Un film, 12 caricaturistes, 300 dessins : c'est le programme que nous réserve Caricaturistes - Fantassins de la démocratie, documentaire signé Stéphanie Valloatto, et dans lequel on croise aussi bien le célèbre Plantu que certains de ses homologues russes, africains ou américains. En résulte un portrait de groupe que la réalisatrice a évoquée avec nous, à l'occasion de sa présentation hors-compétition au 67ème Festival de Cannes.
AlloCiné : L'idée de "Caricaturistes" vous est-elle venue au moment de l'affaire des caricatures de Mahomet, ou c'était un projet que vous aviez en tête depuis plus longtemps ?
Stéphanie Valloatto : L'idée ne vient pas de moi mais de Radu Mihaileanu [producteur du film, ndlr] qui était ami avec Plantu. Ils se connaissaient depuis son film Train de vie, et lorsque Plantu lui a parlé de l'association Cartooning for Peace, il a flashé sur le sujet. Quelques années ont ensuite passé, et quand il est venu voir mon documentaire sur Philippe Labro, il a beaucoup aimé et m'a proposé la réalisation de ce film. Donc c'est né comme ça et ça n'a rien à voir avec les caricatures de Mahomet.
On ne voulait justement pas refaire un débat là-dessus, car il y avait déjà eu C'est dur d'être aimé par des cons, un très bon documentaire fait par Daniel Leconte. Donc ressasser tout ça n'était pas l'objectif, et c'est pour cette raison que je l'ai placé stratégiquement au milieu du film : on l'évoque car c'est très important, pour l'histoire de caricature, ce qu'il s'est passé, mais le vrai débat n'était pas là. L'idée était de faire un film sur ces dessinateurs, sur leur combat quotidien et d'être au plus près d'eux : un documentaire pour le cinéma.
Et ce côté fantassins, cette façon qu'ils ont de voir le futur de la société avant les autres, comme il est dit dans le film, c'est l'image que vous aviez d'eux avant de faire le film ?
Oui. Pour moi ce sont des avant-gardistes, et le côté fantassins, c'est parce qu'ils sont en première ligne. Je prends souvent cet exemple, mais il y a 60% d'analphabètes en Afrique : vu qu'ils ne savent pas lire, la première chose qu'ils voient sur un journal, c'est le dessin. Celui-ci a donc un impact très fort, et les dessinateurs sont en prise directe avec l'actualité. C'est pour cela qu'il y a des archives dans le film, car je voulais recontextualiser ce sur quoi ils avaient dessiné. Si vous enlevez le contexte du dessin, ça n'a plus d'intérêt, donc les auteurs sont des pionniers.
Une présentation au Festival de Cannes paraît donc idéale pour mettre en lumière le travail de ces caricaturistes et montrer les pressions qu'ils peuvent subir.
Oui, et l'objectif du Festival de Cannes c'est de conquérir les territoires étranger. En France c'est réglé car EuropaCorp nous distribue, Orange, Canal+ et France 3 ont financé le film et il y a une co-production avec la Belgique et l'Italie. C'est un film international dans lequel on parle plein de langues, donc il faut que ce soit montré partout car les atteintes à la liberté d'expression, c'est dans le monde entier.
Et puis il y a le fait d'avoir tous ces dessinateurs à Cannes. Nous on a fait ce voyage en équipe réduite, pour leur rendre visite dans leurs pays, donc on sait ce que c'est. Mais les faire venir tous, c'était comme un rêve qui se réalise grâce à Cannes, donc ça reste de la magie.
La bande-annonce de "Caricaturistes", en salles le 28 mai :