"Lorsque l'on a commencé à travailler sur l'adaptation, avec mon co-scénariste, Grégoire Vigneron, la première réflexion que l'on s'est faite était qu'au fur et à mesure des épisodes précédents, Astérix et Obélix étaient devenus quasiment des seconds rôles. On a décidé de remettre le tandem au centre du film, de leur donner un vrai parcours, et d'explorer la nature de leur relation. On voulait un Astérix et un Obélix plus "humains", moins cartoon. Pour moi, cela passait forcément aussi par le casting. Bien sûr, remplacer Gérard était inimaginable. Il est Obélix. Mais je voulais un Astérix plus complexe, plus cérébral et plus moderne que les précédents. D'où le choix d'Edouard."
"J'ai pensé à Fabrice pour le rôle de César avant même de commencer à écrire le scénario. Pour moi, c'était un peu une façon de dire 'Voilà où je place la barre en terme de qualité, pour ce film'. Ce qui me plaisait avec lui, et qui nous a aidés à écrire ses scènes, c'est qu'il a à la fois l'intelligence et l'autorité naturelle pour incarner quelqu'un comme César, mais qu'il est aussi capable de partir dans une espèce de folie ou de caprices infantiles comme en sont capables, du moins on l'imagine, certains tyrans. Il y a un peu de Néron dans ce César. Un peu aussi du Hitler de Chaplin. Là encore, ça le rend plus complexe (on le retrouve même chez le psy !), plus humain, et, même, plus attachant, je crois."
"En relisant les albums et en revoyant les films précédents, nous nous sommes rendus compte qu'à aucun moment Astérix et César n'étaient véritablement mis en présence l'un de l'autre. Or, c'est presque une règle de base, dans la dramaturgie scénaristique : le héros doit, à un moment, être physiquement confronté à son principal ennemi. Mais sous quel angle aborder la scène ? Ayant appris dans sa biographie que René Goscinny avait lu La guerre des Gaules avant de se lancer dans Astérix, mon co-scénariste et moi, en élèves appliqués que nous sommes, avons suivi la même démarche. Nous en avons retiré un véritable respect pour Jules César, non seulement pour ses qualités de chef de guerre, mais aussi pour la façon dont il avait réussi, à travers ces écrits, à façonner sa propre légende. Et nous nous sommes dit : 'C'est de ça que doit parler la scène : l'affrontement entre le héros réel et le héros fictif'. Une partie d'échecs dans laquelle, tour à tour, chacun est déstabilisé dans ses certitudes par les arguments de l'autre. Au début, les acteurs avaient du mal à jouer la scène, c'était un peu trop formel. Alors je leur ai dit 'Oubliez vos personnages, oubliez les costumes que vous portez, et jouez-la juste comme deux acteurs qui se chamaillent pour savoir lequel des deux est la véritable star du film.' Et ça a parfaitement fonctionné."
"Emprunté à l'album Astérix et les Normands, Goudurix était un personnage important pour nous, parce qu'il est celui qui vient créer le conflit. D'abord entre Astérix et Obélix qu'il déstabilise profondément en les attaquant sur leur rapport aux femmes, puis entre Jolitorax et Ophélia dont il va venir bousculer le couple un peu trop sage. Dans l'album d'origine, Goudurix est un post-ado des années 60, une sorte de minet rive gauche qui aime le yé-yé. Forcément, il a fallu l'adapter au goût du jour. Et après avoir vu Les Beaux gosses, je savais que je ne trouverais pas de meilleur représentant de sa génération que Vincent Lacoste."
"Honnêtement, je n'aurais jamais pensé que Catherine Deneuve accepterait de tourner dans un Astérix. En même temps, je ne voyais pas d'autre actrice en France qui ait suffisement d'aura pour un rôle pareil. Alors j'ai fini par lui envoyer le scénario, et à ma grande surprise, elle a dit que l'idée l'amusait beaucoup. J'étais quand même un peu intimidé. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'elle avait travaillé avec des maîtres comme Bunuel ou Truffaut, et que maintenant, c'était à moi de la diriger. Mais en fait, du début à la fin, tout s'est fait dans la simplicité et la facilité. Comme quoi il faut se méfier des a-priori".
"Guillaume est certainement le plus British des acteurs français. Il a ce mélange de flegme, de préciosité, d'ironie, et ce petit grain de folie intérieur qui caractérise nos amis d'outre-Manche. C'était donc un choix idéal pour Jolitorax, qui est censé représenter l'archétype du Breton raffiné face à nos deux énergumènes gaulois. De plus, il manie l'accent avec une aisance inroyable, et puis il y a cette rigueur, qui lui vient du théâtre, et qui fait qu'à aucun moment, pendant ces vingt semaines de tournage, il n'a lâché ne serait-ce qu'une seconde la rigidité formelle qu'imposait son personnage. Le plus compliqué à été de lui trouver le bon look. Je trouvais que dans l'album, il ne se différenciait pas assez des gaulois. Il fallait quelque chose qui dise immédiatement 'Il vient de Grande-Bretagne'. On a eu l'idée du kilt, et après, tout le reste est venu. En fait, quand on y pense bien, c'est un peu le même look que Tintin dans L'île noire."
"Nous aimions l'idée qu'Obélix tombe amoureux d'une femme qui soit son exact opposé. Dans le scenario, elle est décrite comme 'une femme d'une raideur perpendiculaire', qui est un terme que j'ai trouvé dans une biographie de Jane Austen. Miss Macintosh est aussi sèche qu'Obélix est rond, et aussi sophistiquée qu'il est rustique. La rencontre des deux ne pouvait que faire de étincelles. Valérie a apporté énormément au rôle. C'est elle, par exemple, qui a eu l'idée de cette coiffure improbable. Et puis elle a inventé non seulement un accent, mais un langage qui n'appartient qu'à elle, notamment en répétant plusieurs fois les même mots ('Ils doivent tout de suite immédiatement se lever') pour accentuer le côté psycho-rigide du personnage. Je crois qu'elle s'est beaucoup amusée à l'incarner."
"Parmi toutes les références dont nous nous sommes nourris pour ce film, il y avait forcément A nous les petites anglaises, et ce cliché du jeune Frenchie qui, par son charme et surtout son audace, va délurer la jeune Anglaise apparemment bien sage, mais qui rêve secrètement d'aventure et de passion. Comme je fais partie de ces bobos qui n'ont pas la télé, je ne connaissais pas Charlotte. Et puis un jour, ma directrice de casting m'a dit 'Tu devrais voir la fille qui fait la météo au Grand Journal, elle est incroyable.' On a organisé un casting, mais dès que Charlotte est entrée dans la pièce, j'ai su que c'était bon. Avec sa frange, elle me faisait penser à Jane Birkin dans ses premiers films. Et puis surtout, j'ai senti qu'elle avait une nature incroyable. On a fait les essais par principe, mais pour moi c'était évident. D'ailleurs je n'ai vu personne d'autre."
"Quand il a fallu choisir l'album d'Astérix que je voulais adapter, la décision a été rapide : Astérix chez les Bretons était mon préféré. Mais j'étais quand même un peu tiraillé, parce qu'il y avait, dans Astérix et les Normands, deux éléments qui me plaisaient beaucoup. D'abord le personnage de Goudurix, et ensuite, bien sûr, les Normands eux-mêmes. J'adorais l'idée de ces guerriers impitoyables qui vivent comme un handicap le fait de ne pas connaître la peur et qui sont prêts à tout pour en faire l'expérience. Il y a là-dedans une folie et une poésie qui les rend très attachants. Nous avons donc trouvé un moyen de les faire intervenir dans le film, et de renforcer un des thèmes que nous voulions traiter en sous-texte, à savoir, le conflit entre civilisation et barbarie."
"C'était un rôle vraiment complexe, parce que le personnage se transforme au fur et à mesure du film, et il fallait que l'acteur qui l'incarne ait suffisamment de subtilité comique pour arriver à le rendre crédible. J'étais sûr que Dany serait formidable, mais, comme pour Catherine Deneuve, j'hésitais à lui proposer car j'avais peur qu'il trouve le rôle trop petit. D'ailleurs, quand il a reçu le texte, il s'est marré et m'a dit 'C'est la première fois qu'on me propose un scenario dans lequel mon personnage arrive à la page 55 !' Mais le rôle lui a plu, et il a apporté plein d'idées grâce auxquelles sa scène de confrontation avec Miss Macintosh a gagné en comédie, au point de devenir, potentiellement, la meilleure du film."
"J'ai eu deux candidatures spontanées, pendant la préparation du film : Jean Rochefort et Gérard Jugnot. Au premier, j'ai confié le rôle du sénateur qui vient faire un audit des dépenses de César. Au deuxième, j'ai dit : 'Si tu veux, il reste le capitaine des pirates. C'est toi qui ouvre le film, et au bout d'une minute, tu te fais écrabouiller par la flotte romaine'" L'idée l'a amusé. Pour le look des pirates, on voulait quelque chose de plus 'destroy' que dans la BD. Ces pirates-là sont vraiment en fin de course. Leur bateau est rafistolé de partout, et ils sont tombés à l'eau tellement souvent que leurs vêtements sont tout délavés. On dirait presque des fantômes."
"Dans la BD, Londinium ressemble un peu à Lutèce, à quelques détails près. Mais pour nous, il fallait que Londinium soit un clin d'oeil au Londres d'aujourd'hui, et que nos trois gaulois découvrent cette ville et ses coutumes avec émerveillement. Il fallait une sorte de Piccadilly Circus, des bus à deux étages, des cabines téléphoniques rouges (d'où on envoie des pigeons voyageurs), des punks, un quartier avec des rangées de petites maisons alignées, etc. Je pense que c'est le plus gros et le plus complexe des décors que nous ayons eu à construire. Françoise Dupertuis, la chef décoratrice, a fait un travail incroyable, jusque dans les moindres détails, comme ces passages piétons en gazon que l'on aperçoit furtivement."
"C'était une de mes scènes préférées de l'album. J'adorais l'idée de cette armée disciplinée dont la rigueur et la méthode allait se retourner contre elle et les rendre complètement ivres. Mais pour que l'effet comique fonctionne, il fallait une cave immense, avec des tonneaux à perte de vue. Quelque chose comme la scène finale des Aventuriers de l'Arche perdue. Ça a pris pas mal de temps, et puis on a fini par trouver, en Hongrie, cette cave incroyable, avec ces couloirs labyrinthiques. Le seul problème, c'est qu'il y faisait 10 degrès, alors que dehors, c'était la canicule. Plusieurs membres de l'équipe ont fini la semaine avec une bonne bronchite !"
"Je n'aimais pas le côté 'reconstitué en studio' du village tel qu'on pouvait le voir dans les films précédents (surtout le premier). Avec la chef décoratrice, on s'est dit qu'il fallait l'implanter dans une vraie nature, avec de vrais arbres, de la vraie herbe, etc. Bien sûr, c'était impossible de construire le village tout entier, donc en dehors des quatre maisons que l'on voit en avant-plan, les autres ont été rajoutées en post-prod. Mais le fait de l'avoir tourné en plein milieu de la campagne lui donne un vrai parfum bucolique et le rend, je crois, plus authentique."
"Au début, je ne voulais pas tourner cette scène. Je la trouvais trop lourde, trop compliquée. En fait, elle me faisait peur. J'ai donc envisagé de la couper dès le scénario, et puis je me suis rendu compte qu'à chaque fois que je parlais à quelqu'un d'Astérix chez les Bretons, il me disait 'Ah oui, c'est celui avec la partie de rugby !', et j'ai compris que je n'avais pas le choix. Il fallait la garder. Mais j'ai continué de résister, et je n'ai cessé de repousser le moment de la tourner, jusqu'à ce que je n'aie plus le choix. Au final, mon instinct ne m'avait pas menti : ça a été une des scènes les plus difficiles à tourner. Il y a même eu un jour où nous avions trois caméras filmant trois actions différentes sur le terrain. Dès que l'une finissait une prise, je courrais vers la suivante, je disais 'moteur', 'action' et 'coupez', puis je passais à la suivante, et ainsi de suite. C'était assez bordélique, avouons-le, mais grâce à la compétence de chacun, et sans doute parce que la chance était de notre côté ce jour-là, nous nous en sommes admirablement sortis. Mais pour moi, ce qui a vraiment fait décoller la scène, c'est l'idée qu'a eu ma monteuse de mettre du rock dessus. Ça lui a donné une énergie incroyable."
Le match de rugby - le making-of
Astérix et Obélix: au service de Sa Majesté
Extrait : Tetedepiaf vs. Miss Macintosch
Astérix et Obélix: au service de Sa Majesté
La bande-annonce
Astérix et Obélix: au service de Sa Majesté
Photos : © Jean-Marie Leroy - Remerciements : Thomas Percy, Susanna Nilstam & Anne Jacquelin