La fin de ce 20ème Gérardmer approche à grands pas ! Mais le festival a profité de ce samedi pour fêter, officiellement, son anniversaire, avec les projections de Cloud Atlas et Mamá, et nous on a fait parler les membres du jury courts métrages.
Les films du jour
Cloud Atlas d'Andy & Lana Wachowski et Tom Tykwer, avec Tom Hanks, Halle Berry...
Hors-compétition
Le pitch
Adaptation du roman Cloud Atlas de David Mitchell publié en 2004 : Un voyageur réticent qui traverse le Pacifique en 1850 ; un musicien déshérité menant une vie précaire en Belgique durant l'entre-deux-guerres ; une journaliste aux nobles sentiments qui mêne une enquête ; un vaniteux éditeur qui fuit ses créanciers mafieux ; un dîner génétiquement servi dans le couloir de la mort ; et Zachary, un jeune habitant du Pacifique témoignant du crépuscule de la civilisation et de la science...
À retenir
L'échec public de Speed Racer n'a donc pas freiné leur ambition ! Ici secondés par Tom Tykwer, les Wachowski nous offrent en effet un sur-film choral. Soit six longs métrages (et autant d'époques distinctes) en un, ce qui leur permet d'aborder différents genres et d'y adapter leur façon de filmer. Et ils vont même plus loin que Matrix (auquel l'un des segments fait ici écho) sur le plan thématique, pour évoquer la vie, la mort, l'amour, la liberté, les conséquences de nos actes… Philosophie du jour bonjour, donc, et il n'est pas impossible que cela en rebute plus d'un.
Pourtant, si Cloud Atlas n'est pas dénué de défauts (certains maquillages prêtent plus à sourire qu'autre chose) et que les parties sont parfois inégales, l'ensemble n'en reste pas moins stupéfiant. Visuellement déjà, mais aussi techniquement, tant les transitions se font sans à-coups, à travers des gestes, des figures ou des phrases. Du coup les 2h45 passent toutes seules, ce qui n'était pas gagné d'avance, et le résultat est tellement dense qu'une seconde vision ne serait ni superflue, ni désagréable. De quoi remettre en question le terme "inadaptable", fréquemment employé pour qualifier le roman de base de David Mitchell, avec lequel les réalisateurs ont quand même pris quelques libertés.
La bande-annonce
Mamá d'Andres Muschietti avec Jessica Chastain, Nikolaj Coster-Waldau...
Compétition
Le pitch
Deux petites filles ont disparu dans les bois le jour où leur parents ont été tués. Des années plus tard, celles-ci sont retrouvées et adoptées. Mais une certaine Mama continue de leur rendre visite...
À retenir
La petite entreprise de Guillermo del Toro ne connaît donc pas la crise, surtout côté production. Passé maître du gene depuis de nombreuses années, le Mexicain lance en effet régulièrement de jeunes réalisateurs, et le dernier en date s'appelle Andres Muschietti. Adaptant son propre court métrage (qui a terrorisé del Toro lui-même), le metteur en scène signe un film élégant, flippant et parfois touchant, où sa maîtrise de l'espace et des longs plans saute aux yeux comme une évidence. Là où ça coince un peu, c'est qu'on commence à connaître le système del Toro, qui mélange épouvante et histoire de famille, bien souvent dans une nouvelle maison. Mais la performance de Jessica Chastain (pourtant coiffée comme un Playmobil) tire elle aussi Mamà au-dessus de la moyenne du genre, au même titre que le final étonnant, où le parallèle que l'on peut faire entre les deux soeurs au cœur de l'histoire et le fait que Muschietti l'ait écrite avec la sienne.
La bande-annonce
Face à Mamà, l'autre candidat de la compétition s'appelait Berberian Sound Studio, centré sur l'une des boîtes de postproduction les plus célèbres (et miteuses) d'Italie dans les années 70. Ou quand le cinéma de genre se rend lui-même hommage…
C'est dit
"Joyeux 20ème anniversaire au Festival de Gérardmer !" (Andy & Lana Wachowski et Tom Tykwer, dans un message vidéo diffusé en préambule de Cloud Atlas)
Et place maintenant à un autre trio, composé de membres du jury courts métrages, dont la compétition avait lieu ce samedi.
"En tant qu'acteur on est toujours soumis au regard des gens donc c'est agréable d'être là, de pouvoir voir des films, de voir un peu ce qu'il se passe de l'autre côté. C'est autre chose, un autre point de vue." (Jemima West)
"Gérardmer c'est un festival important parce que le film de genre en France n'est pas très développé et que c'est extrêmement compliqué d'en faire, puisque c'est un cinéma qui est peu boudé par les producteurs et les distributeurs. Qui fait peur en tout cas. Dans les deux sens d'ailleurs." (Fanny Valette)
"C'est rare de faire un festival de connaisseurs qui soit reconnu comme ça, qui peut révéler des jeunes talents et fait attention aux courts métrages. C'est super." (Jemima West)
"Ce qui me plaît [dans le fait d'être président du jury courts métrages, ndlr], c'est que c'est le cinéma de demain, donc c'est intéressant de voir des nouvelles plumes, des nouveaux langages qui se découvrent." (Vincent Perez, photo ci-dessus)
"Avec le court métrage t'es au tout début de ce qui va être le premier projet d'un mec qui a du talent." (Fanny Valette)
"Si vous faites un court métrage qui marque dans ce genre-là, ensuite vous avez plus de chance d'attraper des financements et de producteurs de l'étranger, car c'est un genre qui n'est pas très financé en France et qui n'a pas vraiment un public comme aux États-Unis, où il y a un véritable culte. Au moment de The Crow, j'avais participé à une convention à San Diego. C'était une convention de bande-dessinée, mais je me suis rendu compte à quel point le cinéma issu de ce monde fantastique a des "followers" en masse dans les pays anglo-saxons." (Vincent Perez)
Ouah, genre !
"Moi je suis fan du genre depuis que je suis gamine. Après tout ne me plaît pas, comme n'importe quel genre ou registre, mais j'aime les sensations que ça me procure ou la psychologie de certains films. Mais dès que c'est gratuit, complaisant ou que ça essaie de provoquer des choses chez moi sans être sincère, évidemment ça ne me plaît pas." (Fanny Valette, photo ci-dessus)
"Les films de genre, ça me plaît et ça me déplaît en même temps, parce qu'on se met dans des états et qu'on se demande pourquoi on est là en face de ça. Et pourtant quand on y est on a pas envie de sortir. On reste jusqu'au bout et ça procure des sensations." (Jemima West)
"J'adore le conte, j'ai l'impression de retomber en enfance. Je pense que ça vient vraiment de là, c'est-à-dire que pour moi, "La Psychanalyse des contes de fées" est un livre essentiel. J'aime aussi beaucoup "Les Chevaliers de la Table Ronde", dont beaucoup de choses sont issues, à commencer par l'existence du Mal. J'aime aussi la dimension symbolique du cinéma fantastique, et l'idée que le cinéma puisse aller chercher dans l'inconscient de la nature humaine." (Vincent Perez)
"Quand je raconte ou qu'on me raconte une histoire effrayante, je peux en avoir les larmes aux yeux de peur. Du coup je me dis que c'est horrible d'être dans cet état-là, mais en même temps c'est tellement puissant l'effet que ça peut avoir sur les gens." (Jemima West, photo ci-dessus)
"Moi j'ai l'impression que le public de ce genre de films, ce sont vraiment des aficionados, qui suivent et qui achètent les revues, et sont vraiment sur le coup. Donc il y a vraiment un public, et je ne suis pas le seul à le penser, mais peut-être qu'on a pas la grammaire de ce cinéma-là en France. Ou peut-être que les producteurs ne l'ont pas. Du coup c'est un cinéma qui est un peu dénigré par l'intelligentsia, sauf si c'est Guillermo del Toro avec Le Labyrinthe de Pan, Shining, Les Autres…, des chefs-d'œuvre quoi." (Vincent Perez)
"Aux Etats-Unis j'ai joué des vampires [dans La Reine des damnés, ndlr], Frankenstein, The Crow. Tout ça ce sont des figures symboliques de la mythologie américaine que j'ai eu la chance de pouvoir incarner, surtout que c'est ce qui m'a fait connaître aux États-Unis. D'ailleurs là-bas je suis étiqueté comme acteur de ce genre de films, alors qu'en France on imagine même pas que je puisse avoir ce genre d'image ailleurs." (Vincent Perez)
Une petite anecdote pour la route ?
"J'avais lu le scénario d'Hansel & Gretel, et j'avais trouvé ça super fun. J'avais même passé le casting, mais évidemment ils ont pris Gemma Arterton qui est fantastique.Mais ça m'avait l'air bien fun. Et puis eux c'est des supers acteurs." (Jemima West)
Gérardmer et moi
Pour certains, cette 20ème édition marque leur première venue au Festival de Gérardmer. Pour d'autres non, comme Vincent Perez, déjà venu présenter Le Pharmacien de garde.
Vincent Pérez
"J'aime le fait de pouvoir revendiquer ce genre, les invités prestigieux, le fait de pouvoir parler de cinéma et d'échanger sur ce médium à multi-facettes. En plus ce festival est tenu par Lionel Chouchan et Bruno Barde, qui sont de grands ingénieurs du cinéma et connaissent bien ce mode d'expression. C'est leur passion, et à partir du moment où quelque chose est initié par des gens passionnés, cette passion se transmet et elle aimante celle des gens."
C'est quoi tes films préférés de Gérardmer
Suite de notre questionnaire pour les 20 ans du Festival de Gérardmer, autour des films primés que les personnalités ont préféré. Et on continue donc avec les membres du jury courts métrages, qui s'y collent.
Vincent Pérez
"Ah, Morse, sublime. C'est un film qui coûte pas cher, c'est un film d'une idée. En plus c'est un film de genre, mais de tous les genres en fait, très ouvert. Sinon Créatures célestes déjà, c'est sûr. Et puis L'Echine du diable, La Secte sans nom."
Fanny Valette
"Je savais qu'on allait me le faire (rires) Bienvenue à Gattaca ! Mon dieu quoi ! C'est un de mes films préférés. C'est un chef-d'œuvre et j'étais même tombée amoureuse d'Ethan Hawke. J'ai été un peu déçu par Time Out [dernier film du réalisateur, Andrew Niccol, ndlr], surtout que j'avais développé une idée qui ressemblait énormément à ça. Donc j'ai été très malheureuse quand j'ai vu le film, parce que je m'étais dit quitte à ce que quelqu'un ait eu l'idée avant que j'arrive à convaincre quelqu'un de la développer, autant que ce soit bien quoi. Eh bien non ! Mais Bienvenue à Gattaca c'est un chef-d'oeuvre absolu, d'une intelligence rare. Insomnies, L'Orphelinat et Morse aussi c'est génial. Black Sheep aussi, j'adore ce genre de film."
Jemima West
"Scream forcément. J'avais dix ans et je ne sais plus où je l'ai vu, mais je me souviens d'en avoir vu plusieurs au cours de séances de cinéma pop-corn effrayantes. D'ailleurs c'est dans celui-là que le pop-corn explose dans une scène. Je me souviens trop de ça. J'aime bien Saw aussi. Bon en gros tu vas te rendre compte que j'ai vu les trucs commerciaux, mais je ne suis pas vraiment une spécialiste. Mais on peut se retrouver l'année prochaine et j'aurais tout vu (rires)"
Et rendez-vous demain pour le palmarès et le compte-rendu de la dernière journée !
Maximilien Pierrette