Il est aujourd'hui l'un des auteurs dont le travail est le plus scruté au monde. Mais si D.B. Weiss, co-scénariste de Game of Thrones est actuellement absorbé par le tournage de la troisième saison du show, son premier fait d'armes vient tout juste de sortir en France. Car avant de donner chair et sang aux personnages de la saga de George R.R. Martin, D.B. Weiss a écrit un roman, le seul à ce jour. Un ouvrage intitulé Video Games et qui vient de paraître aux Editions Sonatine.
Sorti en 2003 aux Etats-Unis, Video Games (en anglais, Lucky Wander Boy) raconte l'histoire d'Adam Pennyman, un américain aux ambitions modestes qui passe d'un boulot à un autre. Après un séjour à Varsovie, il redécouvre sa passion d'enfance : les jeux vidéo. Il se met alors en tête d'écrire un ouvrage sur le sujet intitulé le Catalogue des jeux Obsolètes. Par l'intermédiaire d'un vieil ami, Adam se fait par la suite engager comme rédacteur internet dans une boîte spécialisée dans le divertissement et entend un nom qu'il avait depuis longtemps relégué aux oubliettes : Lucky Wander Boy. Un jeu étrange et fascinant dont la durée de vie fut extrêmement courte, qui a complètement disparu de la circulation et qu'Adam n'a jamais pu finir.
Entre passion, obsession perdition et sensation, Video Games est en réalité une véritable méditation. La méditation d'Adam sur les jeux vidéo mais surtout sa méditation sur le sens de la vie, Adam l'appréhendant d'une manière toute particulière. Le livre alterne ainsi entre l'histoire d'Adam, son quotidien, ses stratégies pour tirer au flanc, ses histoires d'amour, et des passages de son Catalogue des Jeux Obsolètes. De Pac Man à Frogger en passant par Donkey Kong, on découvre les entrées de son livre et surtout l'ambition d'Adam qui est non pas de lister des vieux jeux mais de les décortiquer afin d'en trouver le sens profond, voire un aspect politique ou métaphysique.
"Si les films d'horreur peuvent être considérés comme les cauchemars de notre culture, il est logique de considérer les jeux vidéo comme nos rêves lucides, ceux dans lesquels le luxe nous est donné de prendre les armes contre l'océan transfiguré et pixélisé de nos problèmes et d'affronter les créatures qui nous attendent dans ses profondeurs." [Entrée sur le jeu Tempest]
Adam compare, analyse et finit par mélanger et surtout inventer. Il insère dans son guide des jeux de son invention liée à sa propre expérience du travail et de la vie. Des passages qui donnent au livre une sorte de dimension métaphysique mais aussi satyrique. Par le biais de son travail, Adam offre une critique sociale mordante et décalée mais aussi une critique créative, sur l'action - bien réelle - de créer du vide. Au coeur de tout cela, c'est évidemment Lucky Wander Boy qui créé l'urgence. Une fois qu'Adam a mis le doigt dans son engrenage, il est emporté très loin et ne cherche même plus à revenir. A mesure qu'il dévoile la première fois qu'il a joué, la fréquence à laquelle il jouait, la première fois qu'il a dépassé le premier niveau, lorsqu'il décrit sa longue expérience du deuxième niveau et qu'il révèle pourquoi il n'a jamais pu atteindre le troisième, D.B. Weiss parvient à entraîner le lecteur vers la suite logique : la naissance des véritables questions. Celles-ci jaillissent même lorsqu'on n'est pas fans de jeux vidéo. Que se passe-t-il dans le troisième niveau ? Que voit-on ? Quelqu'un y est-il déjà parvenu ? Qui est la mystérieuse créatrice de Lucky Wander Boy ?
Mystérieuse entité qui détient des secrets engloutis, Lucky Wander Boy fait vivre à Adam des expériences sensorielles inédites :"Après l'épisode de Microsurgeon, c'était la deuxième fois que je vivais une expérience mystérieuse grâce à un jeu vidéo. La machine m'avait appelé, et j'ai répondu à son appel." Video Games est l'incarnation de cet appel, un livre qui déroule une spirale des plus étrange, où réalité et imagination se croisent puis fusionnent, qui interroge, qui peut perdre mais qui ne peut pas laisser indifférent.
Raphaëlle Raux-Moreau
Video Games - Sonatine Editions - 21 euros
