Du 1er octobre au 12 novembre dernier, à l'occasion de la 4e édition d'"Autumn Stories", une iniative du Fonds Culturel franco-américain, quatre scénaristes américains de premier plan, Janet Dulin Jones (Une Carte du monde), Jeremy Leven (Don Juan DeMarco), Frank Pierson (Un après-midi de chien) et Kasi Lemmons, tous membres de la Writer Guild of America, ont eu l'opportunité de venir finaliser leurs projets d'écriture dans un des prestigieux monuments de la région Ile-de-France : l'Abbaye de Royaumont. AlloCiné a rencontré les trois premiers pour évoquer cette initiative originale ainsi que leurs scénarios, tous en rapport avec la Région Ile-de-France.
AlloCiné : Quels bénéfices tirez-vous de l’aventure "Autumn Stories" ? Avez-vous rencontré des professionnels du cinéma français ?
Janet Dulin Jones : Rencontrer et apprendre à connaître mes collègues scénaristes français a été pour moi une expérience très enrichissante. A Los Angeles, les scénaristes n’ont jamais l’opportunité de travailler ensemble dans un environnement créatif. C’était également l’occasion pour moi de vivre au rythme de Paris. Par ailleurs, mon amie, Isabelle Mergault réalise en ce moment Un Homme très recherché et j’ai eu l’opportunité d’assister à un après-midi de tournage. C’était un plaisir de rencontrer Daniel Auteuil ! Isabelle m’est d’un grand soutien et d’une grande aide. "Autumn stories" m’a également permis de rencontrer un décorateur et un costumier français qui m’ont apporté de formidables idées pour la pré-production de mon film.
Jeremy Leven : Déjà, d’avoir la chance d’écrire dans un cadre magnifique et paisible. Et puis d’être logé et nourri de manière à pouvoir se consacrer entièrement à l’écriture ! Nous avons tous déjeuné avec un groupe de scénaristes français, mais je n’ai rencontré aucun producteur, réalisateur ou directeur photo pour l’instant, probablement parce que contrairement aux autres qui sont arrivés ici avec un scénario déjà presque écrit, je suis venu ici pour commencer à écrire le mien. De plus, ayant travaillé en France pendant des années, je ne suis pas venu pour établir des contacts, j’en ai déjà beaucoup. Je suis d’ailleurs en quelque sorte moi aussi un auteur "français", puisque deux de mes romans sont publiés chez Robert Laffont !
Kasi Lemmons : J’ai adoré le déjeuner que nous avons partagé avec les scénaristes français. Nous avons surtout parlé littérature et des écrivains américains qui les avaient influencés.
AlloCiné : Que représente Paris pour vous ?
Janet Dublin Jones : Paris est une ville grisante, qui ouvre pour moi des horizons nouveaux à l’art et à la pensée. Paris a aussi l’image d’une ville romantique grâce à des films tels que Le Hussard sur le toit, Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain et Drôle de frimousse de Stanley Donen, avec Fred Astaire et Audrey Hepburn.
Jeremy Leven : Je suis venu à Paris pour la première fois en 1968 et la ville m’est plutôt familière, ayant vécu ici des années. En effet, Paris est une ville romantique mais surtout une ville où l’on porte un grand intérêt aux activités intellectuelles et artistiques.
Kasi Lemmons : J’ai commencé à venir ici quand j’étais enfant et mon amour pour Paris a depuis grandi. C’est une ville complexe, et surtout un formidable melting-pot culturel. Je ne suis pas attirée seulement pour sa beauté évidente mais par ses habitants et son histoire. J’ai beaucoup d’amis ici, d’origines sociales et ethniques très diverses, mais ils partagent la même fierté et le même amour pour Paris. L’idée de mon scénario Strangers in Paris m’est venue ici, alors que j’étais en promo pour un film dans lequel je jouais. Une des actrices du film a eu une aventure brève mais intense avec un Français. Il ne parlait pas un mot d’anglais et elle pas un mot de français, je leur traduisais du mieux que je pouvais mais ils se comprenaient au-delà des mots. Pour ce film, j’ai visionné beaucoup de films français, comme j’ai l’habitude de le faire mais de manière encore plus assidue, surtout des films de la nouvelle vague, et les films de Jacques Audiard que j’adore.
AlloCiné : Pensez-vous à des acteurs pendant l’écriture de vos scénarios ? Avez-vous l’intention de "caster" des acteurs français pour les rôles de votre film ?
Janet Dublin Jones : Je ne pense généralement pas à des acteurs en écrivant mais j’adore Juliette Binoche et pense à elle pour quelques unes de mes héroïnes. L’adaptation d’Henry James que je suis en train d’écrire, The Ambassadors, est un film véritablement international qui comprendra des acteurs américains, anglais et français.
Jeremy Leven : Cela dépend. Pour La Légende de Bagger Vance, par exemple, je savais depuis le début que Robert Redford jouerait le rôle principal, donc j’avais écrit avec cela en tête, puis il a décidé à la dernière minute de ne pas le faire. Pour le scénario que je suis en train d’écrire, Girl on a Bicycle, je sais déjà qui interprétera l’un des rôles principaux, donc le rôle est en quelque sort taillé pour lui.
Kasi Lemmons : Quand j’écris, je ne pense jamais en terme d’acteurs mais de personnages. Mais en effet, une grande majorité des personnages, dont le personnage principal masculin, sont français, et seront donc interprétés par des acteurs français.
AlloCiné : Une question pour Jeremy Leven : "Girl on a bicycle" semble être un projet personnel. Quelles différences y-a-t-il entre travailler pour des réalisateurs tels que Robert Redford ou Nick Cassavetes et travailler pour soi-même ?
Jeremy Leven : Aux Etats-Unis, il est rare de connaître quel sera le réalisateur du film avant d’avoir terminé le scénario. Par conséquent, je n’écris pas vraiment pour des réalisateurs en particulier. Lorsqu’un réalisateur est engagé, alors je retravaille le scénario en fonction. Il y a cependant des exceptions : Robert Redford, par exemple était aux commandes du film dès le départ. On discutait donc ensemble de ce qu’il désirait, et j’essayais de le faire. Bien sûr, écrire pour soi-même est beaucoup plus simple que d’avoir dix personnes avec dix idées contradictoires qui vous disent ce que vous devez faire, surtout lorsque vous n’êtes pas d’accord avec eux. D’un autre côté, il est parfois bon d’avoir l’avis d’une personne extérieure au projet.
Propos recueillis par Adriana Soreil