Alors que la mission Zelnik a remis mercredi au gouvernement une série de propositions pour améliorer l'offre légale de biens culturels sur internet et la rémunération des créateurs, voulues comme des alternatives au volet répressif de la loi Hadopi, le CNC vient de livrer quant à lui son bilan de fréquentation des salles françaises pour l'année 2009. Verdict ? 200,85 millions d'entrées, soit la plus forte augmentation depuis 27 ans. Et encore : arrêtés au 31 décembre, ces chiffres sont susceptibles d'évoluer à la hausse puisque le CNC prévoit de les réajuster d'ici le mois de mai prochain.
Fréquentation en forte hausse
La fréquentation est en hausse de 5,7% par rapport à l'an dernier souligne le rapport. Il faut remonter à 1982 pour retrouver une telle affluence (201,93 millions), nettement supérieure à la moyenne annuelle des dix dernières années, qui était de 183,98 millions. D'excellents résultats donc, que le ministère de la Culture n'a évidemment pas manqué de saluer dans un communiqué, "félicitant l'ensemble des professionnels qui ont concouru à ce bon résultat". C'est surtout sur le second semestre que les salles ont fait le plein de spectateurs, avec des entrées en hausse de 18,7% par rapport à 2008. Sur le seul mois de décembre, l'augmentation est de 23%, grâce à la sortie du poids lourd Avatar de James Cameron. Mais c'est le mois de juillet qui s'est taillé la part du lion, avec 20,37 millions d'entrées, fortement aidé il est vrai par un rouleau compresseur de films américains : Harry Potter et le Prince de sang mêlé , Public Enemies et L' Âge de glace 3 - Le Temps des dinosaures .
Recul des films français
La part des films français a en revanche connu un net recul, passant de 45,3% en 2008 à 37,1% en 2009, tandis que les productions américaines se sont adjugées 49,8%. Autre nuance à apporter : les bons chiffres de 2009 ont surtout profité aux grandes exploitations comme les multiplexes, qui affichent des entrées en hausse de 7,9% contre 3,3% dans la moyenne exploitation. Les petites salles quant à elles ont vu leur fréquentation stagner, enregistrant un poussif 0,4%. Un résultat plus que mitigé pour ces dernières, au point que le CNC a mis sur pied un groupe de travail pour plancher sur la question. Ses recommandations devraient être publiées courant janvier.
Hadopi en embuscade
Pour les détracteurs de la loi Hadopi -et ils sont encore nombreux- les chiffres du CNC sont du pain béni : avec les excellents résultats de fréquentations des salles pour l'année 2009, ceux qui jouaient les cassandres sur le déclin du cinéma en raison du piratage des films en seront pour leurs frais...Il faut en effet se souvenir que l'un des arguments poids-lourds évoqués par Christine Albanel pour légitimer la création de l'Hadopi, était le chiffre de 450.000 téléchargements illégaux de films par jour, réduisant d'autant la fréquentation des salles de cinéma...Loin d'être un pur hasard du calendrier, le ministère de la Culture vient par ailleurs de nommer Marie-Françoise Marais, conseillère à la Cour de cassation, à la présidence de l'Hadopi, qui enverra ses premiers avertissements entre avril et juillet; avril étant "l'option basse et juillet l'option haute" a précisé Frédéric Mitterrand.
Par ailleurs, pas sûr que la hache de guerre entre pro et anti Hadopi soit définitivement enterrée. A peine remises au ministre de la Culture, les propositions faites par la mission Zelnik, dont notamment l'instauration d'une "taxe Google" sur les revenus publicitaires en ligne, ravivent des feux mal éteints...La mission Zelnik accouche d'une vilaine petite souris" déclare dans son communiqué la Quadrature du Net, un collectif de citoyens se voulant le défenseur des libertés individuelles à l'ère du numérique; dénonçant au passage "le financement de business dépassés aux frais du contribuable". "En privilégiant subventions publiques et crédits d'impôt, le rapport propose de faire payer par tous les contribuables le prix d'une marchandisation culturelle dogmatique" s'insurge le collectif dans son communiqué. Il déplore également que la mission "ait ignoré les approches fondées sur la reconnaissance des droits au partage non-commercial et le financement équitable de la création comme la contribution créative".
Olivier Pallaruelo avec AFP, Libération et Le Point