Allociné : Vous avez travaillé dans le cinéma toute votre vie, comme assistant réalisateur, scénariste, scripte, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour passer à la réalisation ?
Gianni Di Gregorio: Le Déjeuner du 15 août est un projet qui me tient à coeur depuis très longtemps, et que j'ai mis 10 ans à écrire. Si je viens seulement de le réaliser c'est parce qu'aucun producteur ne croyait en ce projet et ne voulait investir. La plupart pensait que personne ne serait intéressé par un film qui a pour actrices principales quatre femmes de 90 ans. C'est finalement Matteo Garrone, le réalisateur de Gomorra, qui a eu le courage de le produire avec un petit budget. Quand j'ai eu l'argent, même si le budget n'était pas très élevé, je me suis dit : " c'est maintenant ou jamais ! "
Vous êtes à la fois scénariste, réalisateur et acteur principal du film, pensiez vous déjà, durant l'écriture, à réaliser et à jouer dedans vous-même ?
Non, au départ j'ai écrit le film pour le vendre, mais je n'ai jamais eu l'intention de le réaliser ni de jouer un rôle dedans. Mais, à l'instar des producteurs, aucun réalisateur ne croyait au projet. J'ai donc décidé de le réaliser moi-même avec le soutien de mon entourage. A quelques jours du tournage, il me manquait toujours l'acteur principal, et j'avais beaucoup de difficultés à trouver un acteur, surtout que le cachet tel qu'il est fixé en Italie pour les comédiens, était équivalent au budget de mon film. C'est pourquoi à deux jours du tournage, j'ai décidé d'interpréter le rôle principal. Durant mes études de cinéma, j'ai pris des cours de théâtre, mais en raison de ma timidité je n'ai jamais souhaité jouer dans un film. Je suis content de ne pas avoir vendu le scénario au final.
Votre film est présenté comme " Le retour de la comédie italienne ". Qu'en pensez vous ?
C'est pour moi un honneur que mon film soit présenté comme "un retour à la comédie italienne ", mais aussi une grande responsabilité ! J'ai grandi avec la comédie italienne, du coup je pense m'en être inspiré inconsciemment pour écrire et réaliser Le Déjeuner du 15 août. Même si le fond du film est dramatique, je voulais trouver une façon agréable de parler du sujet sous les traits de la comédie.
Y a-t-il un aspect autobiographique dans votre film ?
Oui ! J'ai eu le même rapport avec ma mère pendant une dizaine d'années, j'ai connu le monde des anciens et j'ai été particulièrement touché par la joie de vivre et l'enthousiasme des personnes âgées, et aussi par leur vulnérabilité et leur peur de l'abandon. Et un jour, pendant l'été, le syndic de l'immeuble est venu frapper à ma porte pour me proposer de garder quelques jours sa mère âgée parce qu'il voulait partir en vacances, et j'ai refusé. C'est là que je me suis demandé ce qui se serait passé si j'avais accepté. Le film est le résultat de cette fantaisie.
Votre film se déroule durant le week-end du 15 Août, pourquoi avoir choisi cette date en particulier ?
A l'origine, en Italie, le 15 Août correspond à une fête religieuse. Ce jour là, c'est la fête, tout le monde est en vacances et la ville est déserte. Les personnes agées se retrouvent alors abandonnées. C'est pour cette raison que j'ai choisi ce jour.
Pourquoi avoir choisi des actrices non professionnelles ?
Je n'ai rien contre les comédiens professionnels mais je voulais des actrices non professionnelles, parce qu'elles ont une fraîcheur, une spontanéité. Les actrices que nous avons choisies ont de très fortes personnalités : c'était parfait, leur jeu était très naturel, et avait une force incroyable. Par contre, j'ai compris tout de suite que ça allait être impossible de les diriger car, la majorité du temps, elles improvisaient et par la même occasion nous aussi. Nous les suivions avec la caméra, et cela n'a en effet pas été facile.
Le Déjeuner du 15 août, a reçu le prix du meilleur premier film au Festival de Venise 2009, que représente pour vous cette consécration ?
J'ai toujours aimé le cinéma, j'ai travaillé de toutes les façons dans le cinéma et cela toute ma vie. Pour moi c'est vraiment une très belle récompense. C'est la preuve que l'on peut faire un premier film à l'âge de 60 ans et qu'il n'y a pas d'âge pour commencer à faire des choses.
Vous avez coscénarisé le film " Gomorra " de Matteo Garrone, quelle influence a eue cette aventure sur votre film ?
Le scénario de Gomorra a été je pense le travail le plus important de ma vie. Matteo Garrone, qui en est le réalisateur, a ensuite accepté de produire Le Déjeuner du 15 août. Le prestige de Matteo Garrone a eu beaucoup d'incidence dans la réussite de mon film. Il m'a beaucoup aidé dans le casting et également dans le montage du film.
Avez-vous des projets ?
J'aimerais faire d'autres films comme réalisateur. Mais la vérité c'est que je souhaite continuer à faire de tout : scénariste, assistant-réalisateur aussi. Je veux continuer à créer un sentiment de groupe, créer des équipes, parce qu'avec une bonne équipe je pense qu'il y a moyen de faire de bons longs métrages et de sortir les films de l'Italie.
Propos recueillis par Flora Zaghini à Paris le 6 mars 2009.