Allociné Série : Qu’est-ce qui était le plus compliqué dans "Victoire Bonnot" pour vous qui n’êtes pas actrice de profession ?
Valérie Damidot : Te dire que tu joues un rôle et que ce n’est pas forcément toi. Même si tu réagis d’une certaine façon, la nana que tu interprètes ne va peut-être pas réagir de la même façon dans l’histoire… Mon rôle me ressemble un petit peu quand même mais elle travaille dans un lycée, elle est CPE, elle est là pour faire respecter l’ordre, la discipline, donc on me disait : "Non, ne mets pas ton énergie là dedans, c’est pas comme ça qu’il va falloir le jouer". Il faut attendre et proposer un truc qui ne colle pas forcément avec ce que tu aurais fait toi, mais comme le personnage l’aurait fait.
Comment s’est fait le projet ?
L’histoire est simple. J’ai été voir les patrons de M6 en février-mars en leur disant : "Voilà, moi j’ai envie de faire autre chose que de la "déco" - tout en conservant la déco, que j’adore – mais pas forcément un talk-show. Un truc sympa". Quand j’étais ado, il y avait un truc qui me touchait beaucoup, c’était Pause-café. À l’époque c’était super moderne, on parlait de tout. Ça serait passé maintenant, ça ne serait pas diffusé, ça serait interdit au moins de seize ans… Dans cette série il y a des filles qui se font violer, qui se font droguer, qui boivent, qui ont un beau-père pédophile, elles ont des problèmes hallucinants. Il y avait Véronique Jannot qui donnait un coté un peu épuré et il y avait un côté très moderne, super proche des ados. Donc j’ai dit que j’aimerais bien faire Pause-café en la transposant maintenant parce que finalement les problèmes d’ados n’ont pas trop évolué. J’en ai deux à la maison, ils ont des problèmes d’alcool, de drogues, il savent pas quoi faire dans la vie, ils se trouvent moches, ils sont paumés… Il y en a beaucoup dont les parents ont baissé les bras, qui sont livrés à eux mêmes. On voulait passer un petit message aux parents, aux ados, en disant que c’est pas facile, c’est pas le monde de "Oui-Oui". On a pris des vrais faits divers, les deux gamines du pilote ont vraiment existé.
Roxane Damidot, votre fille, incarne également votre fille dans le pilote. À quel moment ce choix s’est-il imposé ?
Très vite. Bien sûr, elle a passé des essais parce qu’elle n'aime pas qu’on dise qu’elle a été méga-pistonné (rires). On m’a dit : "Tu vas avoir une fille de 17 ans". Je connais un peu les ados et je me suis dit qu’il allait falloir tisser des liens de complicité avec une gamine qui allait jouer ma fille ; Roxane est en terminale, ça fait trois ans qu’elle fait du théâtre, elle sait jouer la comédie. J’ai demandé à Julien [Dewolf, directeur des fictions de M6] s’il pensait que c’était bien que ce soit Roxane, il m’a répondu qu’elle passerait des essais. Donc elle a passé son casting, Philippe [Dajoux, le réalisateur] a dit que c’était pas mal, qu'il y en avait une autre qui était bien aussi et qu’ils allaient voir. On a refait passer des essais, elle a refait des scènes et finalement on s’est dit que ça s’imposait : on a joué une scène ensemble et il était évident que c’était plus drôle. Il y avait une grande liberté comme dans la scène où je la rejoins dans sa chambre et je me fous de sa gueule avec son portable. Philippe m’a demandé : "Qu’est ce que tu ferais si tu découvres qu’elle drague un mec de trente ans et qu’elle a appelé toutes ses copines pour se plaindre de toi ?" et j’ai répondu que je me foutrai sans doute de sa gueule. Il m’a dit "vas y" et j’y suis allée.
Une des qualités principales du pilote?
Peut-être le fait que pour une fois on a pas triché sur les vraies histoires des enfants. Comme je l'ai dit, ce sont de vrais trucs, on ne triche pas sur leur façon d'être. Un ado vit des trucs hyper dramatiques, il passe du rire aux larmes d'un seul coup. Ils vivent des trucs super trash, un autre truc se passe, ils se fendent la gueule. On les a pas trahis. On a demandé à tous les ados qui étaient sur la série s'ils avaient des trucs comme ça dans leur lycée. Ils parlent normalement, on ne leur a pas enlevé le langage de l'adolescence ni les comportements comme le "gothique" qui me fait mourir de rire, qui est exasperé d'être au lycée... Tout le monde en a eu un comme ça dans sa classe, qui est toujours en retard, qui est toujours "looké", qui fait la gueule. Je pense qu'on a pas trahi les lycéens et c'est peut-être ce qui va leur donner envie de voir la série.
Quel regard portez-vous sur la fonction que vous incarnez à l'écran : celle de CPE (Conseiller Principal d'Éducation)?
J'ai vu le CPE de mes enfants et ceux du lycée où on a tourné. Il y en a quand même qui essayent de faire bouger les choses. Il ont un peu plus de pouvoir qu'auparavant, parce qu'ils ont quand même une grande marge de manœuvre - en tout cas plus qu'à l'époque de Pause-café où elle était assistante sociale, elle faisait des attestations mais surtout de l'administratif. Elle intervenait un petit peu sur le terrain parce qu'elle venait rendre visite, mais c'était très limité. La CPE, elle a tous les droits. Si elle estime qu'un enfant est en danger, elle peut intervenir, son statut a beaucoup évolué, parce que les lycéens ont beaucoup évolué. Quand tu vois les faits divers avec les gamines qui picolent et qui arrivent en classe bourrées le matin... Et même dans des endroits considérés comme "calmes". Pour leur avoir parlé, il y en a quand même qui essayent de faire avancer les choses. Après, il y en a d'autres... C'est comme tous les fonctionnaires qui sont potes avec le proviseur et qui pensent "Ceux qui nous emmerdent, on va les virer". Beaucoup d'élèves sont virés très facilement parce qu'ils veulent des résultats au bac.
Avez-vous de bons souvenirs de vos années au lycée?
Moi j'ai adoré le lycée. J'étais un peu... Petite, j'étais timide, renfermée, c'était un cauchemar, je ne parlais pas. [Mimant un professur l'interpellant] "Valérie! Au tableau!". J'avais le nez rouge vif et je pouvais me pisser dessus de trouille. J'étais en panique pour une poésie! Je suis une ancienne timide qui s'est beaucoup soignée. Ce qui m'a sauvée c'est le lycée dans lequel j'ai passé une année de seconde assez compliquée au début [...] car c'était un lycée expérimental "auto-géré". Je suis arrivée là-bas, on était vingt par classe, on tutoyait les profs, on fumait en classe, on choisissait nos heures, on était pas surveillé pendant les devoirs. Il fallait apprendre à se gérer, j'ai découvert un autre univers. Je venais d'une autre éducation, dans un lycée de bonnes sœurs, un peu sévère, entre filles. Donc arriver là ensuite m'a retourné le cerveau et j'ai commencé à aimer le lycée, j'aimais bien y aller.
Propos recueillis par William Beaudenon