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    "Les Sorcières de Zugarramurdi" : Alex de la Iglesia se déchaîne encore ! [INTERVIEW]

    Avec "Les Sorcières de Zugarramurdi", Alex de la Iglesia revient à la comédie horrifique qui a fait sa réputation. De passage à Paris, il a répondu à nos questions autour de ce film jubilatoire.

    On ne peut pas dire qu'Álex de la Iglesia se soit reposé après le succès critique de Balada Triste, puisqu'il a directement enchaîné sur Un jour de chance et ces Sorcières de Zugarramurdi, comédie horrifique jubilatoire qu'il a évoquée avec nous lors de sa venue à Paris.

    Allociné : Votre filmographie montre que vous aimez varier les genres et les personnages, puisqu'on a croisé beaucoup de monstres différents dans vos longs métrages. Pourquoi les sorcières alors ?

    Álex de la Iglesia : C'est une histoire que mon co-scénariste [Jorge Guerricaechevarria, ndlr] et moi avions en tête depuis que nous avons fait Le Jour de la Bête, depuis près de 20 ans. A l'époque, nous aimions déjà le lieu de Zugarramurdi, où il y avait vraiment eu une assemblée de sorcières. A l'espagnole en tout cas. C'est ici qu'est plus ou moins né le concept de la sorcellerie, et il y a notamment un texte d'un jugement sous l'Inquisition, dans un village proche, qui date de 1610, et dans lequel on peut lire des déclarations de sorcières expliquant comment elles faisaient leur sabbat, comment elles s'enduisaient de liquide de crapaud et mangeaient des champignons. L'idée du balai est aussi né là-bas, en même temps que le mythe de la sorcière, et on découvre aussi dans ce texte que le chapeau conique était en fait typique des femmes de l'époque.

    Vous abordez donc un pan de la culture espagnole, très présente chez certains autres réalisateurs ibériques. Est-ce que ce goût peut expliquer la force du cinéma fantastique dans votre pays ?

    Ce que les gens veulent surtout, c'est s'amuser avec ce genre de thèmes. C'est un peu partout pareil, pas seulement en Espagne, mais c'est vrai que là-bas, le fantastique a notamment été abordée par Goya, dans certains tableaux. Ça fait peut-être partie du magma-même de la culture espagnole. Et commes les gens sont intéressés par le passé un peu sinistre et terrible de cette époque, ce magma a peut-être donné ce caractère espagnol qui m'attire. Mais bon, ça n'est pas quelque chose que l'on peut écrire vraiment.

    Vous parliez de l'idée du film, qui vous est venue au moment du "Jour de la bête", et on retrouve justement l'esprit de vos débuts avec cette comédie horrifique. Avez-vous vécu ce projet comme un retour aux sources ?

    Beaucoup de monde me dit ça, donc je pense que ça doit être vrai. Ceci étant, le film a été fait par un homme qui a maintnant 47 ans, qui a pas mal été maltraité par la vie et qui est plus cynique et méfiant à cause des coups qu'il a reçus. Donc il ne peut pas avoir la même vision que celle de ce jeune réalisateur de l'époque.

    Ces coups que vous dites avoir reçus, est-ce que c'est lié à votre expérience anglo-saxonne avec "Crimes à Oxford" ?

    (rires) Non. Pourquoi ce film ?

    Car vous n'en avez pas refait depuis et qu'il n'avait pas été très bien reçu à l'époque...

    Non, je peux refaire un film en anglais, ça n'est pas un problème pour moi. Et certains de mes films ont été moins bien reçus que Crimes à Oxford (rires) Ça je peux vous l'assurer.

    Lesquels ?

    Un jour de chance par exemple. Mais que je parlais de recevoir des coups, c'était plus sur le plan personnel que cinématographique. Et la majorité de mes films a été bien reçue, donc ça va, surtout qu'aucun des films que j'ai réalisés n'a changé ma manière d'être, donc je peux très bien refaire un film du même style que Crimes à Oxford demain.

    Pour en revenir aux "Sorcières de Zugarramurdi" et au fait de surprendre les gens que vous évoquez souvent, comment écrivez-vous vos films ? Avez-vous une idée préconçue de ce que vous allez faire ? Ou les changements de direction interviennent-ils au cours du processus ?

    La deuxième option. L'idée de base était de vraiment faire une comédie, en ouvrant sur des gens qui braquent une banque et s'enfuient vers la France. Pendant cette fuite, ils parlent des femmes, de leurs problèmes matrimoniaux. Ça, c'était vraiment le point de départ de l'histoire. Et comme ils parlaient mal des femmes, nous avons pensé à une malédiction qui les fait atterrir dans une maison de sorcières. Sauf qu'ils fallait justifier ladite malédiction et faire en sorte que ce qu'ils volent ait un rapport avec ça. Et la banque est donc devenue une boutique où il y a de l'or, ce qui fonctionnait et rentrait mieux dans les cases de ce récit.

    Puis, comme ils vont vers la France, ils passent par la Navarre, le Pays Basque. Donc l'idéal était qu'ils passent par Zugarramurdi, où le mythe de la sorcellerie est né en Europe, surtout qu'il y a une ancienne tradition matriarcale dans la région, donc ça faisait un bon parallèle avec ce groupe de sorcières. Petit-à-petit, chacun des éléments s'imbrique dans le puzzle pour donner naissance au film.

    Vous travaillez souvent avec les mêmes acteurs, dont Carmen Maura. Est-ce qu'ils vous inspirent au moment d'écrire un scénario ?

    Oui, car quand on se dit qu'on a la reine des sorcières qui doit prononcer un discours énorme avec force et caractère, tout de suite on imagine que Carmen Maura est la seule à pouvoir faire ça, et on pense à elle au moment d'écrire le film.

    Votre cinéma est très généreux, avec beaucoup de choses. Vous arrive-t-il d'enlever des éléments d'un film pour les réutiliser dans un autre ?

    Oui, et c'est d'ailleurs l'origine de ce film : j'avais très envie de tourner à Zugarramurdi, et dans Le Jour de la bête, la mère du curé était une sorcière. Mais nous n'avons pas pu filmer là-bas car ça aurait fait trop de choses, et nous avons choisi de le garder pour un autre long métrage. Il y a aussi là une idée issue d'un scénario que j'avais co-écrit : l'histoire débutait par une procession pendant la Semaine Sainte, avec le Jésus portant la croix qui en profitait pour voler dans une banque. Au final c'est dans Les Sorcières de Zugarramurdi que nous l'avons utilisé.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 19 novembre 2013

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