Comment tout a commencé…
Cinéaste atypique, la carrière cinématographique de Kim Chapiron ne ressemble qu’à elle-même. Né en 1980, il se fait connaître par le biais de Kourtrajme, un collectif fondé avec Romain Gavras en 1995, dont le but est de réaliser des courts-métrages pour le moins… particuliers. Selon lui, il s’agit "d’une dynamique d’amis tous au service de cette même envie de faire des images ancrées dans une réalité, une réalité psychédélique et sauvage…", confie-t-il. Créer des films fournissant un regard décalé sur la société, comme en témoignent les nombreux clips et courts-métrages réalisés depuis 1995.
Vincent Cassel, qui prit part à plusieurs projets du collectif, avait expliqué que ce qui lui plaisait, avec Kourtrajme, résidait dans son aspect à la fois déjanté et dynamique, où tout est possible... Où le politiquement correct n'a pas sa place… Pour réaliser son premier long-métrage Sheitan (2005), qu’on peut définir à la manière d’un croisement entre La Haine et Massacre à la tronçonneuse, Kim Chapiron est d’ailleurs resté dans l’esprit du collectif, mêlant style visuel travaillé, humour noir et scènes explicites.
Quatre ans plus tard, le cinéaste change de registre en se rendant aux Etats-Unis pour s’atteler à la mise en scène de Dog Pound, dont l’intrigue se déroule entre les murs d’un pénitencier pour mineurs, dans une Amérique "white trash" façon Bully ou Ken Park de Larry Clark. De par son traitement plus sobre et terre à terre, ce film se démarque ainsi de ses précédentes réalisations, même s’il s’agit à nouveau, comme pour les courts-métrages de Kourtrajme ou Sheitan, d’une œuvre en adéquation avec son époque. C’est du moins de cette manière qu’il définit Dog Pound, et plus globalement l'ensemble de ses créations : "Kourtrajme était complètement en accord avec son époque, Sheitan aussi et là Dog Pound, avec un regard plus sobre par respect pour le sujet, est également un film qui vit de son époque."
Perfectionniste…
La manière dont Kim Chapiron a préparé le tournage de Dog Pound témoigne du perfectionnisme caractérisant sa manière de travailler sur un film. Lorsque le producteur Georges Bermann lui proposa de tourner un film de prison, le metteur en scène de Sheitan lui répondit par l’affirmative, à condition qu’il puisse avoir le temps de se documenter au maximum sur ce sujet délicat.
C’est dans cette optique qu’il décida d’entamer un périple d’un an à travers les Etats-Unis, au sein duquel il entreprit un vaste travail de recherche sur le milieu carcéral pour mineurs : entretiens avec des surveillants et des prisonniers, visites de plusieurs établissements pénitenciers, recherche de jeunes délinquants pour jouer dans son film, etc. Bref, tout a été fait pour rendre cette fiction carcérale la plus authentique possible, chose primordiale, selon le réalisateur, à partir du moment où l’on s’attaque à un thème aussi sensible : "Toujours dans ce souci de réalisme, le "casting sauvage" aussi bien dans les courts-métrages que dans Sheitan, c’est un exercice que j’adore… Avec mon équipe, on était toujours en recherche de ces gens vrais (…) on se promenait dans les lycées, dans les rues, dans les centres commerciaux aux alentours du tournage (…).", explique Kim Chapiron.
Pas question pour lui de donner forme à un autre film de prison au sens stéréotypé du terme, centré sur des gangsters tatoués et des matons sadiques… La préoccupation du metteur en scène réside plutôt dans la mise en œuvre d’un film témoignant de la réalité carcérale dans son aspect le plus brute. Une grande partie des acteurs du film ont ainsi réellement fait de la prison, et les surveillants que l’on voit à l’écran sont de vrais matons… Même les péripéties narratives du film (règlements de comptes, etc.) prennent racine dans des récits qu’à écouté Kim Chapiron, lors des nombreux entretiens qu’il a réalisé auprès de prisonniers. Le résultat final s'en ressent : Dog Pound possède un aspect documentaire indéniable, le distinguant ainsi de tout ce qu'on avait pu voir pour l'instant sur le thème carcéral.
Ce n’est pas fini…
Après Sheitan et Dog Pound, deux longs métrages qui n'avaient donc pas grand chose en commun (si ce n'est leur originalité), Kim Chapiron travaille actuellement avec Vincent Cassel sur le scénario... D’un film d’amour, qui aura pour toile de fond le Carnaval de Rio. Précisons que le Brésil est un pays duquel les deux artistes sont éperdument tombés amoureux… Leur objectif étant de retranscrire, via ce film, la magie de cet évènement particulier, somme toute bien en phase avec le dynamisme de leur personnalité. Energie, originalité, audace, impertinence et perfectionnisme, autant de mots rendant compte du rapport au cinéma propre à Kim Chapiron, un jeune cinéaste atypique qui n'a pas fini de nous surprendre.
Laurent Schenck
Notre interview de Kim Chapiron au moment de la sortie de Sheitan
Notre interview de Kim Chapiron autour de Dog Pound