Joue-là comme "Argo" pour "12 Years a Slave"
3 Oscars, certes, mais pas n'importe lesquels : après avoir gagné les trophées de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle (Lupita Nyong'o) et du Meilleur Scénario Adapté, 12 Years a Slave s'est adjugé celui du Meilleur Film, également connu sous le nom de "récompense suprême". Comme aux Golden Globes ou aux BAFTA, où le long métrage de Steve McQueen avait peu mais bien gagné, avec respectivement un et deux prix, dont le plus important.
Dans la foulée de son triomphe de samedi 1er mars aux Independant Spirit Awards, où il avait été sacré à cinq reprises, 12 Years a Slave a poursuivi et bouclé sa tournée triomphale sur la scène du Kodak Theater, de la même façon qu'Argo, qui s'était adjugé 3 Oscars dont celui du Meilleur Film l'an passé. Une belle première pour Steve McQueen, dont les précédents longs métrages (Hunger et Shame) n'avaient pas reçu la moindre nomination.
"Gravity" vainqueur aux points
Sur le plan technique, Gravity avait un boulevard devant lui. Et le film ne s'est pas raté à ce niveau, en remportant 5 Oscars : Meilleure Photo, Meilleurs Effets Visuels, Meilleur Montage, Meilleur Montage, Meilleur Montage Sonore et Meilleur Mixage Sonore. Ajoutez à cela le trophée de la Meilleure Musique remis à Steven Price, et l'inévitable victoire d'Alfonso Cuarón dans la catégorie Meilleur Réalisateur, et vous obtenez un pedigree de champion.
Sauf que, comme aux Golden Globes ou aux BAFTA, c'est 12 Years a Slave qui s'est offert un Oscar du Meilleur Film en guise de dernier mot. Alors que le tout premier ex-aequo de l'histoire des Producers Guild of America Awards laissaient penser qu'il pourrait en être de même hier soir, le drame de Steve McQueen a encore une fois pris la mesure de l'odyssée spatiale d'Alfonso Cuaron, qui repart toutefois avec le titre de vainqueur aux points. A défaut d'avoir réussi le KO.
Dallas Winners Club
Chez les hommes, ce sont deux retours gagnants que les Oscars ont récompensé à travers les prix d'interprétation : d'un côté celui de Jared Leto, absent des écrans depuis Mr. Nobody en 2009, pour cause de 30 Seconds to Mars, et qui a bien fait de revenir voir au cinéma s'il n'y était pas ; et de l'autre, celui de Matthew McConaughey dont la carrière, engluée dans des comédies romantiques et/ou d'aventures où son jeu d'acteur se limitait parfois à s'exhiber torse nu, connaît un second souffle des plus spectaculaires depuis 2011 et la sortie de La Défense Lincoln.
Le comédien réalise depuis un sans-faute, de Killer Joe au Loup de Wall Street en passant par Magic Mike, Mud ou Paperboy. Sans oublier, bien sûr, Dallas Buyers Club, dans lequel il combine transformation physique et performance de haut vol, au même titre que son compère Jared Leto. Grandissimes favoris depuis le début de la saison des récompenses, les deux hommes ont logiquement été sacrés Meilleur Acteur et Meilleur Acteur dans un Second Rôle, et concourru à faire du long métrage de Jean-Marc Vallée l'un des grands gagnants de la soirée, puisqu'il a aussi reçu l'Oscar des Meilleurs Maquillages. Pas mal pour un projet que beaucoup considéraient comme maudit à une époque.
Disney brise enfin la glace
Il y a bien sûr eu les nombreux succès de son poulain Pixar, récompensé à sept reprises par l'Oscar du Meilleur Film d'Animation. Mais jamais les studios Disney n'avaient décroché la statuette avec un long métrage sortis de leurs propres locaux. C'est désormais chose faite grâce à La Reine des neiges, qui venait juste de franchir la barre du milliard de dollars de recettes dans le monde, et de s'offrir le titre de plus gros succès animé de la boîte, devant Le Roi Lion.
Egalement récompensé par le trophée de la Meilleure Chanson Originale, La Reine des neiges n'a pas toujours été le grand favori de la catégorie Animation, puisque Le Vent se lève semblait bien parti pour lui damer le pion à l'issue des Golden Globes. Mais la tendance s'est ensuite inversée, et le long métrage de Jennifer Lee et Chris Buck a ainsi vengé Lilo & Stitch, La Planète au trésor, Volt, La Princesse et la grenouille et Les Mondes de Ralph, précédents nommés de Disney repartis bredouille.
Bluff perdant
Au poker comme aux Oscars, le bluff n'est pas synonyme de victoire. Nommé à dix reprises, celui de David O. Russell a même été le grand perdant de la soirée, alors que beaucoup voyaient en lui un potentiel vainqueur et qu'il avait clairement ses chances en matière de costumes et de second rôle féminin, dont Jennifer Lawrence était la favorite. Sauf que non, et le chou blanc réalisé par le long métrage apparaît comme la seule grosse surprise d'un palmarès qui semblait se dessiner depuis quelques semaines, au fur et à mesure que les cérémonies s'enchaînaient.
Dans le genre, Le Loup de Wall Street n'était pas mal non plus, avec zéro récompense pour cinq nominations, et un nouvel échec pour Leonardo DiCaprio, qui a eu la malchance d'être nommé face à Matthew McConaughey pour Dallas Buyers Club. Mais il faisait quand même partie des finalistes, ce qui n'a pas toujours été le cas, donc l'injustice est à moitié réparée.
La France sauve l'honneur
D'Ernest et Célestine (Meilleur Film d'Animation) à Alexandre Desplat (Meilleur Musique pour Philomena), en passant par Julie Delpy (Meilleur Scénario Adapté pour Before Midnight), Bruno Delbonnel (Meilleure Photo pour Inside Llewyn Davis) ou Avant que de tout perdre (Meilleur Court Métrage), les Français avaient quelques chances de briller lors de cette 88ème cérémonie des Oscars.
Il n'en a rien été, ou presque, puisque le salut tricolore est venu du franco-luxembourgeois Mr. Hublot, lauréat du Meilleur Court Métrage d'Animation devant notamment Mickey, à cheval !, empêchant ainsi les studios Disney de réaliser un carton plein. Petit cocorico donc, mais cocorico quand même.
Bonus : le selfie du siècle
De Jared Leto qui remercie sa mère, à la victoire on-ne-peut plus attendue de Cate Blanchett dans la catégorie Meilleure Actrice, les moments marquants n'ont pas manqué. Mais le plus fort reste sans doute le selfie du siècle, réalisé Ellen DeGeneres avec (attention !) Bradley Cooper, Julia Roberts, Kevin Spacey, Meryl Streep, Brad Pitt, Channing Tatum, Angelina Jolie, Lupita Nyong'o mais aussi un bout du visage de Jared Leto, auquel la présentatrice fait sans doute référence dans la légende de son tweet : "Si le bras de Bradley avait pu être plus long."
Maximilien Pierrette
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La bande-annonce de "12 Years a Slave" :