Dipper Pines, un des deux héros de "Gravity Falls" !
©Walt Disney Animation Studios
AlloCine : J'ai lu que l'aventure de "Gravity Falls" a débuté avec l'appel d'un responsable de chez Disney, qui avait vu votre film de fin d'études et en avait été très impressionné. Est-ce vrai ? De quel film s'agit ? Où peut-on le voir ?
Alex Hirsch : Oui, oui, c'est vrai. Après mon diplôme, j'ai passé environ un an à réaliser des storyboards pour une série animée intitulée The Marvelous Misadventures of Flapjack, qui était diffusée sur la chaîne Cartoon Network. C'est durant cette période que j'ai reçu un mail d'un responsable de l'animation de chez Disney, Mike Moon, qui avait vu mon film d'études à CalArts [ndlr: California Institute of the Arts, célèbre école d'animation américaine], et qui est d'ailleurs toujours disponible en ligne ("Off the Wall"). Il m'a demandé de venir le voir au studio avec des idées, une d'entre elles était Gravity Falls. Je suis sorti de Cal Arts en 2007, et cette première rencontre a dû avoir lieu en 2008 ou en 2009. Donc rétrospectivement je réalise à quel point tout s'est fait très rapidement, ce qui est relativement inhabituel. J'ai eu beaucoup de chance d'avoir ce soutien aussi tôt venant d'un responsable du studio.
"Off the Wall", le fameux film de fin d'études d'Alex Hirsch qui a tout démarré :
©CalArts/TheAlexmeister
Si "Gravity Falls" était une "des" idées pitchées à Disney... cela signifie que vous avez d'autres idées sous le coude !
C'est vrai ! Quand j'ai rencontré Mike, en fait j'avais 3 projets en tête. Un concernait une série animée sur le voyage dans le temps, un autre était plus tourné vers l'action et le 3ème était Gravity Falls. La raison pour laquelle ils ont préféré cette dernière idée tient sans doute au fait que même s'il s'agit d'un show un peu fou avec du fantastique, son coeur est assez simple : c'est une série à propos d'une famille, d'un frère et d'une soeur. J'ai aimé leur vision et leur positionnement par rapport à cela.
"Gravity Falls" est d'ailleurs inspirée de votre relation avec votre soeur jumelle, Ariel, qui portait elle aussi des pulls très bariolés étant plus jeune...
Lorsque nous étions plus jeunes, Ariel était clairement la plus marrante de nous deux, alors que j'avais sûrement tendance à me prendre un peu plus au sérieux. A cette époque, elle m'énervait, et je devais avoir le même effet sur elle ! Je me suis simplement dit que cela pouvait parler aux téléspectateurs. D'ailleurs je conseillerais à tous les scénaristes de regarder dans leur histoire personnelle pour y dénicher des idées ou de l'inspiration. Nous avons tous des membres de notre famille ou des amis qui peuvent servir de points de départ à des personnages. Parfois les meilleures histoires proviennent simplement de la "vraie" vie. Dans mon cas, à chaque fois que je me retrouvais dans une impasse dans l'écriture de Gravity Falls, je me demandais toujours "Que ferait ma soeur dans cette situation ?"
Les jumeaux Dipper et Mabel sont les doubles animés
d'Alex Hirsch - le créateur du show - et de sa soeur jumelle Ariel !
©Walt Disney Animation Studios
Parlons un peu de vos références maintenant. Je sais que vous êtes un grand fan des "Simpson" et de "Twin Peaks". Et on retrouve effectivement l'influence de cette dernière dans votre série...
Je suis né en 1985 donc mon enfance se situe entre la fin des années 80 et le tout début des années 90. Il y avait pleins de bonnes séries et de bons films à cette époque. Les Simpson est mon show préféré mais j'ai toujours également aimé X-Files, et Twin Peaks fait partie de mon univers. Comme tout gosse de ma génération, j'ai également baigné dans les jeux vidéo, je suis membre du clan Nintendo. (Rires) D'ailleurs on peut voir une certaine parenté dans le design de Super Mario et celui de Dipper et Mabel, avec leurs grosses têtes, leur nez arrondi... J'étais et je suis encore également un grand fan de Steven Spielberg. J'ai toujours été admiratif de sa façon de mettre des gens ordinaires dans des situations extraordinaires, comme par exemple dans Jurassic Park. Ce type d'histoire est ce qui m'a toujours le plus excité, et ce que j'ai voulu raconter à mon tour.
En parlant d'histoires justement, certaines intrigues de "Gravity Falls" sont plutôt ambitieuses. Il y a un voyage dans le temps, une histoire de clonage... Êtes-vous parfois surpris qu'on vous laisse divaguer aussi loin ?
(Rires) Ecrire un épisode de Gravity Falls demande beaucoup de travail, d'organisation et de réécriture afin d'arriver à cet équilibre de comédie, de fantastique, d'aventure et d'action. Nous n'y arrivons pas toujours, certains épisodes sont plus réussis que d'autres. Pour moi, un épisode "parfait" de Gravity Falls débute avec un petit conflit arrivant à un des personnages, conflit qui engendre une aventure un peu plus ample, pleine de mystères et d'aventure. Mais entre vouloir et réussir cette entreprise, il y a un monde. Par exemple le drame et l'action peuvent entrer en conflit et se déséquilibrer l'un l'autre. C'est un challenge plus ardu qu'il n'y parait d'écrire un scénario de la série. Mais notre formule semble parler aux téléspectateurs et j'en suis heureux.
"Gravity Falls" peut se monter complètement barrée. Je ris encore en repensant à la "Lamby Lamby Dance" de Dipper, aux pulls de Mabel, à Punchy le personnage issu des jeux vidéo ou à Waddles, le cochon apprivoisé de Mabel...
(Rires) Ce qui est amusant, c'est que les références que vous donnez sont tirées de vraies anecdotes ! La réalité dépasse la fiction. Ma soeur Ariel, par exemple, était obsédée par un pull en particulier, qui était particulièrement hideux ! Et la "Lamby Lamby Dance" (A voir ici !) est inspirée d'une histoire racontée par notre directeur artistique, Michael Rianda. Ses frères et soeurs, plus âgés, le déguisaient et l'obligeaient à danser et chanter pour eux ! (Rires) Très souvent les éléments les plus fous de la série viennent de la vraie vie, je le répète ! (Rires) Une des plus grandes armes du divertissement est l'élément de surprise, c'est pourquoi nous essayons une ou deux fois par épisode d'introduire un composant bizarre. C'est aussi de cette manière que l'on peut surprendre le téléspectateurs et conserver son intérêt.
L'intervention de "Punchy", le guerrier de pixels, dans l'épisode 10, diffusé ce mercredi 31 octobre à 17h sur Disney Channel :
Souvenirs de Gravity Falls
Mabel est désarmante de gentillesse, toujours enthousiaste et positive... sans pour autant devenir cruche ou idiote. La frontière était pourtant mince.
C'est entièrement vrai. Pour moi, Mabel est la star de Gravity Falls. Dipper serait sûrement en désaccord sur ce point ! (Rires) C'est un personnage fantastique et nous avons de la chance d'avoir une comédienne comme Kristen Schaal pour lui prêter sa voix. L'équipe de designers a également fait un boulot incroyable avec le personnage. Mais vous avez percé le secret de Mabel, elle n'est pas idiote, elle est drôle et profite pleinement de chaque seconde, et la raison pour laquelle elle agit ainsi est simple : c'est son choix. Parfois certains personnages sont stupides pour la seule raison qu'ils sont stupides. C'est à la fois leur nature et leur rôle. Mabel adore sincèrement ses pulls, danser, sauter partout, explorer. Même si elle est le moteur comique de la série, elle ne se résume pas à cela. Dans Gravity Falls, on essaie de ne jamais avoir une action non motivée, gratuite. Si Mabel agit d'une certaine manière, c'est parce qu'elle le choisit. Et si elle rit de quelque chose, alors que personne d'autre ne rit, c'est une force, un choix, une façon d'envisager la vie.
Kristen Schaal et Jason Ritter prêtent leurs voix à Mabel et Dipper dans la version originale
©Home Box Office (HBO)/Universal Media Studios
Kristen Schaal est malheureusement un peu plus connue aux Etats-Unis qu'en France, et c'est bien dommage. Elle est géniale ! Pourquoi l'avoir choisi elle spécifiquement ? Même si Mabel est inspirée de votre soeur, aviez-vous déjà en tête la voix de Schaal en développant la série ?
Lorsque j'écrivais le show, j'étais particulièrement inquiet, concerné par le choix de l'actrice qui allait lui prêter sa voix. Quand j'ai entendu Kristen Schaal, j'ai tout de suite su qu'elle serait parfaite pour ce personnage. Elle était notre premier choix, nous sommes allés la voir directement et nous avons eu de la chance qu'elle accepte. Je n'aurais sincèrement pas pu faire la même série sans elle. Mabel est le coeur de la série, et sans cette Mabel, point de Gravity Falls. Il y a peu d'actrices comme Kristen Schaal. Elle peut donner à sa voix une teinte mignonne, douce et en même temps complètement barrée, étrange. Nous avons de la chance de l'avoir parmi nous.
Et Dipper, votre alter ego, est joué par Jason Ritter. Il a été choisi sur audition. Qu'est-ce qui vous a décidé à le choisir "lui" ? Est-ce l'alchimie potentielle qu'il pouvait justement avoir avec Kristen Schaal ?
Son audition est de très loin la meilleure de tous les comédiens que nous avons rencontrés. Un des principaux éléments qu'il a pu apporter au personnage, et que j'apprécie vraiment, est le fait qu'il a compris instantanément que Dipper se prenait trop au sérieux. Même s'il n'est encore qu'un jeune garçon, il veut plus que tout être considéré comme un adulte et il pense aussi qu'il est plus intelligent que n'importe qui... et Jason a saisi tout cela dès le début. Et il a su lui donner la voix appropriée, teintée de frustration et de paranoïa, celles d'un jeune garçon qui a désespérément envie de grandir. Sur un plan un peu plus technique, il a une voix douce et des intonations qu'il est capable de rendre légèrement plus enfantines. Il peut faire dérailler un peu sa voix, comme celle d'un jeune garçon sur le point de muer en quelque sorte. Pour nous, cette capacié était idéale pour le personnage.
Propos recueillis par Thomas Destouches le 12 octobre 2012