Une petite vingtaine de longs métrages en près de 60 ans de carrière. Alain Resnais n'est pas le plus prolifique de nos cinéastes. Mais comme il semble se renouveler à chacun de ses films, en déployant toujours la même maîtrise, son oeuvre se révèle d'une ampleur et d'une richesse à nulle autre pareille. Voilà pourquoi on lira avec profit le bel ouvrage que vient de lui consacrer le critique Jean-Luc Douin aux Editions de la Martinière.
Le cinéma de Resnais est étudié film par film, avec à chaque fois une analyse de l'auteur, une série de photos (dont les affiches, souvent magnifiques, en pleine page) et surtout des documents de travail passionnants.
A la fois artisan et architecte, le cinéaste s'entoure de collaborateurs qui partagent son goût du détail. Et c'est ainsi que le cinéphile découvrira avec émerveillement des maquettes des bureaux de Stavisky ou du pavillon de Mélo, conçues par le décorateur Jacques Saulnier, les costumes des nombreux personnages de Smoking/No Smoking, dessinés par la costumière Jackie Budin, ou encore, plus étonnant, un graphique représentant la déconstruction du temps dans Je t'aime, je t'aime, établi par la scripte Sylvette Baudrot.
Sabine Azéma et Alain Resnais sur le tournage des "Herbes folles" © StudioCanal
Au fil des pages, des mots-clés proposent des éclairages thématiques plus ou moins inattendus ("animaux", "Bretagne", "dédoublements"), le tout complété par une série d'entretiens, avec Resnais bien sûr, mais aussi avec quelques précieux complices, de l'actrice Sabine Azéma au producteur Bruno Pésery en passant par Agnès Varda, qui demanda au tout jeune Resnais de monter son premier film, La Pointe courte, en 1954.
A l'image d'un cinéaste toujours tourné vers l'avenir, Jean-Luc Douin n'omet pas d'évoquer son prochain film, Aimer, boire, chanter (en salles le 26 mars), une nouvelle adaptation de l'auteur britannique Alan Ayckbourn. C'est dans ce chapitre qu'on peut lire ce témoignage de son co-scénariste Laurent Herbiet, évoquant la façon peu banale dont l'éternel enfant Resnais s'attelle au travail d'adaptation : "Alain amène sa boite à personnages, avec des Playmobil, des petites statuettes de Dark Vador, de Princesse Leia... grandes d'une dizaine de centimètres, il en a vingt ou trente. Il en sort le nombre adéquat, en fonction des personnages du film, et on commence par le casting : par exemple, Leia sera Sabine..."
Alain Resnais de Jean-Luc Douin
Editions de La Martinière, 45 euros