AlloCiné Séries : Entre la saison 1 et la 2ème d'"Engrenages", il s'est écoulé presque 3 ans. N'était-ce pas étrange de retrouver ce personnage après tout ce temps ?
Audrey Fleurot : Nous avons même eu peur de ne jamais les retrouver en fait (rires). Il est vrai qu'il a eu tellement de décalage entre les deux saisons. A un moment donné, nous nous sommes dit qu'il n'y aurait peut-être pas de suite alors que la série avait vraiment bien marché, et que les retours étaient positifs. Du coup, ça a été une très bonne nouvelle lorsque la suite s'est confirmée. J'étais très contente. C'était étonnant cependant de retrouver un personnage que l'on a déjà joué, avec un laps de quasiment trois ans. On se demande forcément ce qu'il lui est arrivé durant ces trois années. C'est comme retrouver un vieil ami que l'on avait pas vu depuis trois ans.
Qu'est-ce qui vous avez attiré au départ dans le rôle de Joséphine Karlsson ?
Ce que je trouve agréable à jouer, c'est justement les personnages un peu complexes, durs et noirs. C'est très jubilatoire à jouer les méchants. Il est rare d'avoir des personnages sombres aussi enthousiasmants. Elle est très aigrie, elle n'a pas beaucoup d'état d'âmes. Ce que j'aime surtout c'est qu'on n'explique pas pourquoi elle est comme ça. Trop souvent, on a tendance à la télévision française de vouloir tout expliquer au public. Je trouve ça bien qu'on ne dise pas qu'elle a eu une enfance difficile ou je ne sais quoi. Il y a des personnes qui ont envie de réussir, qui ont besoin d'une reconnaissance professionnelle, qui aiment l'argent. C'est un personnage très politiquement incorrect. Et il y a des répliques qui sont totalement jubilatoires, que je ne pourrais jamais dire dans la vie. J'adore ça ! C'est un personnage très éloigné de moi. Elle est très sûre d'elle, ou en tout cas elle donne l'impression qu'elle l'est. Elle aime se frotter au danger, c'est une joueuse !
Dans la saison 2 d'"Engrenages", Joséphine occupe une place plus importante. Elle va vivre des choses difficiles. Racontez-nous !
Il y a une ellipse par rapport à la saison 1. Les personnages ne sont pas repris là où on les avait laissé. Très vite, on comprend que Joséphine est en froid avec le ministre. Elle repart à la case départ, en ayant à sa charge toutes les commissions d'office et elle n'a pas du tout la vocation pour ça. Ce n'est pas une avocate pour voler au secours de la veuve et de l'orphelin. Donc très vite elle va essayer de se greffer à Maître Szabo (Daniel Duval), un grand avocat spécialisé dans le banditisme. Elle va travailler pour lui et elle va essayer de le doubler. Joséphine joue cette saison dans la cour des grands. Même si c'est ce qu'elle voulait, elle n'a pas encore la carrure pour ! Elle va se retrouver confrontée au grand banditisme, un milieu ultra violent, un milieu très masculin dans lequel elle va essayer de naviguer comme elle peut.
Diriez-vous qu'elle joue avec ses limites ?
Oui, elle va faire des choses qui peuvent la faire radier carrément du barreau. Elle va basculer dans l'illégalité. Il y a toujours une étape à passer, à laquelle s'ajoute l'adrénaline qui va avec. C'est l'adrénaline de se frotter à un certain milieu qui l'excite d'une certaine façon, à l'argent facile... Elle va se retrouver dans son propre engrenage, parce qu'elle s'est impliquée elle-même dans une situation inextricable et elle ne sait pas jusqu'où elle va pouvoir aller.
Qu'avez-vous apprécié cette saison chez votre personnage ?
Ce qui m'intéressait était de montrer des moments de fragilité que l'on ne percevait pas dans la 1ère saison. Dès qu'elle se retrouve un peu seule, dès que personne ne peut la voir, le masque tombe et on la découvre fragile. C'est bien de voir qu'elle ne maîtrise pas toujours la situation, elle ne réussit pas toujours ce qu'elle entreprend. C'est quelque chose que j'avais moins la possibilité de montrer dans la 1ère saison. Ces moments-là restent quand même assez rares. Joséphine n'a pas d'amis, ni de copain, ni de famille. Toute sa vie est centrée autour de son travail. Du coup, ça prend une ampleur considérable. On ne sait pas grand-chose d'elle, si ce n'est qu'elle a une espèce de revanche à prendre sur la vie. Elle a besoin d'une reconnaissance énorme. Elle manipule les gens, elle se greffe aux gens. Il y a toujours une finalité. Elle ne fait confiance à personne et ne peut compter que sur elle. Dans le duel avec la capitaine Berthaud (Caroline Proust), d'une certaine façon elle admire cette femme. Elle voit en elle une adversaire à sa taille. Elle sent qu'il y a du répondant, et je pense que ça l'attire aussi, même si elle représente tout ce qu'elle rejette. Le fait d'être une femme dans un milieu réservé essentiellement aux hommes les unit quelque part.
La tension entre votre personnage et celui de Caroline Proust (Laure Berthaud) ne s'est pas répercuté sur le plateau ?
Pas du tout, cela ne nous empêchait pas de rire entre deux prises. Nous ne sommes pas du tout du genre à se mettre chacune à un bout du plateau. Je pense, en tout cas moi dans ma façon de travailler, ce n'est pas ça qui va servir le personnage. Ce qui sert le personnage, c'est justement d'avoir énormément de connivence entre les acteurs. Et de pouvoir se dire les choses et aller très loin parce qu'on n'a pas peur de fragiliser l'autre, parce que parallèlement justement nous sommes très soudés. C'est une équipe que j'aime beaucoup !
Quelle a été la plus grande difficulté que vous avez eu à surmonter sur le tournage de la saison 2 d'"Engrenages" ?
La seule chose qui me faisait un peu peur, c'est qu'il y avait trois réalisateurs vu que le montage se faisait en même temps qu'on tournait. Du coup, j'avais un peu peur du passage de l'un à l'autre. Je me disais que ça allait être une façon complètement différente de travailler. Et puis en fait pas du tout ! Ça s'est passé de façon très très fluide, et le peu d'appréhension que je pouvais avoir ne s'est pas vérifié. J'ai l'impression que le fil conducteur c'est nous quand même. Ce sont plus eux qui se sont adaptés que nous. Et je pense aussi qu'on a travaillé avec des réalisateurs qui étaient très enthousiastes de participer à l'aventure. Du coup, ils se sont vraiment mis au service de l'aventure et ont fait en sorte de préserver une cohérence dans l'esthétique, dans l'ambiance.
Avez-vous bénéficié de conseils de professionnels pour coller à la réalité ?
Sur le plateau, il y a toujours un conseiller juridique pour éviter de faire de l'à-peu-près. Il permet de ne pas faire n'importe quoi. Est-ce qu'à ce moment-là j'ai la robe, j'ai pas la robe ? Est-ce que je peux m'adresser directement au Président ? Il y avait toujours quelqu'un pour nous renseigner. Je suis assez contente car des amis proches qui sont avocats m'ont assuré qu'il n'y avait pas de situations improbables comme c'est le cas dans certaines séries. Nous avons apportés un soin tout particulier aux formalités, à tout le cérémonial.
Une 3ème saison est en écriture. Joséphine fera-t-elle partie de l'aventure ?
Joséphine est très méchante (rires), mais elle ne meurt pas. Donc oui, elle fera partie de la 3ème saison et j'en suis très enthousiaste.
Qu'aimeriez-vous explorer à l'avenir dans "Engrenages" ?
J'aimerais explorer davantage ses failles, qu'elle maîtrise moins la situation. C'est la porte que l'on a ouvert dans la 2ème saison !
Quels sont vos projets à venir ?
J'ai fait une série qui s'appelle Eternelle et qui sera diffusée sur M6 à la rentrée. Je viens de terminer La reine et le cardinal, réalisé par Marc Riviere, avec Philippe Torreton. C'est un téléfilm d'époque de 2 x 90 minutes destiné à France 2, que l'on a tourné notamment dans les châteaux de la Loire. Et je vais jouer Le Menteur de Pierre Corneille au Théâtre national de Toulouse, mis en scène par Laurent Pelly. Les répétitions débuteront en septembre, et nous serons à l'affiche à partir de décembre.
Pour terminer, quelles sont vos séries préférés ?
Je regarde beaucoup de séries américaines. J'aime énormément The Shield, Les Soprano, Oz. Et The Wire aussi.
Propos recueillis par Pascal Muscarnera le 6 mai 2008
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