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    ARMO : une association pour sauver le making-of
    Clément Cuyer
    Clément Cuyer
    -Journaliste
    Clément Cuyer apprécie tous les genres, du bon film d’horreur qui tâche à la comédie potache. Il est un "vieux de la vieille" d’AlloCiné, journaliste au sein de la Rédaction depuis maintenant plus de deux décennies passionnées. "Trop vieux pour ces conneries" ? Ô grand jamais !

    L'ARMO, l'Association des Réalisateurs de Making-Of, se bat pour la défense du statut de réalisateur de making-of et la promotion et la sauvegarde du "making-of documentaire". Rencontre.

    Julien Ouali

    L'ARMO, l'Association des Réalisateurs de Making-Of, se bat pour la défense du statut de réalisateur de making-of et la promotion et la sauvegarde du "making-of documentaire". Rencontre avec un collectif passionné, dont certains membres sont à l'origine de MOF remarqués parmi lesquels ceux de L'Ordre et la moraleJoyeux Noël ou Un long dimanche de fiancailles.

    AlloCiné : Comment vous est venue l'idée de votre association ? Et quel en est son but précis ?

    ARMO : Une demi-douzaine d'entre-nous nous sommes rencontrés au Festival du Making-Of entre 2003 et 2010. Nous avons alors pris conscience à quel point ce métier, souvent jugé accessoire, méritait d'être mieux considéré : il arrive que la réalisation d'un making-of soit mal vue par l'équipe et, surtout, nous sommes les seuls sur un plateau de cinéma à ne pas avoir de statut conventionnel, comme n'importe quel technicien. Cela nous amène souvent à négocier nos contrats comme des marchands de tapis... Actuellement, l'association compte une vingtaine de réalisateurs aux profils variés, animés par une vraie volonté de fabriquer des making-ofs originaux et de qualité, et de faire reconnaître ce métier.

    Question simple : le making-of, pour vous, c'est quoi ? Un complément, une extension d'un film, d'un univers ? L'occasion d'investir un peu plus le spectateur dans une oeuvre ?

    A la base, il y avait purement un aspect pédagogique. Aujourd'hui, la simple explication technique du fond bleu et des cascades a un peu lassé. On va vouloir chercher la vision du cinéma d'un réalisateur, partager l'expérience humaine d'un tournage, développer l'intime. Le making-of peut prendre la forme d'un documentaire historique, d'un journal de bord, d'un pastiche, d'un film expérimental…Un bon making-of est un film en soi, indépendant du film !

    Cette association apparaît clairement guidée par la passion. Quels sont les 5 MOF qui vous ont le plus marqué ?

    Il y a Hearts of Darkness, les coulisses du tournage d'Apocalypse Now. C'est le plus connu, sélectionné à Cannes en 1991. On y voit Francis Ford Coppola filmé de façon très intime, se battre contre les éléments, contre la fatalité d'un tournage chaotique étalé sur trois ans ans. Une aventure humaine incroyable.

    Il y a aussi Lost in La Mancha, qui décrit les malédictions de Terry Gilliam tentant de monter son projet sur Don Quichotte, tournage qui n'est jamais allé à son terme. Poignant. Il a même été distribué en salles et a attiré plus de 160 000 spectateurs !

    Il y a Fucking Kassovitz, le making-of non-officiel de Babylon A.D. de Mathieu Kassovitz, également dans la catégorie "on prend malin plaisir à regarder les réalisateurs souffrir.". Il décrypte finement le choc de deux cultures cinématographiques qui s'affrontent sur un même plateau.

    That Moment également, journal de bord du film Magnolia de Paul Thomas Anderson. On y voit des moments rares d'angoisses solitaires ou de joies partagées avec ses comédiens ou sa monteuse. Mais toujours dans le travail. C'est un gros bosseur et c'est un plaisir immense de le regarder faire.

    Enfin, le Making Fuck Off du film Mammuth de Kervern & Delépine, pour sa très grande liberté, tourné en pellicule 8mm, proche de l'expérimental, et qui a lui-même été sélectionné à Cannes en compétition officielle !

    Et en vrac, on vous recommande chaudement ceux des films de David Fincher (notamment The Social Network), toujours très complets, ceux de Shining, Abyss, Blade Runner, de la trilogie du Seigneur des Anneaux, de L'Armée des 12 singes, de La Nuit du chasseur ou encore d'Un coeur en hiver.

    Quels sont les dangers qui guettent, selon vous, la profession de réalisateurs de making-ofs documentaires ?

    Alors que le DVD commençait à cartonner, les éditeurs ont cru bon de blinder leurs supports avec des bonus marketing souvent insipides, des clips-bêtisiers formatés à l'identique d'un film à l'autre, qui ont probablement détourné en partie l'intérêt du public. A quoi bon écouter un comédien décrire son personnage ou l'auteur résumer son intrigue alors que le spectateur vient de regarder le film ! Même Canal+, la chaîne du cinéma, qui en diffusait depuis les années 90, a décidé de supprimer cette case. Quel dommage. Pourtant sur chaque projet, d'un Blier à un Kounen, on peut déterminer un style et un axe, exhaustif ou très spécifique, et ce sans paraphraser ni dénaturer le film qu'il accompagne. Un film en soi, qu'une chaîne comme Canal+ pourrait tout à fait diffuser après le film lui-même !

    Avez-vous des retours positifs de la profession sur votre action ?

    Nous avons rapidement été soutenus par plusieurs réalisateurs renommés comme Jean-Pierre Jeunet (dont L'Extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet et son making-of sont sortis cette semaine en dvd), Patrice Leconte, Jan KounenCédric Klapisch ou Albert Dupontel. Ce sont des vrais cinéphiles, des grands "makingo-vores", gardant toujours un oeil sur la qualité des bonus. Nous espérons avoir le soutien prochain de producteurs qui témoigneraient ainsi leur intérêt pour cette "mémoire du cinéma" qu'est le making-of documentaire. Nous gardons enfin l'espoir d'être conseillés par le CNC et enfin entendus par les syndicats de producteurs (APC, SPI, UPF...) notamment.

    Mot de la fin : voyez-vous le futur du making-of avec optimisme ?

    Ce n'est pas simple. Le marché du DVD ne se porte pas très bien, Canal+ a tourné le dos aux coulisses, des initiatives de festivals tombent à l'eau faute de financements... Nous avons l'impression que beaucoup de choses vont un peu dépendre de la relève de la VOD. Actuellement, en France, même l'offre fiction n'est pas très claire, assez chère et incomplète : il y a trop de films sans VOST et les bonus disponibles se comptent sur les doigts d'une main. C'était pourtant parmi les premiers critères de vente des DVD ! Je suis persuadé que les meilleurs making-ofs s'achèteraient pour 3-4 euros, en "bundle" ou même indépendamment du film ! Attendons de voir si Netflix vient catalyser un peu tout ça, comme Free l'a fait dans les télécoms…

    En plus :

    • Le site officiel de l'ARMO
    • les réalisateurs du collectif avec des extraits de leurs travaux

    La bande-annonce de "Lost in La Mancha", MOF de "L'Homme qui tua Don Quichotte" de Terry Gilliam !

     

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