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    "Cobra" par Alexandre Aja

    Le réalisateur de "La Colline a des yeux" et "Piranha 3D" développe une adaptation live des aventures de "Cobra", le pirate de l'espace. Avec AlloCiné, il fait le point sur l'état d'avancement du projet et raconte sa passion pour ce personnage culte créé par Buichi Terasawa en 1978...

    AlloCiné: Quel est votre premier souvenir de "Cobra" ? Est-ce le fait de revenir au pas de charge de l'école pour regarder un épisode comme tant de jeunes téléspectateurs de cette époque ?

    Alexandre Aja: C'est une discussion que j'ai eu avec mon meilleur ami, associé et producteur, Grégory Levasseur, qui a le même âge que moi. Et je n'arrive pas à savoir réellement. Je me base même sur les horaires de diffusion des épisodes pour tirer ça au clair. D'ailleurs lorsque j'ai rencontré Stéphane, qui s'occupe du site de référence français cobraworld, on n'était pas d'accord sur ces horaires justement. Oui, je me souviens que je me dépêchais de rentrer de l'école pour voir le dessin-animé mais j'ai aussi l'impression d'avoir vu les épisodes avant cela, peut-être sur Canal+. Toujours est-il que Cobra a été un choc dès le départ. Je ne me souviens donc pas exactement de mon premier souvenir mais certains éléments sont restés en moi de manière extrêmement forte et précise, par exemple le rayon Delta et aussi ou la beauté de ces filles tout simplement sublimes. En France, on a eu une chance incroyable, la majorité des imports de mangas ou de japanimation n'étaient pas réellement compris par les diffuseurs de l'époque. Ils n'avaient pas conscience que ces produits s'adressaient à l'origine à des adolescents ou à des jeunes adultes au Japon et que ce n'était pas spécialement destiné aux enfants ! Pour nous, c'était magique de voir ces filles nues avec des tatouages dans le dos. Ce choc, ces visions m'ont influencé dans tout ce que je fais, dans mon univers visuel, dans mon imaginaire qui s'est exprimé par la suite dans toutes les histoires que j'ai essayé de raconter. Cela m'a touché d'une manière aussi forte que La Guerre des étoiles ou d'autres classiques. Cobra a vraiment marqué une génération. A chaque fois que j'en parle et depuis qu'on a annoncé qu'on allait faire le film, j'ai l'impression qu'une forme de "fight club" est en train de voir le jour. Je rencontre des gens et je sais tout de suite lorsqu'ils font une référence à leur âge ou qu'ils me disent d'où ils viennent que l'on a quelque chose en commun. Je sais s'ils étaient comme nous dans le culte de Cobra. C'est un dessin-animé qui a été unique dans son impact culturel en France. Deux choses reviennent constamment dans la bouche de ses adorateurs: les femmes sublimes et le Rug-Ball. La série originale a aussi quelque chose d'unique dans la mise en scène avec des angles, des cadrages, une musique, cet arrêt sur images qui devient un dessin... Concernant ce dernier point, c'est un effet que j'avais inséré dans le scénario de Furia (ndlr: son premier film en tant que réalisateur) et que malheureusement, pour faute de moyens, je n'ai pas pu réaliser. Toutes mes transitions devaient être "à la" Cobra: l'image devait s'arrêter et se transformer en une sorte de dessin graphique de la dernière image que l'on venait de voir. C'est pour vous montrer à quel point Cobra a toujours été une influence énorme dans tout ce qu'on a fait jusque-là et depuis le début.

    Est-ce que justement "Cobra" ne sera pas votre film le plus personnel ?

    Oui et je pense que ce sera même le film le plus personnel de toute ma carrière ! C'est très rare d'avoir l'opportunité de toucher à quelque chose qui tient de la nostalgie profonde, du rêve, de l'imaginaire, de l'enfance. Quand j'ai rencontré Grégory, on dessinait, on collectionnait, on était Cobra ! Ce dessin-animé était tellement unique que je n'ai pas pu accrocher à tous ceux qui sont arrivés ensuite, Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque... Cela fait des mois que j'essaie de convaincre les américains de se lancer et de faire Cobra. Ils ne connaissent pas du tout. Et en même temps c'est un vrai défi. Cobra a tellement marqué une génération en France qu'il n'y a pas de raison que ce ne soit pas la même chose en Amérique et dans le reste du monde. C'est LE manga culte au Japon, le 30ème anniversaire a été un événement fantastique. Cobra s'est popularisé en Asie, mais aussi en Europe, notamment en Espagne et en Allemagne. Ce film a un potentiel énorme.

    Avez-vous rencontré Buichi Terasawa, le créateur de la série originale ? Est-ce que vous avez reçu sa bénédiction ?

    Non, je ne l'ai pas encore rencontré. Cela fait partie de mes plans dans les mois à venir. Nous sommes en train de finaliser un accord qui sera annoncé très prochainement pour que le film existe, cela devrait se faire dans les semaines qui viennent. A partir de ce moment-là, on pourra réellement entrer en phase de développement mais aussi pleinement dans écriture, avec un calendrier pour pouvoir tourner. Je touche du bois mais on est très très proche là. Je m'étais fixé cette échéance pour rencontrer Buichi Terasawa et pour pouvoir échanger avec lui. Jusque-là, on a été en rapport indirect via mon associé Marc Sessego, qui s'est avéré un intermédiaire inattendu... Il y a quelques années, Marc avait réussi à contacter Terasawa et à le convaincre qu'une adaptation ciné était l'avenir le plus parfait pour son personnage. Quand il nous a contacté avec cette idée, on s'est tout de suite associé avec lui. On a signé le deal pour obtenir les droits de Cobra... cela fait partie de mon quotidien depuis maintenant 2 ou 3 ans. Il n'y a pas une journée où avec Grégory on n'a pas discuté de ce projet, réfléchi à comment faire pour que cela devienne une réalité.

    Alors que vous étiez en train de vous battre avec des "Piranhas", vous aviez en tête un "Cobra" en quelque sorte...

    Cobra a toujours été une évidence. Le jour où on nous a demandé si on était intéressé... Vu de l'extérieur, cela ne ressemble pas vraiment à un film intime mais pour Greg et moi, ça l'est. Depuis quelques mois, on a commencé à travailler sur une histoire.

    Justement, vous partez d'une histoire originale ou vous adaptez une de ses aventures ?

    Il y a tellement d'histoires développées dans les 40 ou 50 volumes et épisodes... On a longtemps cherché et on s'est décidé sur une combinaison assez judicieuse d'histoires que l'on connaît tous, avec quelques libertés. Bien entendu, on ne se permettra jamais cela sans l'accord de Buichi Terasawa ! Mais je pense que ça va lui plaire.

    Vous parlez de libertés; une adaptation doit être respectueuse et en même temps trahir le matériau original. Quels sont les éléments essentiels à conserver concernant "Cobra" ?

    Cobra, c'est d'abord et avant tout une attitude. Ce personnage est un mélange parfait du Jean-Paul Belmondo des années 70, dont il est directement inspiré, mais aussi du Sean Connery de James Bond, du Han Solo de La Guerre des étoiles, d'Indiana Jones... En fait, c'est un mélange parfait de tous les personnages qu'on aime le plus ! Ce ton, essentiel à mes yeux, il faut absolument le garder. Il faut trouver qui deviendra ce nouvel Harrison Ford (ndlr: l'interprète de Han Solo), Bruce Willis, Sean Connery... Le défi est là. Et puis évidemment il faut conserver le rayon Delta, Armanoïde, le cigare, même si cela ne va pas être facile en Amérique, et bien entendu les personnages féminins avec leur dimension sexy, amazone, un peu Barbarella, de véritables guerrières du futur ! Il y a quelques éléments incontournables. Je pense aussi au mystère autour de ses origines de Cobra... Toute la mythologie sera présente dans le film. Les libertés que l'on va se permettre résident plutôt dans les combinaisons d'histoires et les nouvelles aventures. Lorsque j'explique aux américains que Cobra, c'est un "Pirates des Caraïbes dans l'espace", il y a une sorte d'évidence. Certains films ont ouvert la voie. Je n'ai pas envie de faire un film de science-fiction où la dimension scientifique est trop présente. Cobra, cela doit être d'abord et avant tout un film d'aventure et d'action, avec des personnages, une chasse au trésor, une jolie fille en danger à sauver. C'est l'essence même du personnage qui nous a plu donc c'est naturellement ce qu'on va défendre.

    "Pirates des Caraïbes dans l'espace", le pitch est efficace...

    Il fallait trouver un moyen pour expliquer aux américains ce qu'était ce monde. A la manière dont les mers étaient auparavant dominées par les pirates, dans Cobra, c'est la Guilde des Pirates qui contrôle l'univers. Cobra, ce pirate indépendant, est recherché par toutes les polices de l'espace et par tous les pirates eux-mêmes, parce que justement il a toujours refusé de se joindre à eux. C'est un concept très fort avec des personnages vraiment solides. Ce n'est pas une copie de Star Wars ou de Flash Gordon. Cobra est vraiment unique.

    Quels éléments du développement sont déjà arrêtés ? Vous savez par exemple si le film sera en 3D ?

    Avec Star Wars qui va être converti en 3D et ressortir dans le monde dans les prochaines années, je nous vois mal débarquer avec un Cobra qui ne serait pas en 3D. Ce n'est pas une condition sine qua non pour moi. Je ferais le film en 2D, sans aucun problème. Mais pour ce type de film, et considérant la demande énorme de 3D, pas simplement aux États-Unis mais partout dans le monde, notamment à la Chine où ils ouvrent une salle 3D toutes les heures et demi... Je pense donc que Cobra sera fait en 3D, ce qui est plutôt logique compte tenu du genre et de l'univers exploré.

    Allez-vous retravailler avec l'équipe qui s'est occupée des créatures de "Piranha 3D" ?

    Sur Piranha 3D, j'ai travaillé avec une équipe incroyable de "creature designer" qui s'était déjà occupée d'Avatar, Cloverfield, Star Trek, Tron... Neville Page, son responsable, est devenu un ami après Piranha et on a parlé de Cobra ensemble. Je lui ai parlé de ce monde, je lui ai montré des visuels et évidemment si je peux, je travaillerai avec lui. C'est un des meilleurs et des plus ingénieux dans son domaine.

    Si "Cobra" voit effectivement le jour, il s'agira de votre premier film se déroulant dans l'espace...

    Ce sera effectivement mon premier "space opera" (rires) ! Trente ans après, c'est un défi énorme de recréer un nouveau "Star Wars", toutes proportions gardées bien entendu. George Lucas a fait un travail exceptionnel avec cette création et a su maintenir depuis le mythe vivant, en faisant du même coup peur à tout le monde (rires) ! Depuis, il n'y a pas eu de "space opera" de cette ampleur et de cet impact. Bien entendu, il y a une nouvelle adaptation de Dune dans les cartons, il va y avoir Avatar 2 et Avatar 3, mais on n'est plus dans la science-fiction, plutôt dans l'aventure. Avec Cobra, il y a un vrai défi, et une vraie place à prendre. Tous ceux qui aiment comprendront, ils savent que Cobra a le potentiel pour devenir aussi important que Star Wars.

    Mis à part "Star Wars", quels autres "space operas" gardez-vous dans un coin de votre tête ?

    J'aime beaucoup la version de Dune de David Lynch. Avec Star Wars, c'est un de mes films préférés et, en termes d'aventure, d'univers, de direction artistique, de décors et de costumes, cela reste quelque chose d'absolument unique, inégalé et inégalable. Petit, j'ai aimé Flash Gordon mais c'est aujourd'hui irregardable. Après, tout ce qui est Barbarella, ce n'est pas vraiment mon truc. J.J. Abrams a fait un travail formidable avec Star Trek, où justement le Kirk de Chris Pine a un ton "à la" Cobra, un côté bagarreur et solide, un humour et un recul... Mais c'est une filiation involontaire puisqu'il ne connaissait pas le dessin-animé.

    Tous les fans ou les amateurs de "Cobra" se sont imaginés un un jour en "Cobra" ou ont pensé à un acteur qui aurait fait un bon "Cobra". Avez-vous déjà des noms en tête ?

    Je continue à réfléchir. J'ai plusieurs idées mais je ne peux pas vous les dire encore. En fait, ce sont plus que des idées, nous sommes en train d'approcher quelques personnes et j'attendrai que ce soit officiel.

    Ian Ziering, un des vétérans de la première série "Beverly Hills" avait vraiment "une tête de" Cobra...

    Un autre acteur a une vraie tête de Cobra mais ce ne sera pas lui parce qu'il est un peu vieux et ce n'est de toute façon pas le personnage: Michael C. Hall, l'interprète de Dexter. Mais je le répète, ce ne sera pas lui, il ne fait pas partie des noms auxquels on pense.

    C'est l'anniversaire de "Retour vers le futur". Christopher Lloyd, alias "Doc'", jouait une petite scène dans "Piranha 3D"...

    En réalité, il n'a pas joué que dans une seule scène de Piranha 3D. Il en a fait une autre, assez longue d'ailleurs, qui figurera sur le DVD, située à l'ouverture du film. On y découvre que notre héros travaillait dans le magasin d'animaux tenu par le personnage de Christopher Lloyd. C'est une crème et un acteur formidable. Il n'était disponible qu'une seule journée et ses scènes représentaient grosso-modo trois journées de tournage. Il a donc fallu tout faire en une seule journée et on a réellement tourné 21 heures d'affilée. Entre le premier "Action !" et le dernier "Coupez !", il s'est passé 21 heures durant lesquelles il a joué quasiment non-stop ! A la fin de la journée, il n'arrivait quasiment plus à parler (rires) ! C'était extraordinaire parce qu'il continuait à dire son texte avec les intonations du Doc' et les siennes mais avec des mots qui n'avaient plus de sens au final. Derrière le combo, on était tous mort de rire. Il continuait avec les mêmes intentions mais ce qu'il racontait n'avait plus aucun sens... Au final, c'est une rencontre incroyable. Christopher Lloyd est génial !

    Et vous l'avez dirigé pour de vrai...

    C'était un grand moment. Au final, je me suis offert de grands moments de cinéma sur Piranha. J'ai eu deux-trois grandes émotions pendant le tournage. Avec Christopher Lloyd donc, mais aussi Richard Dreyfuss. Dans ces moments-là, ça me rappelle pourquoi je fais des films en Amérique. Pour le plaisir incroyable de voir des personnages de mon imaginaire face à moi.

    En vous écoutant parler de votre jeunesse et en regardant votre filmographie, dans laquelle figurent "La Colline a des yeux", "Piranha", "Cobra" prochainement, ou les acteurs avec qui vous avez travaillé... on se dit qu'il y a une vraie continuité. Les films que vous réalisez aujourd'hui sont directement issus de votre jeunesse.

    Oui, bien entendu, je vois cette continuité mais... Chez un cinéaste comme Tarantino, la "référence à..." est quasiment devenu un style. Bien entendu, de mon côté, je ne peux pas m'empêcher d'être influencé par le cinéma qui m'a marqué et qui m'a donné envie d'en faire. Lorsqu'on me propose d'explorer mon imaginaire à travers des films, je ne peux décemment pas refuser (rires) ! Mais j'essaie malgré tout de trouver un ordre, une manière de les réinventer, d'en faire quelque chose de différent et pas siplement une copie fidèle.

    Propos recueillis par Thomas Destouches à Paris le 3 novembre 2010

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