AlloCiné Séries : La saison évolue autour du journaliste Alexandre Marchand, un nouveau venu joué par Grégori Dérangère. Comment le décririez-vous ?
Sorj Chalandon : C'est un type bien, un type en colère et qui va l'être de plus en plus au fil des événements. C'est un journaliste honnête mais aussi un homme blessé par la mort de son père. Il est honnête. Tous les personnages de Reporters sont honnêtes mais on parle d'une honnêteté qui est un peu différente selon les individus...
Cayatte, interprété par Patrick Bouchitey, représente vraiment le journalisme à l'ancienne...
Sorj Chalandon : Oui exactement. Personnellement, des Cayatte, j'en ai croisé plein à Libération pendant 34 ans. C'est ceux qui donnent envie d'y être. Il y va, il a les pieds dans la boue. C'est le journaliste à l'ancienne. Il va falloir qu'il vienne au bimédia mais ça l'emmerde !
Patrick Bouchitey : Ce que Cayatte veut, c'est écrire son livre. Il va donc se nourrir de l'histoire d'Augé (ndlr : un homme dont il avait suivi la condamnation pour meurtre il y a dix ans et qui vient d'obtenir une révision de procès à laquelle Cayatte est appelé à témoigner) pour le faire, un peu comme Truman Capote avec "De Sang Froid". Il faut du courage pour mener cette enquête en parallèle de son métier.
Sorj Chalandon : Cayatte est un homme qui va au-delà de son métier.
Du coup, il va être encore plus en marge...
Patrick Bouchitey : Entre l'alcool et ses problèmes de santé, il va traverser des épreuves personnelles.
Sorj Chalandon : Il ne va pas avoir le choix. Son problème n'est pas de savoir si Augé est coupable ou non. C'est un problème de base : cette enquête a été mal faite. Cayatte accuse un système. Il va se passer quelque chose de très fort entre ces deux hommes, deux têtes dures, deux êtres perdus qui vont se retrouver eux-mêmes.
Vous n'étiez pas scénariste sur la saison 1. Comment avez-vous été approché pour travailler sur la saison 2 ?
Sorj Chalandon : Je connaissais des gens à CAPA qui se sont dit, au regard de mes romans (ndlr : Prix Medicis en 2006 pour son roman "Une promesse"), qu'en tant que journaliste, je pouvais également écrire de la fiction. Ecrire sur le journalisme, ça m'intéresse. Et quand on parle d'un journalisme en crise, ça m'intéresse aussi.
Vous avez donc puisé dans votre expérience ?
Sorj Chalandon : Malheureusement, oui. Quand j'ai vu les scènes du journal en crise, je pleurais. J'ai retrouvé des moments du théâtre de la cruauté, de violence et de haine qui m'ont bouleversé.
Patrick Bouchitey : Il y a des moments chauds, de révolte, de grève...
Les sujets traités ont une certaine résonance avec l'actualité...
Sorj Chalandon : Le problème c'est que parfois nous sommes rattrapés par des choses que nous n'imaginions pas. C'est toujours extrêmement embarrassant : par exemple, il aurait presque été préférable de parler du bimédia dans la saison 1, afin d'avoir une vraie longueur d'avance. Là, les journalistes sont en plein dans ce débat. L'idée majeure pour nous c'est que chaque journaliste qui regarde la série se sente concerné, s'identifie, qu'il n'y ait pas d'erreurs ou de stéréotypes. Il faut aussi qu'un non-journaliste puisse tout comprendre de ce métier et de ses questionnements.
Vous allez abordez le rapport entre les journalistes et les politiques ?
Sorj Chalandon : On va parler de ça, de la liaison dangereuse avec la politique et le pouvoir, entre les faits et le mensonge, comment on peut fabriquer la vérité...
Il va y avoir une 3ème saison ?
Jean-Luc Estebe : A priori oui. On a déjà commencé à travailler dessus.
Patrick Bouchitey : A moins que la saison ne soit boudée par le téléspectateur... (rires)
Jean-Luc Estebe : Il y a toujours un risque. On n'a jamais de certitude.
Sorj Chalandon : J'ai acheté deux postes pour augmenter le taux d'audience (rires).
A combien s'élève le budget pour cette saison ?
Jean-Luc Estebe : Le budget global pour les dix épisodes tourne autour des 10-12 millions d'euros. C'est une série qui est chère car il y a beaucoup de décors et de personnages. La scène du riad par exemple a été tournée au Maroc.
Sorj Chalandon : La reconstitution de l'attentat est superbe. Il fallait trouver quelque chose qui accroche tout de suite.
Patrick Bouchitey : Il y a beaucoup d'émotion et d'ambition dès le début.
La saison 3 est en cours d'écriture ?
Sorj Chalandon : On a seulement couché sur papier les arcs et l'histoire générale.
Patrick Bouchitey : Deux saisons, c'est déjà bien en fait (rires) !
Sorj Chalandon : Vous ne savez pas ce qui attend votre personnage, c'est jouissif.
Patrick Bouchitey : Mon personnage écrit enfin un livre qui a du succès, je suis ravi. J'en suis resté là.
Sorj Chalandon : Il y a une montée chromatique, ça va aller crescendo pour Cayatte !
En ce début de saison, tout porte à croire que ce personnage va disparaître...
Sorj Chalandon : Mais non. C'est ce qu'on veut vous faire croire ! Sa présence à la rédaction rassure, il est un peu le référent de cette saison pour les autres journalistes après le décès d'Albert Lehman, le directeur de 24 Heures. Il incarne le fantôme des grands anciens, ce journalisme qui risque de mourir avec nous. Cayatte ne partira jamais à la retraite. D'abord que ferait-il à la retraite ?
Patrick Bouchitey : Jamais de la vie ! Il aura 110 ans qu'il continuera ce métier. Il va tous les enterrer, vous verrez ! (rires)
Propos recueillis par Alexia Kappelmann