AlloCiné: Aviez-vous déjà incarné un vampire, un roi ou un homme originaire du Mississipi ?
Denis O'Hare: Si je me rappelle bien, à 8 ans, je me suis déguisé en vampire pour Halloween. L'année suivante, je m'étais grimé en loup-garou. Puis, à 10 ans, je me suis maquillé en Frankenstein. J'ai incarné un roi écossais sur scène ! Par contre, un homme du Mississipi... non ! Mais de l'Oklahoma, oui ! J'ai aussi joué beaucoup d'anglais, des allemands et quelques irlandais.
Vous parlez toujours avec l'accent de votre personnage dans la série, Russell Edgington. Est-ce normal ? Est-ce proche de votre accent ?
Non, ce n'est définitivement pas mon accent. C'est uniquement pour rester dans l'effort, dans cette configuration d'accent entre les prises. De toute façon, ma voix normale est d'un ennui.
D'où venez-vous ?
Je suis né dans le Missouri mais j'ai été élevé à Detroit, dans le Michigan et j'ai passé 12 ans à Chicago. Je suis aussi resté très longtemps à New York. Au final, je viens de nulle part... et de partout.
Aviez-vous conscience de ce que représenterait votre personnage, de ce que cela impliquerait de l'incarner avant d'intégrer "True Blood" ?
Sincèrement non. J'aime la série, je la regardais avant même de jouer dedans. Le principal intérêt dans le fait de jouer un personnage extraordinaire, aux pouvoirs fantastiques réside dans le fait que l'on peut explorer davantage, les limites sont plus lointaines. En ce qui concerne Russell précisément, nous avons énormément réfléchi avec Alan Ball et les scénaristes, nous avons envisagé tellement d'options. De toute façon, True Blood a toujours dépassé son cadre, ce n'est pas simplement une série sur l'intrigue, sur des vampires et des monstres. Les téléspectateurs le savent: des questions d'une incroyable richesse irriguent le show en profondeur: de quoi est fait le concept du "Bien", la responsabilité du pouvoir, la pertinence de la loi et sa constance, les institutions et notre obéissance à ces cadres... Russell est roi parce qu'il est puissant. Il est roi parce qu'il s'est emparé de ce titre. Et ce personnage âgé de plus de 2 800 ans est plus redoutable que n'importe quel vampire
Russell est face à un choix qui découle de ses pouvoirs: le Bien ou le Mal.
Très exactement. Il pourrait aussi bien bâtir que détruire. Un autre élément capital à mes yeux par rapport au personnage et à la série en général est le fait que Russell soit gay et qu'il soit avec son compagnon, Talbot, depuis 700 ans. Il s'agit de la plus longue relation entre deux vampires mâles.
Dans les livres, Russell est sensiblement différent...
Les livres écrits par Charlaine Harris sont avant tout un point de départ, et ils ont toujours été considérés comme tels. Alan Ball est un scénariste tellement imprévisible ! Je sais qu'il fait très attention aux romans, qu'il les connaît en détail et qu'il est conscient de tel ou tel élément capital. Mais il suit son instinct et ses sentiments, et il doit le faire. Je ne peux donc vous dire jusqu'à quel point Russell va différer des livres, où il est décrit comme un personnage de moindre envergure, aux pouvoirs plus limités, dont le petit-ami est mortel... ce qui change complètement la perspective.
Avez-vous déjà joué une scène durant laquelle vos dents de vampire apparaissent instantanément à l'écran ?
Trois ou quatre fois me semble-t-il.
Quel est le procédé technique: on stoppe la caméra et quelqu'un hors-champ vous tend ces fausses dents ou est-ce que vous vous chargez vous-même de l'"installation" ?
J'ai été confronté aux deux situations. Je me souviens avoir dissimulé le dentier dans une boîte à cigares, derrière une chaise, au fond de ma poche. Mais il est également arrivé en effet qu'on me les tende. Cela dépend de la situation.
En quoi ces fausses dents influencent votre jeu ?
Cet accessoire inconsciemment permet de pousser le bouchon un peu plus loin, sans doute parce que l'on sait au fond que ces fausses dents donnent l'air véritablement féroce. Bien entendu, en tant qu'acteur, on doit s'habituer parce qu'elles compliquent le simple fait de parler, d'articuler, on doit donc se battre au début avec elles. Mais au final c'est fun.
Vous avez joué dans de très nombreuses pièces, notamment à New York. Est-ce que vous aviez déjà collaboré avec Alan Ball ?
Malheureusement non.
Savez-vous qu'il était un grand admirateur de votre travail sur scène avant de vous engager sur "True Blood" ?
Je crois qu'il est venu me voir dans "Take me out". De nombreux comédiens de la troupe de True Blood viennent de New York: Carrie Preston, Sam Trammell, Rutina WesleyRutina Wesley, Kristin Bauer...
De très nombreux comédiens de la série ont également tendance à se déshabiller à l'écran. On peut en attendre de même de votre part ?
Non, pas encore (rires) ! Jusque-là sur True Blood et plus généralement durant ma carrière, je n'ai pas eu à passer par cette case. Je ne suis pas contre le fait de garder certaines choses pour moi, si vous voyez ce que je veux dire. Si on me le demande, je le ferai avec enthousiasme mais Russell est tellement digne, ce standard doit être conservé selon moi.
Est-ce à dire que les autres personnages n'ont pas de dignité ?
Si, bien entendu. Mais ils ont tous 25 ans (rires) !
Est-ce que vous réalisez vous-même vos cascades, ou plutôt, est-ce que vous vous êtes entraîné à "mordre" quelqu'un ? Est-ce que vous le faites pour les scènes de la série ?
Les producteurs ne veulent pas que les acteurs réalisent quoique ce soit de dangereux, en aucun cas. Même si nous le voulons, ils nous demandent de ne pas le faire.
Lorsque Russell s'apprête à mordre un autre personnage, est-ce que vous en discutez auparavant avec l'acteur ?
De manière générale, dès qu'il s'agit d'une scène physique, importante ou non, on en parle entre nous avant, on discute, on se rassure, on se met à l'aise. En l'occurence pour True Blood, ces scènes de morsures peuvent être violentes et surprenantes, il faut faire attention à ne pas blesser, la situation est déjà tellement étrange, l'adrénaline, les bruits... on ne sait pas coment les acteurs peuvent réagir à cela. Je me souviens une scène où nous devions sucer le sang d'une jeune fille. Nous voilà pendus à son cou, attaquant sa jugulaire... et elle gloussait sans pouvoir s'arrêter.
Quels éléments de "True Blood" trouvez-vous particulièrement surprenants ?
Je dois avouer la gentillesse des gens de l'équipe, dans son ensemble. Tout le monde travaille dur, animé par une conscience professionnelle remarquable. True Blood est une grosse machine et, pourtant, chacun trouve le moyen de s'amuser. L'équilibre au sein de l'équipe est incroyable. Personne n'est prétentieux, il n'y a pas de diva. Tout le monde est formidable, réellement. C'est tout bonnement incroyable.
Cette saison sur le plateau, les producteurs avaient "recruté" de vrais loups pour incarner les loups-garou dans leur forme animal. Est-ce que vous avez pu les approcher ?
Oui, dès mon premier épisode, durant lequel j'étais sur un cheval, entouré d'une multitude de loups ! J'ai pu donc les approcher, rencontrer leur entraîneur. Ces animaux sont tout bonnement extraordinaires, incroyables. Leur coach me répétait souvent: "Ce ne sont pas de gros chiens. Surtout ne pensez pas à eux ainsi !"
Avez-vous l'obligation de vous tenir immobiles lorsque vous êtes proches d'eux ?
En réalité, les loups sont généralement tenus à l'écart, par leur coach ou par un câble électrifié. Ces animaux sont tellement différents, imprévisibles, on les sent constamment capables de tout... Le risque ne vient pas du fait qu'ils pourraient nous blesser mais qu'ils sont en réalité très joueurs !
Propos recueillis par Emmanuel Itier en juillet 2010
La saison 3 de True Blood ce mardi 2 novembre sur Orange cinémax à partir de 20h50...
