Avez-vous eu l'idée de ce film au moment des manifestations du printemps arabe ? Où ces événements ont-ils nourri un projet plus ancien ?
Le point de départ du film, ce sont les images, qu’on a vues en boucle, des cavaliers et des chameliers, qui attaquaient la place Tahrir. C’est la force perverse des médias : vous faire croire que vous avez vu des choses qui n’existent pas en réalité. En l’occurrence, on avait l’impression que ces gens étaient armés, et que ce sont eux qui massacraient les gens sur la place Tahrir. Alors que tout ce qu’ils avaient, c’était des cravaches et des bâtons, et en réalité ce sont eux qui se sont fait rosser le plus ! Cette image fausse a servi à couvrir une autre image terrible, des visages qu’on ne voit jamais : celle des forces qui répriment le peuple égyptien qui essaie de se libérer. Et puis il y a aussi une histoire que m'a racontée la comédienne qui joue Dina, cette femme qui s‘occupe d’une société de protection animalière. Elle m’a parlé d’un drame qui s'est produit dans le quartier où on a tourné : les chevaux mouraient de faim parce que les cavaliers n’avaient plus les moyens de les nourrir, et les chameliers envoyaient leurs chameaux aux abattoirs. Le film est né de ces deux éléments, et aussi de cette idée qui nous a tous poussés dans la rue : pain, liberté, dignité humaine...
"Après la bataille" montre le rôle central joué par les femmes dans ce mouvement. La dimension politique du film passe-t-elle aussi par les rapports entre les sexes ?
C'est évident. 70% des ménages égyptiens dépendent du travail de la femme et pourtant il y a en même temps cette idée que l’homme est le maître de tout. Ca indique qu’on est en présence d’une dictature. Pas seulement d'un dictateur mais de l’esprit d’une dictature.
Que vous a appris d'esentiel Youssef Chahine, dont vous avez été l'assistant ?
A faire des films libres. C’est ce qui fait de lui un grand cinéaste. Et c’est ce que j’aimerais être moi aussi : un homme libre.
Propos recueillis par Julien Dokhan à Cannes en mai 2012
La bande-annonce de "Après la bataille", actuellement en salles