Décidément depuis la sortie d'Avatar, la 3D n'en finit pas de faire des vagues. Dans un sens comme dans l'autre du reste. Selon certains analystes venant de publier une étude, l'exploitation des films en 3D connaîtrait un net ralentissement et une désaffection grandissante du public américain, au désespoir de l'industrie hollywoodienne qui fonde (fondait ?) de grands espoirs dessus. De l'autre côté, une autre étude portant sur le même sujet tient un discours à l'exact opposé, arguant que la 3D a au contraire encore de beaux jours devant elle. Eléments d'explications.
Péril en la demeure pour la 3D ?
C'est un cabinet de recherche américain du nom de BTIG Research qui a mis le feu aux poudres la semaine dernière. En particulier Richard Greenfield, analyste financier de ladite compagnie. Selon lui, la 3D serait sur une pente déclinente. Les spectateurs américains commenceraient à avoir des oursins dans les poches, au point d'être de moins en moins enclins à mettre la main au porte-monnaie pour payer le surcoût d'une séance en 3D. Si la 3D aurait effectivement beaucoup boosté les entrées de films tels que Avatar et Alice au Pays des Merveilles, autrement dit des films aux budgets pharaoniques, ceux dotés de budgets de moindres importances et tentant de se faire une place au soleil avec la 3D seraient littéralement balayés. Pire, même les plus récents Blockbusters ne seraient plus à l'abri.
Et le cabinet d'étude de pointer les chiffres des exploitations 3D de ces films pour étayer ses dires, en particulier Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence, doté d'un budget estimé à près de 400 millions de dollars (frais de marketing inclu). En prenant la semaine du 20 mai, l'analyste relevait qu'avec 90 millions de dollars de recettes pour son premier week-end aux Etats-Unis, le film enregistrait le moins bon démarrage de la franchise. Le Précédent volet avait en effet accumulé 134 millions de dollars.
"Alors que les films événements font en général 60% de leurs recettes grâce à l'exploitation en 3D, le pourcentage de Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence n'est que de 47%" précise l'analyste. Autre exemple : Kung Fu Panda 2, le nouveau film d'animation des studios Dreamworks et distribué par Paramount, qui fait un moins bon démarrage que le premier volet lors de son premier week-end d'exploitation (environ 48 millions pour Kung Fu Panda 2 contre 60 millions pour le premier).
Un Box-office morose
En élargissant un peu plus, c'est aussi le constat d'un Box-Office US plutôt morose, confirmant ainsi un mouvement à la baisse du marché. Depuis la sortie de Dragons, les parts de recettes des entrées 3D aux Etats-Unis ont sensiblement diminué : 61% pour Shrek 4, 60% pour Thor...Les films d'animations, jusque-là véritables locomotives de la 3D et genre très dominant au Box-Office, comme nous l'affirmait d'ailleurs Jeffrey Katzenberg lors d'un long entretien accordé à l'occasion de la sortie de Shrek 4 (voir ici), sont plutôt à la peine depuis le début d'année et ont du mal à trouver leur public, à l'image de Rio (134 M$), Rango (121 M$), Hop (107 M$) ou Gnomeo et Juliette (99 M$).
Un constat nuancé
Le constat est quelque peu nuancé par le New York Times, qui a consacré un article à ce sujet dans son édition du 29 mai. Pour le quotidien, le ralentissement des recettes liées à l'exploitation des films en 3D, indéniable du reste, n'est pas lié à une crise de la 3D. Mais plutôt à une mauvaise stratégie adoptée par les Majors, entraînant une saturation du marché américain, une utilisation trop opportuniste de la 3D, en particulier dans la vague des conversions 3D effectuées en post-production comme ce fut le cas pour Le Choc des Titans. Ou encore un public pas forcément averti de l'exploitation 3D des films, comme le souligne un article de Entertainment Weekly à propos de Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence.
En contrepoint du pessimisme de l'étude menée par le cabinet BTIG Research, une autre étude, menée cette fois-ci par le cabinet GLG Research, aboutit à une toute autre conclusion. Celle-ci fait un constat clinique simple : 70% des recettes des films sont réalisées hors des Etats-Unis. Pour rester sur l'exemple du dernier volet des aventures du capitaine Jack Sparrow, le film a dépassé les 600 millions de dollars de recettes en douze jours d'exploitation internationale, tandis que les seules recettes internationales hors Etats-Unis s'élèvent à plus de 485 millions. Autant dire un carton plein pour Disney. Pour la France, le ratio des recettes n'est "absolument pas en baisse, il représente même 68% des entrées globales", selon les propos de la firme aux grandes oreilles, rapportés par Les Inrocks.
Match Nul ?
"Avec une saison estivale penchant massivement pour l'exploitation de films en 2D, et les ventes de billets pour les projections 3D ayant baissé de manière dramatique, les Majors vont devoir, espérons-le, repenser totalement leurs plans de batailles en matière de 3D pour le reste de l'année ainsi qu'en 2012" conclu Richard Greenfield. "M. Greenfield a raison de penser que les distributeurs américains doivent réexaminer leur stratégie" fait valoir de son côté le cabinet GLG. "Mais conseiller de faire moins de films en 3D est une grave erreur (…), cela reviendrait à se priver de centaines de millions de dollars de recettes au box-office". Décliniste de la 3D et optimiste du support : match nul ?
Pour tous ceux et celles qui sont allergiques aux lunettes 3D, on en profites pour faire une petite piqûre de rappel avec notre dossier consacré aux prochains films et autres Blockbusters qui ne sortiront PAS en 3D !
Olivier Pallaruelo avec NY Times et Les Inrocks