club,
Los Angeles, Calif,
Dimanche 9 août 1914
Mon cher Sid,
Tu sais parfaitement qui s’adresse à toi. Oui. C’est bel et bien ton frère Chas. Je t’écris après toutes ces années, mais tu dois me pardonner. Tout mon temps est pris par les films. J’écris, je réalise, et joue dans chacun d’entre eux et, crois-moi, cela m’occupe beaucoup. Et oui, Sid, j’ai réussi. Tous les cinémas arborent mon nom en lettres capitales, soit "Chas Chaplin, aujourd’hui". Je te le dis, dans ce pays je suis une attraction du box office. Tous les managers me disent que je reçois 50 lettres par semaine d’hommes et de femmes des quatre coins du monde. C’est merveilleux de voir comme je suis devenu célèbre en si peu de temps, et j’espère que l’année prochaine je gagnerai beaucoup de pognon. J’ai reçu énormément d’offres à 500 $ par semaine accompagné de 40% d’actions, ce qui équivaut à un salaire d’environ 1000 $ par semaine. M. Marcus Lowe, le plus important proprio de salles de cinéma, m’a fait une offre très sérieuse et veux que je forme une compagnie et me propose de choisir entre une paye à la semaine ou 50% des actions.
C’est une affaire réglée, quoiqu’il en soit, tout cela est entre les mains de mes avocats, et bien entendu, j’irai au bout de mon contrat avec les gens de Keystone, et s’ils mettent une meilleure offre sur la table, je resterai où je suis. Cette opportunité avec Marcus Lowe est concrète : j’ai la garantie d’être dans toutes ses salles ainsi que de vendre à l’extérieur par la suite. Bref, je t’expliquerai tout cela dans ma prochaine lettre. Il financera toute l’opération et si elle aboutit, cela est synonyme de jackpot pour nous.
Mr Sennett est à New York. Il dit vouloir t’écrire et te faire une offre. Je lui ai assuré que tu serais parfait pour le cinéma, bien sûr il ne te connait pas et se contente de suivre simplement mes recommandations. Il dit vouloir te donner 150 $ pour commencer. Je lui ai répondu que tu gagnais déjà cela et que tu n’imaginais pas de te déplacer pour la même somme. Si toutefois tu l’envisages, ne signe pas pour une trop longue durée, parce que je te voudrai avec moi lorsque je commencerais. Je pourrai t’obtenir 250 $ très facilement mais tu devras alors signer un contrat. Il vaut mieux pour toi que tu viennes pour trois mois auprès de Keystone, et qu’ensuite tu travailles à notre propre compte. Tu auras des nouvelles de Sennett, mais ne viens pas pour moins que cela, compris ?
[...]
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