Avoir avoir signé ou co-signé des livres d'entretiens avec Luc Moullet, Judd Apatow et Werner Herzog, Emmanuel Burdeau (ancien rédac-chef des Cahiers du Cinéma) s'intéresse à un autre original : Monte Hellman. L'auteur de Macadam à deux voies et du western The Shooting, qui avait disparu des radars depuis une vingtaine d'années, est revenu aux affaires avec Road To Nowhere, sorti en France il y a quelques semaines. Ce troublant film noir, qui est aussi une déclaration d'amour au cinéma, avait été projeté à Venise l'an dernier, ce qui avait donné l'occasion au Président du Jury Quentin Tarantino de remettre un Lion d'or d'honneur à celui qui est un de ses cinéastes de chevet.
La bande-annonce de Road to nowhere
Tarantino est l'une des nombreuses personnalités du cinéma américain qu'on croise au fil de ces entretiens (Hellman raconte comment il avait failli réaliser Reservoir Dogs), au même titre que Jack Nicholson, son acteur-fétiche (même s'il déclare, à propos de la prestation du comédien dans Shining : "C'était une mauvaise interprétation accomplie avec savoir-faire"), Howard Hawks, Francis Ford Coppola, ou Roger Corman, qui a donné le goût du système D à ce fils de bookmaker. Dans un des chapitres les plus intéressants du livre, Burdeau interroge Hellman sur ses innombrables projets avortés (y compris des adaptations d'Alain Robbe-Grillet ou Jorge Semprún !) et ses différents travaux "annexes" : réalisateur des scènes d'action de Robocop, il a aussi tourné un prologue de Pour une poignée de dollars pour la télévision américaine -une scène qu'il a ensuite réutilisée pour un de ses propres films !
Accompagnée d'extraits de dialogues, et même d'une recette maison de Margarita ("Attention, une tequila de trop bonne qualité, ou de millésime trop ancien, peut écraser la margarita", parole d'expert), cette longue interview, dans laquelle il est beaucoup question de Road To Nowhere, offre quelques clés concernant le cinéma de Hellman, notamment sa passion pour les acteurs ("Je ne crois pas aux lignes morales clairement tracées entre les personnages. Pour moi, les personnages sont toujours liés à la personnalité des acteurs"). Le cinéaste enchaîne les anecdotes et donne son point de vue sur les uns et les autres avec une réjouissante désinvolture. Au final, un peu comme avec son dernier film, le lecteur-spectateur ne sait pas toujours où le voyage va le mener, mais le charme agit. Allez, encore une petite citation pour finir : "Je ne triche pas. Ou alors comme un bon magicien. Un bon magicien ne triche pas, il s'arrange seulement pour que vous regardiez ici alors qu'il fait quelque chose là."
Julien Dokhan
Monte Hellman
Sympathy for the devil
Entretiens avec Emmanuel Burdeau
Capricci
13,5 euros
Notre interview avec Monte Hellman (septembre 2010)