MISE A JOUR (avec AFP)
Le projet de loi antipiratage a été adopté ce 30 octobre au soir par une large majorité des Sénateurs (UMP, centristes, PS et radicaux). Le projet de loi propose une "riposte graduée" contre l'internaute pirate via une démarche "pédagogique et dissuasive". Les ayants droit pourront saisir la Haute Autorité s'ils constatent que leurs oeuvres font l'objet d'un téléchargement illicite : l'Hadopi enverra alors un avertissement par courriel à l'internaute, suivi d'une lettre recommandée s'il poursuit ses agissements. L'autorité pourra alors si besoin passer à une phase de sanctions, pouvant conduire à une suspension d'un an de l'accès à internet. Pour les entreprises et autres établissements collectifs, le texte prévoit l'installation de pare-feux pour empêcher les salariés et les utilisateurs de pratiquer le téléchargement illégal depuis leur poste. Les Sénateurs ont notamment rejeté un amendement qui proposait de remplacer la coupure d'internet par une amende, et adopté un amendement introduisant -si la technologie le permet- la possibilité d'une suspension partielle de l'abonnement laissant l'accès à certains services (messagerie notamment). Le projet de loi doit désormais être examiné par l'Assemblée Nationale.
Le vote il y a quelques semaines par le Parlement Européen de l'amendement 138 relatif au paquet télécom, qui garantit la liberté d'expression et l'accès à l'information, stipulant notamment que "aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire" (VOIR NOTRE ARTICLE), ne semble visiblement pas avoir freiné les vélléités du gouvernement français et de la ministre de la Culture, madame Christine Albanel.
Procédure d'urgence
Avant même le début de l'examen du projet de loi "Création & internet", la volonté d'accélérer la cadence législative a clairement été affichée par le gouvernement, le Premier ministre François Fillon ayant déclaré l'urgence du projet de loi. Cette procédure signifie que le texte ne fera l'objet que d'une seule (et non de deux) lecture à l'Assemblée et au Sénat. Une décision qui devrait "amoindrir considérablement la qualité du débat" précise le magazine Ecran Total, qui ajoute : "la véritable réflexion de fond -escomptée par l'ensemble des acteurs du secteur- sur la place du droit d'auteur dans l'univers numérique pourrait donc ne pas avoir lieu, et être remplacée par un simulacre de discussion parlementaire".
Mise à l'amende
De leur côté, les sénateurs ont entamés hier soir l'examen du projet de loi, dont la mesure phare est l'adoption du principe de "riposte graduée", pouvant conduire à terme à la coupure de l'accès internet. "La visée pédagogique et préventive de ce mécanisme est essentielle et constitue le coeur du projet du gouvernement", a déclaré Christine Albanel, venue plaider il y a quelques jours sa cause au Sénat. "70% des internautes cesseraient de télécharger dès le premier message d'avertissement et 90% dès le second" a-t-elle expliqué, citant une étude réalisée en Grande-Bretagne. Signe de la cacophonie ambiante, la Commission des affaires économiques du Sénat, à majorité UMP et saisie pour avis, a adopté mardi soir un amendement qui remplace cette coupure d'accès à internet par une amende. Une initiative à la fois désapprouvée par le gouvernement et par Christine Albanel, qui s'est montrée "réservée sur cette disposition qui instaurerait une inégalité entre les internautes capables de s'acquitter de leur amende et les autres".
Vers une sanction intermédiaire ?
Une sanction intermédiaire à la suspension pure et simple de l'abonnement internet a toutefois été prévue dans les 50 amendements préconisés par la Commission des affaires culturelles du Sénat, dont le rapport vient d'être rendu par le sénateur Michel Thiollière. Il s'agirait, "si et seulement si l'évolution des technologies permet d'atteindre l'objectif de protection des oeuvres", de maintenir pour l'internaute fautif l'usage de certains services, comme la messagerie et l'accès aux sites légaux. Une sanction intermédiaire qui ne semble pas enthousiasmer Christine Albanel, estimant que "la suspension partielle de l'abonnement risquerait d'amoindrir l'effet dissuasif des avertissements".
Des délais raccourcis pour le marché de la vidéo
Parmi les propositions faites par la Commission des affaires culturelles du Sénat, une devrait logiquement réjouir les acteurs de l'industrie de la vidéo ainsi que les consommateurs : la révision de la chronologie des médias, instaurée par décret le 29 juillet 1982 et modifiée en novembre 2000. Les fenêtres d'exploitation vidéo et VOD pourraient en effet être ramenées à 4 mois, contre 6 à 9 actuellement; une décision qui va dans le bon sens a estimé Jean-Yves Mirski, délégué général du SVN (Syndicat de l'édition numérique). Et qui pourrait par la même occasion redonner vie à un marché vidéo en berne depuis quelques années.
Olivier Pallaruelo avec Ecran Total et AFP