AlloCiné: Votre personnage est sans doute celui qui a connu le plus de changements, d'évolutions au fil des 4 saisons de "Heroes". De sidekick, il est devenu super-héros...
James Kyson Lee: Bien entendu, ça a été intéressant à observer, intrigant de voir cette histoire prendre forme. En tant qu'acteur, on a toujours envie d'incarner un personnage qui se développe, qui évolue. Je me rappelle d'ailleurs qu'avant que la saison 3 ne débute, un des scénaristes était venu me voir pour me dire que j'allais sans doute être agréablement surpris par ce qui m'attendait...
Le ton de votre personnage a également évolué. Au départ, il n'était quasiment cantonné qu'aux scènes comiques et, au fil des saisons, la tonalité est devenue de plus en plus dramatique...
Dans Heroes, Hiro et Ando étaient quasiment les seuls ressorts comiques de l'intrigue. Qu'elle soit physique ou de situation, la comédie est toujours intéressante à explorer. Mais, en tant qu'acteur, c'est bien d'aller aussi dans une autre direction, d'équilibrer la donne. L'histoire, la trajectoire de nos deux personnages nous a permis d'explorer cela.
Le plus étonnant avec Hiro et Ando est le fait que ce sont les deux seuls personnages désirant devenir des super-héros...
Quand vous embrassez votre destinée, quand vous voulez la réaliser, vous prenez plus de plaisir, qui se transmet esnuite au public. C'est peut-être pour cela que les téléspectateurs se sont plus particulièrement identifiés à nous. Mais, selon moi, le plus intéressant, c'est que cette dynamique existante entre les deux personnages n'a pas cessé d'évoluer. L'enthousiasme d'Hiro a laissé place à la perplexité, Ando, qui était d'abord la voix de la raison, est devenu un leader... C'était toujours inattendu, surprenant.
Hiro et Ando parlent japonais, le sous-titrage permet de comprendre ce qu'ils disent. Mais l'enthousiasme de vos deux personnages et l'émotion qui découle de cette relation si particulière sont communicatifs et permettent quasiment de comprendre ce qui se passe entre eux sans lire le moindre mot...
Cet aspect était crucial selon moi. Et le fait que deux personnages parlent japonais dans une série américaine était tout aussi capital et important. Peu importe la nationalité ou la langue des téléspectateurs, l'émotion qui en découle était la clé. Plus particulièrement pour moi, même, pour qui le japonais est également une langue étrangère, que j'ai dû apprendre. Dès le départ, cette série se focalisait avant tout sur le voyage émotionnel des personnages.
Le japonais n'étant pas votre langue maternelle, vous aviez la difficulté de faire passer l'émotion à travers une langue que vous ne maîtrisiez pas. Vous deviez jouer avec votre cœur tout en étant concentré sur des mots à dompter et des sonorités nouvelles...
C'était probablement le challenge le plus relevé. Mes collègues n'avaient qu'à venir et à jouer (rires) ! De mon côté, j'avais 40 heures supplémentaires de travail à la maison par épisode ! Mais cela m'a permis de pousser encore plus loin mes limites. Quand je regarde en arrière, je suis ravi de cette expérience et fier d'avoir relevé ce challenge. Lorsque je recevais le script, strictement écrit en anglais, mon coach et moi devions travailler des heures dessus. Je le travaillais en anglais, puis en coréen, que je parle, pour l'appréhender encore un peu plus et enfin le japonais, la dernière étape.
Tout comme votre personnage, la série a elle aussi beaucoup évolué. La première saison était centrée sur des personnes ordinaires aux capacités extraordinaires. Puis, au fil des saisons, la série a lorgné de plus en plus vers l'esprit comic, peuplé de super-héros. Avez-vous ressenti ce glissement et pensez-vous qu'il s'agisse aussi d'une des raisons de son déclin ?
L'esprit comic book et la dimension SF ont toujours fait partie de l'ADN de Heroes et ont été utilisés de manière créative tout en gardant les pieds bien plantés dans la réalité. C'est ce qui a fait le succès de la série à ses débuts. Lorsqu'un show débute aussi fort, dans tous les domaines, c'est dur de faire aussi bien par la suite. Elle a connu des hauts et des bas artistiques, mais une série c'est avant tout un "work in progress"", une matière vivante. Peut-être a-t-elle décontenancé certains téléspectateurs qui ne savaient plus se situer par rapport à elle: allait-elle trop loin ou pas assez ? Mais vers la fin, elle a réussi à revenir à ses origines, à retrouver un meilleur feeling. De mon point de vue, en tout cas, ça a été une expérience incroyable à vivre de l'intérieur.
La saison 4 de "Heroes" s'achève avec l'ouverture d'un nouveau volume intitulé "Brave New World". Savez-vous ce que Tim Kring voulait raconter dans ce nouveau volume ?
S'il avait vu le jour, il aurait exploré les conséquences de la révélation de l'existence de ces êtres aux capacités extraordinaires. Selon moi, c'était un nouveau départ et une dynamique intéressante. Comme dans des séries telles que V ou des films comme La Planète des singes, il voulait explorer le concept de cohabitation entre ces deux mondes, les conflits qui en découlent comme les bienfaits. J'aurais adoré pouvoir parcourir ce nouveau volume, d'autant que certains éléments sont restés en suspens, comme le flashforward montrant Ando combattant Hiro. J'aurais adoré voir cela, explorer ce conflit. C'est comme de voir Luke Skywalker et Solo (ndlr: les deux personnages de La Guerre des étoiles) s'affronter (rires) !
Quel est votre épisode préféré de "Heroes" ?
"Le Second avènement", le premier épisode de la saison 3, avec Ando s'attaquant à Hiro, voilà un épisode sympa à regarder ! Je me rappelle aussi de très bons épisodes lors de la première saison, notamment ceux où Ando et Hiro vont à Las Vegas...
(ndlr: cette interview a été réalisée avant l'annonce de l'annulation du téléfilm de conclusion de la série)Tim Kring a déclaré dans une lettre ouverte aux fans qu'il souhaitait réaliser un téléfilm de conclusion à la série. L'idée vous plaît ?
Oui, ce serait une bonne façon de boucler tout et de donner une fin satisfaisante, spécialement pour les fans. Ils le méritent. Pour le show également, ce serait l'occasion de réaliser une vraie conclusion. C'est toujours étrange de laisser les choses en suspens. Ce serait bien que cela se fasse, et NBC aurait l'occasion d'en faire une vraie soirée événementielle en produisant une téléfilm de deux heures ou un programme de 4 heures. De plus cela nous permettrait à tous de nous retrouver, toute l'équipe. Ce serait sympa.
Ce n'est encore qu'une idée lancée par Tim Kring ou est-ce c'est un peu plus avancé que ça avec le network ?
Disons que c'est une idée très probable. Je sais que NBC veut le faire. Les deux parties essaient de s'entendre pour arriver à quelque chose de satisfaisant pour tout le monde.
Quand avez-vous appris l'annulation de la série ? Comment est-ce que cela se passe ? Quelqu'un du studio vous appelle ?
Quelques jours avant l'annonce officielle, de nombreux mails internes circulaient, laissant penser que l'annulation était effectivement une possibilité. Le vendredi, l'annonce officielle est tombée et a été reprise un peu partout. Tim Kring m'a alors appelé. Il voulait mobiliser tout le monde pour le projet de téléfilm de conclusion, qui l'intéresse au plus haut point. Je le soutiens, je le ferai s'il voit le jour.
Qu'allez-vous faire après "Heroes" ? Je sais que vous prenez des cours d'écriture de scénario...
Oui, j'ai envie d'explorer la production, que ce soit à la télévision ou au cinéma. Deux films dans lesquels j'ai joué vont sortir dans les prochains mois. Leur succès éventuel va peut-être me permettre de me consacrer davantage au cinéma. Est-ce que je suis opposé à un retour à la télévision ? Sûrement pas, mais je me sens davantage attiré par les productions du câble. J'ai l'impression qu'ils vont plus loin, se permettent plus, que tout le monde a plus de libertés, y compris au niveau de la charge de travail, les saisons étant plus courtes, le tournage ne prend plus 10 mois comme pour les séries de grands networks.
Propos recueillis par Thomas Destouches le 19 mai 2010 à Paris