La source, Flore Bonaventura, et son agent, Clotilde Courrau
© Allociné/Raphaëlle Raux-Moreau
Et si, finalement, nous devions tous nous méfier de notre voisin, de notre mari, de notre épouse, de notre patron ou de notre baby-sitter ? Tel est le parti pris de La Source, le thriller psychologique lancé la semaine dernière sur France 2. Un jeu d'espionnage fait de manipulations et de mensonges au travers de personnages aux multiples visages. Ce soir, la chaîne diffuse deux nouveaux épisodes qui promettent encore plus de tensions, de surprises et de révélations. Même les comédiens, à la lecture des scénarios, qu'ils obtenaient d'ailleurs au compte-goutte, se sont déclarés surpris par ce qu'ils découvraient au fur et à mesure des lectures. Et il semblerait que même les téléspectateurs devraient être surpris par ces nouveaux épisodes et encore plus par le final de la semaine prochaine : "Le public est lui-même manipulé et faites attention parce que vous allez penser que... Et, au final, ça ne sera pas forcément ça", nous annonce mystérieusement Clotilde Courau...
Dans La Source, la comédienne incarne Claire Perrini, une agent de la DCRI qui, pour surveiller John Lacanal (un industriel campé par Christophe Lambert), fait pression sur Marie, la jeune baby-sitter de la famille, interprétée par Flore Bonaventura. Il n'a pas fallu beaucoup de temps aux deux actrices pour se décider à accepter le projet : "C'est vraiment le nom de Xavier Durringer, que j'avais rencontré il y a très longtemps, [qui m'a donné envie d'y participer]. En fait, il m'a appelé pour un rôle qu'il avait éventuellement dans la série. Et l'idée que ce soit lui derrière la caméra, de toute façon, même sans lire je voulais faire partie du projet parce que j'avais très envie de travailler avec lui depuis un certain temps", raconte Clotilde Courau.
Pour la jeune Flore Bonaventura, la rencontre avec le réalisateur de La Source a été tout aussi importante : "C'est un auteur de théâtre dont je suis complètement fan. J'ai travaillé certaines de ses pièces à l'école. Quand je l'ai rencontré pour le casting, déjà rien que là, j'étais hyper heureuse de m'imaginer tourner avec lui. En fait il tourne très rapidement. On n'avait pas beaucoup de prises, il m'avait vraiment prévenue au préalable qu'il fallait que je connaisse mon texte par coeur parce qu'on ne perdrait pas de temps avec ça. Donc, au début j'avais un peu la pression. Et en fait, on s'est tout de suite compris tous les deux. Au bout d'un certain nombre de semaines, on n'avait plus trop besoin de parler pour que je comprenne ce qu'il attendait de moi."
Xavier Durringer © Mandarin Cinema - Gaumont 2011
Une rencontre déterminante pour un tournage qui a duré quatre mois. "Avec tout ce qu'on a tourné, tous les plans que Xavier avait en tête... Et pourtant sur le plateau, c'était très détendu et, en même temps, comme on tournait très vite, ça apportait de la tension, qui se ressent à l'image", continue Flore Bonaventura. Une tension, essentielle pour le rythme et la continuité d'une série qui parle de manipulation, de trahison et de complexité humaine : "C'est une matière extraordinaire pour des acteurs ou des actrices, c'est évident. Plus c'est complexe, plus il y a de couches et du coup, en tant qu'interprète, on peut mettre plein de couleurs. C'est sûr que c'est passionnant", précise Clotilde Courau.
Avec son rôle d'agent de liaison, la comédienne a pu en effet jouer sur plusieurs tableaux : la mère de famille qui cache à son époux ses activités et qui, pour son travail, en vient même à changer sa fille d'école pour se rapprocher de Marie, sa source : "Claire est profondément humaine et en même temps c'est un petit soldat au service de l'Etat dans une mission pas banale (...) C'est un milieu exceptionnel. Certaines personnes m'ont dit être parfois très surprises par ce que Claire Perrini était capable de faire pour cette mission. C'est là où ils ne se rendent pas compte qu'on n'est pas dans un sujet anodin. On est dans un sujet absolument actuel, sur la problématique du nucléaire et ces gens qui sont dans ces milieux-là sont capables de beaucoup de choses", explique l'actrice. Pour interpréter le rôle, elle a dû apprendre à manier un langage très technique sans même sourciller. Mais, a-t-elle rencontré des agents pour s'imprégner du rôle ? "Disons que, par ma vie, je rencontre beaucoup de personnes différentes. Donc oui... Mais des espions de la DCRI, non. Je n'en ai pas rencontrés, Edouard Montoute, oui, en a rencontré un", continue l'actrice devenue princesse en 2003 après son mariage avec Emmanuel-Philibert de Savoie.
© Daniel Angeli/France 2
En marge des espions et des civils, La Source présente également quelques figures importantes de grands entrepreneurs plongés dans des affaires de la plus haute importance, celles du traitement des déchets toxiques. Dans le viseur de la DCRI, ces hommes mènent presque une double vie, entre une vie professionnelle très secrète et une vie de famille presque sereine. Un regard sur la famille d'aujourd'hui et sur les implications immédiates qu'ont sur elle une grande responsabilité : "Je crois sincèrement que ces hommes et ces femmes-là, même l'industriel joué par Christophe Lambert, sont des gens qui n'ont pas de temps à perdre. Ils sont sur des gros dossiers, ils ont une pression démentielle sans arrêt. On est dans d'autres sphères, on est ailleurs. J'ai eu la chance dans ma vie d'être et d'assister à des dîners où je me retrouve avec des grands entrepreneurs, des personnes qui sont dans la politique et, là, je suis une petite souris et j'écoute. Et effectivement, lorsqu'on parle de problématiques de construction de routes, de la défense des eaux, de la privatisation de l'eau, sur l'avenir et le futur... On se rend compte que c'est sympa d'être actrice, très sympa (rires)", continue Clotilde Courau.
Si Flore Bonaventura n'incarne pas une espionne à proprement parler, le personnage de Marie n'est clairement pas la lisse et sage jeune fille à laquelle on s'attend au départ. L'actrice, qui est clairement la révélation de La Source, a d'ailleurs pu montrer toute l'étendue de sa palette : "Avec la Source, j'ai vraiment eu la chance d'avoir un rôle dans lequel je peux montrer beaucoup de choses. Vous allez voir qu'à partir du 4ème, 5ème et 6ème épisode, il y a une réelle avancée du personnage (...) Elle est au début très fragile et elle se révèle très forte. C'est un caméléon un peu cette fille." Les apparences trompeuses, les gens sages qui se révèlent eux-aussi en pros de la manipulation, c'est aussi l'un des discours de la série : "Entre le noir et le blanc, il y a le gris et il faut le prendre en considération. Il ne faut jamais se fier aux premières apparences. C'est plutôt une bonne morale d'ailleurs. Rien n'est aussi clair que ce que l'on peut imaginer ou penser ou prévoir", continue sa partenaire à l'écran.
© Daniel Angeli/France 2
Entre leurs deux personnages va se créer un lien très particulier : "Je pense que ce qui n'est pas mal c'est qu'il y a une relation de femme à femme. Une relation forte, dans les différents sentiments, dans la haine comme l'attachement", explique Flore Bonaventura. Ces deux femmes, liées par les circonstances, forment en effet un excellent duo de personnages forts et complexes. Une peinture plutôt rafraîchissante de la femme d'aujourd'hui, prise elle aussi dans des tourbillons et qui ne fait pas forcément passer l'amour avant tout. Mais est-ce que les beaux rôles de femmes à la télévision et au cinéma sont toujours aussi moins nombreux que les beaux rôles masculins ? "Il y a plus de rôles intéressants pour les hommes, j'ai l'impression, que ce soit à la télé et au cinéma", en convient Flore Bonaventura. Un fait qu'admet également Clotilde Courau : "C'est une réalité, ça a toujours été comme ça. L'équité n'est pas tout à fait de mise. Il y a encore du travail pour les futures générations, c'est bien. Mais, c'est génial qu'il y ait des metteurs en scène qui n'aient pas peur de ça, qui offrent ce genre d'opportunités aussi formidables."
Mais justement, qui sont ces réalisateurs français ? "Je dirais que Philippe Claudel est quelqu'un qui écrit très bien pour les femmes par exemple. Il y a longtemps que je t'aime, le film avec Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein offre deux rôles exceptionnels de femmes, deux soeurs. Et puis, qui n'ont pas 25 ans. Il y en a. La majorité ce n'est pas tout à fait comme ça, mais ce n'est pas grave, il faut rester sur ce qu'il y a. Effectivement, tant mieux qu'il y ait des rôles de femmes car les femmes, c'est un riche et extraordinaire sujet, surtout dans la vie actuelle, parce qu'on est capable d'endosser beaucoup de choses à la fois. Et si moi-même j'étais réalisatrice, j'aurai envie de voir plus de femmes, comme Claude Sautet écrivait pour Romy Schneider."
Casse-tête chinois © StudioCanal
Entre la jeune comédienne de 24 ans et la comédienne plus expérimentée découverte dans les années 90, c'est comme l'histoire d'une expérience qui se transmet. L'une attend de voir ce qui passera sur son chemin, l'autre a peut-être moins peur de ce qui arrivera : "Une carrière, ca se fait parfois avec des refus, ça se fait essentiellement avec des refus. Ca se fait sur de la longueur. Quand on commence, comme Flore, tout est possible mais tout est incertain. Quand on a fait un petit bout de chemin, on connait un peu mieux les règles, on sait forcément qu'il y a des moments qui vont être plus difficiles que d'autres. Et on a la capacité de supporter ses attentes, de ne pas les supporter ou, au travers de ses attentes, de développer autre chose en soi."
Prochainement, on pourra retrouver Flore Bonaventura au cinéma dans le prochain Cédric Klapisch, Casse-tête chinois (en salles le 04 décembre) : "C'est encore le rôle d'une babysitter (rires). La babysitter de l'enfant de Cécile de France... J'ai eu six jours de tournage, donc c'est un petit rôle, mais c'était formidable de faire partie de cette aventure. L'Auberge Espagnole et Les Poupées russes, ce sont vraiment deux films qui ont un peu bercé mon adolescence." De son côté, Clotilde Courau changera elle aussi de registre, pour Babysitting (en salles en avril 2014) qu'elle décrit comme un "Bad Trip mais version La Chèvre 2013". Une comédie avec l'équipe de Philippe Lacheau où elle incarnera une "Desperate Housewife, une femme trophée. Mon mari est Gérard Jugnot qui a beaucoup d'argent. On ne sait pas trop quel est son problème, mais elle en a un, ça c'est clair (rires)".
Raphaëlle Raux-Moreau