D’où vient-elle ?
Née à Abidjan en 1980, Katell Quillévéré passe son enfance outre méditerranée avant de s’installer en région parisienne avec ses parents d’origine bretonne (d’où son doux prénom). Elle y découvre le cinéma en un déclic, celui de l’appareil photo que lui offre son père et qui lui donne envie de soigner son cadre, de composer ses premiers plans.
Suit sa rencontre avec le cinéma de Maurice Pialat. Une claque. Katell a 17 ans et s’engagera dans un cursus de philosophie ET de cinéma. Après avoir découvert l’aspect économique de sa profession en travaillant à la SRF (Société des réalisateurs de films), elle réalise des courts métrages remarqués.
Son premier, À bras le corps est sélectionné à la Quinzaine Cannoise et aux César 2007.
Katell Q. nous parle de sa rencontre avec le cinéma de Maurice Pialat
Qu'est-ce qui l'a révélée ?
Son premier long, Un poison violent, qui fascine une nouvelle fois la Quinzaine des réalisateurs, et obtient le prix Jean Vigo en 2010. Suivant le "mouvement de libération d’une jeune fille tiraillée entre ce qu’elle est et ce vers quoi elle veut aller", le film est en partie autobiographique dans ce qu’il raconte de la perte de croyance en Dieu :
Créer c’est arracher au réel quelque chose qui va nous survivre. C’est bien plus excitant que les refuges religieux et c’est une façon de dire non à la mort. Dans ce film, j’ai essayé de privilégier l’énergie sexuelle de mes acteurs, chose que la religion catholique cherche plus que tout à enterrer.
Après cette première "rébellion" difficile à financer, la jeune cinéaste connaît un moment de découragement puis de rage de laquelle naît Suzanne, son deuxième film présenté cette fois lors de la Semaine de la critique cannoise, et nommé 5 fois aux César.
Rencontre avec les femmes de "Suzanne", Sara Forestier et Adèle Haenel
Qu'apporte-t-elle au cinéma français?
Une ouverture d’esprit, une liberté et un mélange d’influences qui transparaissent dans son ambitieux dernier mélodrame. Suivant le destin d’une adolescente fille-mère devenue délinquante par amour, Suzanne est aussi brut et ancré dans le réel que les films de Pialat, aussi romanesque et lyrique que ceux de Douglas Sirk.
Je suis le fruit d’une génération qui n’a pas eu à choisir son camp, à se positionner politiquement, artistiquement, familialement. Une génération qui a connu la perte de plein d’idéologie, que ce soit le couple, la fin du socialisme, le sida et qui accepte donc d’être nourrie de choses contradictoires.
C’est avec cette détermination douce qui la caractérise que la jeune blonde à l’allure seventies n’a pas hésité en juillet 2013 à afficher son pessimisme à la faveur d’une pétition contre la nouvelle convention collective. L’occasion de dénoncer (dans Télérama notamment) les conditions de création et la frilosité de distributeurs vieillissants, et de prôner la limitation du nombre de copies pour les films surexposés en même temps que la solidarité à tout prix.
Katell Quillévéré, qui a en outre signé le scénario du dernier film de son compagnon Hélier Cisterne (Vandal), affirme aujourd'hui son désir de continuer à produire des films dans l’unique but de toucher un public et de partager avec lui "le précieux pouvoir du cinéma : mettre à distance la vie pour nous aider à l'affronter." Ce qu'elle fait.
Une cinéaste engagée