AlloCiné : Michel Leclerc, vous avez travaillé pour la chaine « Télébocal », qui est un peu l'équivalent de la chaîne Télégaucho, qu'on voit dans le film. Cette expérience a-t-elle nourri le réalisateur que vous êtes devenu ?
Michel Leclerc : Ce que je trouvais vraiment bien, c’est qu’on faisait des programmes en public. C’était avant Internet ! On diffusait donc la télé devant une centaine de personnes. Il y avait un côté théâtre, représentation, ce qui n'existe pas d'ordinaire à la télé car on ne voit jamais les gens qui regardent... Ca a été formateur pour moi sur le plan de la comédie, car si les gens s’emmerdaient, tu le sentais, tu te faisais siffler ! Aujoud'hui, l’outil Internet offre plein de possibilités, et c’est bien sûr la suite logique des télés comme Télé Bocal, même si on peut regretter le côté individualiste du web.
Depuis votre premier film, le bien nommé "J'invente rien", vous affichez un goût pour les inventions, les objets plus ou moins loufoques... Sur un plateau, demandez-vous aussi aux acteurs d'être inventifs, de proposer des choses ?
C'est vrai que j’adore les objets, moi qui suis plutôt maladroit dans la vie. Dans le rapport d’un personnage aux objets, on peut dire beaucoup de choses. Tous les comiques, de Charlot à Tati, travaillent l’adresse, la maladresse… Pour ce qui est du travail avec les acteurs, j’aime bien qu’il y ait un pourcentage de « non préparé ». Je suis attaché aux dialogues et à la précision qu’exige la comédie, mais j’aime aussi qu’il y ait des moments où on ne sait plus trop où on en est. Et j’aime organiser ces moments-là ! Surtout quand il y a plein de monde à l’image, comme c'est le cas dans Télé Gaucho ! J’aime bien mettre tout ce monde dans une certaine situation, et puis à partir de là ils font ce qu’ils veulent. Et on voit ce qui se passe…
Sara Forestier : Ca me fait penser à la scène où on essaie de pirater l’interview de Chirac. Mon personnage, Clara, porte une cagoule, mais elle l’a mise à envers, donc les trous pour les yeux sont à la place de la bouche et inversement ! Elle galère pour la mettre comme il faut… J’ai fait ça parce que je connaissais vraiment bien mon personnage, je pouvais inventer car je savais comment elle réagirait. Ca, c’est agréable.
"Télégaucho" se déroule dans les années 90. Avec-vous eu le sentiment de touner un film d’époque ?
S.F. : Oui, d’une certaine manière. Dans les films de Michel, il y a toujours une empreinte de l’époque à laquelle se situe l’histoire. Car les personnages sont vraiment inscrits dans la société. Dans Télé Gaucho, les personnages sont liés à des problématiques des années 90, comme par exemple le pouvoir de la télé. Bahia, dans Le Nom des gens, renvoie, elle, à plein de questions politiques qui se posent aujourd’hui. En même temps, il y a aussi toujours un côté décalé, intemporel dans ses films, surtout chez les personnages féminins. Bahia a par exemple quelque chose qui rappelle Mai 68. Clara, de "Télégaucho", est presque un personnage de la Nouvelle Vague, elle semble sortie d’un film des années 50-60.
M.L. : Mais ce ne sont pas des films nostalgiques. Je ne suis pas nostalgique des années 90. Je me suis attaché à décrire la réalité d’une époque…
S.F.: Y compris à travers les objets. Là, par exemple, tu parles du be-bop, des baignoires-sabots…
M.L. : D’ailleurs, savez-vous que les bidets ont disparu ? Il n’y a plus de place dans les salles de bain, alors en 10 ans, on les a enlevés, alors qu'avant tout le monde s’en servait !
Recueilli par Julien Dokhan
VIDEO : la bande-annonce de "Télé gaucho"
Télé Gaucho