Pour le pays hôte de l'E-G8 qui s'est tenu à Paris les 24 et 25 Mai dernier, c'est une mise à l'index dont il se serait volontiers passé. Un rapport de l'ONU sur la liberté d'expression et internet présenté en fin de semaine dernière demande aux Etats, à commencer par la France, de renoncer aux lois qui permettent de suspendre l'accès à Internet en cas de violation des droits d'auteur. Un rapport qui ne manque pas de tacler ouvertement la loi Hadopi et ses mesures de filtrages. S'il a peu de chances de modifier la ligne fixée par le Gouvernement français sur le dossier, la portée symbolique de ce rapport n'en reste pas moins d'envergure.
Hadopi en ligne de mire
Parmi les conclusions de l'étude, le Rapporteur Spécial pour la protection de la liberté d'expression, Frank La Rue, "prie instamment les Etats d'abroger ou de modifier les lois de propriété intellectuelle actuelles, qui permettent que des utilisateurs soient déconnectés de l'accès à Internet, et de s'abstenir d'adopter de telles lois". Et d'ajouter : "Le Rapporteur Spécial considère que couper des utilisateurs de l'accès à Internet, quelle que soit la justification avancée, y compris pour des motifs de violation de droits de propriété intellectuelle, est disproportionné et donc contraire à l'article 19, paragraphe 3, du Pacte International relatif aux Droits Civiques et Politiques".
Au paragraphe 49 du rapport (lisible en intégralité ici), le Rapporteur se dit alarmé par "les législations basées sur le concept de "réponses graduées", qui imposent une série de pénalités sur les enfreignants en matière de Copyright, qui pourraient conduire à la suspension de l'accès à internet, comme le prévoit la règle des 3 avertissements en France et le Digital Economy Act 2010 de Grande-Bretagne". Une adresse claire et sans ambiguïté à l'action menée par la Hadopi, dont le cahier des charges prévoit effectivement la mise en place de mesures de filtrages et des réponses graduelles : un mail d'avertissement, un courrier recommandé avec accusé de réception, et en dernier ressort la suspension de l'accès à internet.
Manque de transparence
Sans être opposé au filtrage, il demande que la mesure soit proportionnée et transparente. "Le manque de transparence autour de ces mesures fait qu'il est aussi difficile de déterminer si le blocage ou le filtrage est réellement nécessaire pour l'objectif avancé par les Etats. En tant que tel, le Rapporteur Spécial invite les Etats qui bloquent actuellement des sites web à fournir les listes des sites bloqués et les détails complets concernant la nécessité et la justification de tels blocages ou filtrages pour chacun des différents sites", indique le rapport.
Une position forcément saluée par l'association La Quadrature du Net, opposante historique à la Loi Hadopi, à travers la voix de son porte-parole, Jérémie Zimmermann. "Le rapporteur spécial des Nations Unies Franck La Rue affirme que la liberté d'expression est plus importante que le droit d'auteur et qu'elle doit être protégée à tout prix dans les régimes autoritaires comme dans les démocraties" explique-t-il. "Les citoyens de par le monde doivent s'inspirer de ce rapport et tenir leurs gouvernements pour responsables des politiques qui portent atteinte à Internet et nos libertés." Le ministère de la Culture et la Hadopi ne se sont pas exprimé sur le sujet.
Olivier Pallaruelo avec Numerama, la Quadrature du Net et l'OHCHR