Vertige de l'amour, Osez Joséphine, Gaby, Ma petite entreprise, ... Artiste incontournable de la scène musicale française (il a remporté trois Victoires de la Musique fin février, après avoir été fait Chevalier de la Légion d'honneur), Alain Bashung s'est éteint ce samedi 14 mars à l'hôpital parisien Saint-Joseph, entouré de ses proches. Âgé de 61ans, l'auteur-compositeur-interprète (14 albums) a succombé au cancer du poumon qui l'avait laissé très affaibli ces derniers mois.
De Nestor Burma...
Cinéphile, il avait confié la réalisation de certains de ses clips à des cinéastes reconnus, tels Claire Denis (Faites monter) ou Jacques Audiard (La Nuit je mens). On sait qu'il composa la BO de Ma petite entreprise (au départ le titre d'un de ses tubes en 1994), la comédie sociale de Pierre Jolivet. Patrice Leconte confia que le film Félix et Lola lui a été inspiré par une autre de ses chansons, Dehors. Comme acteur, il ne fit pas le parcours d'un Jacques Dutronc, mais sa filmographie, étendue sur 25 ans, compte une quinzaine de titres. Difficile cependant d'employer le mot "carrière" à propos de la contribution de Bashung au cinéma : quoi de commun entre le délirant Cimetiere des voitures d'Arrabal (1983) et les aimables comédies qu'il tourne avec Charlotte De Turckheim ou Guila Braoudé dans les années 90 ? Notons que celui qui enregistra un de ses albums les plus marquants, Play blessures, avec Serge Gainsbourg fit sa première apparition au cinéma aux côtés de Jane Birkin, en chanteur de rock louche nommé Bo Kraddock (!), dans Nestor Burma, détective de choc (1982).
...aux gangsters de Benchetrit
Sans doute sensibles à son côté à la fois rugueux et secret, les réalisatrices Paule Muret et Aline Issermann lui confient des rôles principaux au début des années 90, la première dans Rien que des mensonges, drame conjugal avec Fanny Ardant (on peut en voir des images dans le clip de Madame rêve), la seconde dans L'Ombre du doute, où il incarne un père incestueux en 1993. Il trouve un autre rôle fort l'année suivante dans Ma soeur chinoise, tourné en Chine. Fort du succès commercial du disque Osez Josephine en 1992, il se consacrera ensuite surtout à ses activités de chanteur. Signalons sa prestation de taulard à qui on ne la fait pas dans La Confusion des genres et, plus surprenant, son expérience de doubleur dans Arthur et les Minimoys en 2007. L'an dernier, il formait avec Arno un tandem de rockers devant la caméra de Samuel Benchetrit (J'ai toujours rêvé d'être un gangster), comme en écho au face-à-face jarmuschien Tom Waits-Iggy Pop dans Coffee and cigarettes.
Julien Dokhan